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Les Anglo-Saxons : La fondation de l’Angleterre

Origines et premières incursions (Ve siècle)

À partir de 450 après J.-C., l’arrivée des Anglo-Saxons dans l’île de Bretagne marque une étape importante dans l’histoire des îles Britanniques. Ce groupe, composé principalement de Saxons, Angles et Jutes, était originaire des régions correspondant à l’actuelle Allemagne du Nord et au Danemark. Ces populations, initialement des pirates et pillards opérant le long des côtes britanniques, transformèrent rapidement leurs raids en une colonisation à grande échelle, cherchant à s’établir durablement dans les terres fertiles de l’île.

Plusieurs facteurs expliquent cette migration massive. Les Anglo-Saxons faisaient face à des pressions accrues dans leurs territoires d’origine, où d’autres peuples germaniques tels que les Francs et les Huns exerçaient une pression constante, forçant certaines tribus à chercher de nouvelles terres. Cette dynamique, combinée à la relative richesse agricole de la Bretagne, rendit cette dernière particulièrement attrayante pour ces populations. Par ailleurs, l’effondrement de l’autorité romaine après le retrait des légions en 410 laissa l’île vulnérable. Les défenses autrefois solides, telles que les fortifications romaines, étaient en grande partie désorganisées, et les populations locales, désormais livrées à elles-mêmes, n’étaient pas en mesure de repousser efficacement ces nouveaux envahisseurs.

La colonisation anglo-saxonne s’accompagna d’un changement profond dans la structure sociale et politique de la Bretagne. Les premiers colons ne se contentèrent pas de piller, mais s’installèrent, établissant des forteresses et des colonies qui devinrent rapidement des centres de pouvoir. Ces implantations se développèrent, remplaçant les anciennes structures romano-brittoniques par des royaumes indépendants, posant les bases de ce qui deviendra l’Angleterre anglo-saxonne.

Les premières implantations :

Les premières implantations anglo-saxonnes dans l’île de Bretagne furent marquées par l’établissement de bastions stratégiques qui servirent de points de départ à leur expansion. Le Kent, dirigé par le chef Hengist, fut le premier d’entre eux. Hengist, un chef saxon, fut invité par Vortigern, un roi britton subromain, pour défendre la Bretagne contre d’autres envahisseurs, notamment les Pictes et les Scots. Initialement un allié, Hengist utilisa cette opportunité pour asseoir son pouvoir. Il s’établit définitivement dans le Kent, rompant rapidement son alliance avec les Brittons et posant les bases d’un bastion anglo-saxon durable.

Peu après, d’autres implantations suivirent, formant une chaîne de territoires saxons dans le sud de l’île. Le Sussex, littéralement "le pays des Saxons du Sud", fut fondé sous la direction d’Aelle. Ce chef saxon établit son pouvoir en repoussant les populations brittoniques locales dans les forêts du Weald et en conquérant des fortifications stratégiques comme Anderida (l’actuelle Pevensey). Le Wessex, ou "le pays des Saxons de l’Ouest", fut quant à lui établi par Cerdic, un chef qui joua un rôle central dans la consolidation des Saxons dans cette région. Ces premiers bastions anglo-saxons devinrent des points d’appui pour la colonisation ultérieure, accélérant l’expansion et la domination de ces nouveaux arrivants sur l’île de Bretagne.


L’expansion anglo-saxonne (VIe siècle)

Au cours du VIe siècle, les Anglo-Saxons poursuivirent leur avancée à travers l’île de Bretagne, transformant progressivement le paysage politique et territorial. Leur progression inexorable repoussa les populations celtes vers les régions montagneuses et marginales, notamment le pays de Galles, la Cornouailles, et le nord de l’île, correspondant à l’actuelle Écosse. Les territoires celtes, auparavant dominants, furent fragmentés en petits royaumes isolés, incapables de coordonner une défense efficace contre les envahisseurs.

Malgré cette pression constante, des figures légendaires comme le roi Arthur émergèrent pour incarner la résistance brittonique. Selon les traditions, Arthur aurait remporté une victoire décisive contre les Saxons à Badon Hill (vers 516), offrant un répit temporaire aux Celtes. Cette bataille, bien que sujette à des interprétations variées, symbolise un moment d’espoir dans une période marquée par des défaites successives. Toutefois, les succès celtes demeurèrent sporadiques et insuffisants pour enrayer durablement l’expansion anglo-saxonne.

