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Histoire de la Valachie et de la Moldavie jusqu’au XIVème siècle.

La Valachie : Naissance d'un État au XIIIème siècle

Origines et contexte historique

La Valachie, région historique située entre les Carpates et le Danube, émerge dans un contexte marqué par les pressions extérieures, notamment celles du Royaume de Hongrie et de l'Empire Byzantin. Ces deux puissances cherchent à contrôler stratégiquement cette région carrefour, reliant l'Europe centrale et le sud-est européen.

Au XIIIème siècle, cette région est principalement peuplée par des groupes valaques (roumains), issus de traditions pastorales et agricoles. Ces communautés sont organisées en "cnezats" et "voïvodies", de petites unités administratives autonomes dirigées par des chefs locaux (cnezi et voïvodes). La désintégration de l'empire cuman au début du XIIIème siècle, conséquence des invasions mongoles, crée un vide politique dans la région. Cette situation facilite l'émergence d'un pouvoir local structuré capable de contrer les prétentions extérieures.

Dans ce contexte, les premiers noyaux de résistance valaques se regroupent autour de chefs locaux, qui évoluent progressivement vers une centralisation du pouvoir. La situation géopolitique de la Valachie, coincée entre les royaumes hongrois au nord-