À mesure que les Anglo-Saxons consolidaient leur emprise, de nouveaux royaumes émergeaient, tels que le Wessex, le Sussex, et le Kent, devenant les centres névralgiques de leur domination. Cette expansion modifia durablement la structure ethnique et culturelle de l’île, préparant la voie à la formation des royaumes anglo-saxons unifiés au cours des siècles suivants.

Principales étapes de l’expansion :

  • Le royaume de Northumbrie fut formé en fusionnant les petits royaumes de Bernicie et Deira sous le règne d’Aethelfrith (début du VIIe siècle).
  • Le Wessex poursuivit son avancée en prenant des territoires celtes dans le sud-ouest, notamment après la bataille décisive de Dyrham en 577, qui isola la Dumnonia (Cornouailles) du reste de la Bretagne.

carte des invasions anglo-saxones de l'île de bretagne 

L’émergence de l’Heptarchie (VIIe-VIIIe siècles)

À partir du VIIe siècle, la fragmentation politique des territoires anglo-saxons donna naissance à sept royaumes principaux, collectivement connus sous le nom d’Heptarchie. Ces royaumes, chacun avec son identité propre et ses dynamiques internes, devinrent les piliers de la domination anglo-saxonne en Bretagne et contribuèrent à la formation de l’Angleterre médiévale.

  1. Kent (Jutes) : Le Kent, dirigé par les Jutes, fut le premier bastion anglo-saxon établi dans l’île, sous la gouvernance de Hengist et de ses descendants. Ce royaume devint un centre culturel et religieux précoce, notamment grâce à la mission de Saint Augustin en 596, qui christianisa le roi Æthelbert et introduisit le christianisme romain dans les terres anglo-saxonnes.

  2. Sussex (South Saxons) : Le royaume de Sussex, fondé par Aelle, domina la région correspondant aujourd’hui au sud de l’Angleterre. Bien qu’il ait initialement joué un rôle important, le Sussex perdit rapidement de son influence face aux royaumes plus puissants comme le Wessex et la Mercie.

  3. Essex (East Saxons) : L’Essex, établi par les Saxons de l’Est, incluait Londres, qui devint un carrefour commercial majeur. Cependant, le royaume fut souvent subordonné à ses voisins plus puissants, notamment la Mercie, au cours des siècles suivants.

  4. Wessex (West Saxons) : Le Wessex, fondé par Cerdic et Cynric, devint l’un des royaumes anglo-saxons les plus dynamiques. Situé dans le sud-ouest de l’Angleterre, il joua un rôle central dans la consolidation des Anglo-Saxons et émergea comme le royaume dominant sous le règne d’Egbert au IXe siècle.

  5. East Anglia (Angles) : Ce royaume, divisé entre le Norfolk (North Folk) et le Suffolk (South Folk), fut un bastion des Angles dans l’est de l’île. East Anglia prospéra en tant que centre agricole et religieux, avec des figures notables comme Saint Edmond.

  6. Mercie (Angles) : La Mercie, au cœur de l’Angleterre, s’étendait sur une vaste région autour de la vallée de la rivière Trent. Sous des rois puissants comme Penda et Offa, la Mercie domina politiquement et militairement une grande partie de l’île pendant le VIIIe siècle. Le Dyke d’Offa, construit sous Offa, marqua la frontière avec les territoires celtes du pays de Galles.

  7. Northumbrie (Angles) : Issue de l’union des royaumes de Bernicie et de Deira, la Northumbrie s’imposa comme un centre intellectuel et religieux majeur grâce à des figures comme Bède le Vénérable. Elle joua également un rôle crucial dans la diffusion du christianisme et la consolidation culturelle des Anglo-Saxons.


L’interdépendance et les rivalités

Bien que chaque royaume de l’Heptarchie ait maintenu une certaine indépendance, des rivalités constantes, des alliances stratégiques et des guerres marquèrent leurs relations. Les royaumes plus puissants, comme la Mercie et le Wessex, cherchèrent à dominer leurs voisins, préparant le terrain pour l’unification progressive sous un seul roi.

Cette période fut également marquée par l’influence croissante du christianisme, qui contribua à l’émergence d’une culture commune et d’une relative stabilité dans les royaumes anglo-saxons.


Consolidation politique des royaumes anglo-saxons

La consolidation politique des royaumes anglo-saxons au VIIe siècle fut marquée par la montée en puissance de certains royaumes clés, qui dominèrent successivement l’île de Bretagne. Ces royaumes, portés par des dirigeants charismatiques et des politiques expansionnistes, rivalisèrent pour imposer leur hégémonie sur leurs voisins, façonnant ainsi la géopolitique de l’Heptarchie.

La Northumbrie sous Aethelfrith :
La Northumbrie, née de l’union des royaumes de Bernicie et Deira, devint l’un des principaux royaumes anglo-saxons sous le règne d’Aethelfrith au début du VIIe siècle. Aethelfrith étendit son influence sur une grande partie de l’île, notamment en remportant des victoires décisives contre les Celtes, comme à Chester en 616, où il écrasa les forces du roi Selyf de Powys. Cependant, cette période de domination prit fin en 685 lors de la bataille de Nechtansmere, où les Pictes infligèrent une défaite majeure à la Northumbrie, marquant un recul de son influence dans le nord de l’île.

La Mercie sous Penda :
La Mercie, située au centre de l’Angleterre, émergea comme une puissance militaire et politique sous le règne du roi Penda (626-655). Penda fut un des rares rois anglo-saxons à rester fidèle au paganisme pendant une grande partie de son règne. Il mena de nombreuses campagnes victorieuses, notamment contre les royaumes chrétiens voisins comme la Northumbrie, où il tua les rois Edwin (633) et Oswald (642). Cependant, sa quête de domination régionale fut entravée par des conflits constants avec ses rivaux saxons. Penda trouva la mort à la bataille de Winwaed en 655, ce qui affaiblit temporairement la Mercie, bien que celle-ci retrouverait son importance sous des souverains ultérieurs comme Offa.

Le Wessex sous Ceawlin :
Le Wessex, situé dans le sud-ouest de l’Angleterre, se distingua par sa capacité à consolider ses frontières et à repousser les incursions celtes. Sous Ceawlin (560-592), le Wessex remporta une série de victoires, notamment à Dyrham en 577, où il prit Gloucester, Bath, et Cirencester, isolant définitivement les Celtes de Cornouailles du reste de la Bretagne. Ces conquêtes permirent au Wessex de s’étendre et de s’imposer comme un acteur dominant dans le sud de l’Angleterre. Ce processus de consolidation se poursuivit sous ses successeurs, posant les bases de l’unification future sous Egbert au IXe siècle.


La christianisation des Anglo-Saxons

L’arrivée du christianisme dans les royaumes anglo-saxons, initiée par la mission de Saint Augustin en 597, joua un rôle clé dans l’unification culturelle et religieuse de ces territoires. Le roi Ethelbert de Kent fut le premier souverain à se convertir, suivi par d’autres rois anglo-saxons.

Le Synode de Whitby (664) :Ce concile marqua la victoire de l’Église romaine sur l’Église celte, unifiant les pratiques religieuses des Anglo-Saxons et renforçant leur intégration dans la chrétienté occidentale.

 

Carte de l'île de Bretagne en 780 

La domination anglo-saxonne (VIIIe-IXe siècles)

Au cours des VIIIe et IXe siècles, la domination anglo-saxonne sur l’île de Bretagne atteignit son apogée. À cette époque, les royaumes anglo-saxons parvinrent non seulement à repousser les Celtes dans leurs derniers bastions, mais aussi à poser les fondations de l’unification politique de l’Angleterre. Cette période marque la transition de l’Heptarchie vers un royaume centralisé sous la domination du Wessex.


Conquête des derniers territoires celtes

Au VIIIe siècle, les royaumes celtes, autrefois influents, furent réduits à des enclaves marginales, notamment dans les régions montagneuses du pays de Galles et de la Cornouailles. Ces zones, difficiles d’accès, devinrent les derniers bastions de la résistance celte face à l’expansion anglo-saxonne. Les campagnes militaires des Anglo-Saxons, souvent menées par la Mercie et le Wessex, firent reculer les frontières celtes, isolant encore davantage ces territoires.

Pour consolider ces gains, le roi Offa de Mercie (757-796) ordonna la construction de la célèbre Dyke d’Offa, une imposante digue en terre marquant la frontière entre les terres anglo-saxonnes et celles des Gallois. Ce rempart symbolisait à la fois la puissance de la Mercie et la division définitive entre les Anglo-Saxons et les royaumes celtes occidentaux. Bien que les Gallois aient continué à mener des raids sporadiques, cette frontière renforça l’hégémonie anglo-saxonne dans le sud et l’ouest de l’île.


Unification sous Egbert de Wessex

L’unification des royaumes anglo-saxons, jusque-là fragmentés, débuta véritablement sous le règne d’Egbert de Wessex (802-839). Après avoir consolidé son pouvoir dans le Wessex, Egbert entreprit une série de campagnes militaires visant à soumettre ses rivaux. En 825, lors de la bataille d’Ellandun, il infligea une défaite décisive à Beornwulf de Mercie, renversant la domination mercienne dans le sud de l’Angleterre. Cette victoire marqua un tournant majeur, permettant au Wessex d’étendre son influence sur les autres royaumes.

En 827, Egbert devint le premier souverain à réunir les royaumes anglo-saxons sous un seul règne, se proclamant Bretwalda ("souverain de Bretagne"). Bien que cette union fût encore fragile et symbolique, elle établit les bases d’une Angleterre unifiée. Egbert renforça l’autorité du Wessex sur des territoires clés comme le Kent, le Sussex, l’Essex, et l’East Anglia, tout en maintenant une influence notable sur la Mercie affaiblie.


Les Vikings et la fin de l’hégémonie anglo-saxonne (IXe-XIe siècles)

Les invasions vikings : une nouvelle menace

À partir de 787, les Anglo-Saxons furent confrontés à une menace majeure : les Vikings, ou peuples nordiques, qui commencèrent à mener des raids destructeurs sur les côtes anglaises. Ces incursions évoluèrent rapidement en des campagnes militaires de plus grande envergure, les Vikings cherchant à s’installer durablement sur les terres anglo-saxonnes.

Au IXe siècle, les Vikings prirent le contrôle de plusieurs régions stratégiques, notamment l’East Anglia, la Northumbrie, et des parties de la Mercie. En 865, une grande armée viking, connue sous le nom de Grande Armée païenne, débarqua en Angleterre et conquit plusieurs royaumes anglo-saxons, mettant en péril l’unité et la survie même de la culture anglo-saxonne.


Le rôle d’Alfred le Grand

Face à cette crise, Alfred le Grand (règne : 871-899), roi du Wessex, émergea comme le principal défenseur de l’identité anglo-saxonne. Alfred mena une résistance acharnée contre les Danois, obtenant une victoire décisive lors de la bataille d’Ethandun en 878. Cette victoire permit la conclusion d’un accord avec les Vikings, établissant le Danelaw, une région au nord et à l’est de l’Angleterre sous contrôle viking mais intégrée au système anglo-saxon. Cet arrangement permit de maintenir une paix relative tout en reconnaissant la présence viking sur le sol anglais.

Outre ses succès militaires, Alfred fut également un grand réformateur. Il entreprit de renforcer les défenses de son royaume en construisant des fortifications appelées burhs et en réorganisant l’armée pour répondre plus efficacement aux attaques vikings. Sur le plan culturel, Alfred encouragea la renaissance intellectuelle en commanditant des traductions d’œuvres classiques en vieil anglais et en établissant des écoles pour éduquer les clercs et les nobles. Ces initiatives consolidèrent l’identité anglaise et jetèrent les bases d’un royaume plus uni.


L’ère danoise : Knud le Grand et la dynastie anglo-saxonne restaurée

Malgré la résistance d’Alfred et de ses successeurs, les Vikings continuèrent de représenter une menace au Xe siècle. En 1016, Knud le Grand, un roi danois, prit le contrôle de l’Angleterre après avoir vaincu les forces anglo-saxonnes. Knud établit une dynastie danoise et gouverna l’Angleterre avec une certaine stabilité, intégrant les pratiques administratives et culturelles anglo-saxonnes dans son règne. Cependant, cette domination danoise fut éphémère.

En 1042, à la mort du fils de Knud, Harthacnut, la dynastie anglo-saxonne fut restaurée avec l’avènement d’Édouard le Confesseur. Édouard, dernier roi anglo-saxon pleinement reconnu, tenta de stabiliser le royaume, mais son règne fut marqué par des tensions internes et des ambitions concurrentes parmi les nobles.


Vers la fin de l’hégémonie anglo-saxonne

Malgré la restauration anglo-saxonne sous Édouard, la stabilité politique de l’Angleterre restait précaire. En 1066, après la mort d’Édouard le Confesseur sans héritier direct, une crise de succession éclata. Harold II, dernier roi anglo-saxon, fut défait par Guillaume le Conquérant lors de la bataille de Hastings, marquant la fin définitive de l’ère anglo-saxonne et le début de la domination normande.



Sources et références

  1. Bède le Vénérable, Historia Ecclesiastica Gentis Anglorum (731).
  2. Simon Keynes, The Anglo-Saxon Chronicle.
  3. Peter Hunter Blair, An Introduction to Anglo-Saxon England.
  4. Barbara Yorke, Kings and Kingdoms of Early Anglo-Saxon England.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Juin 2011

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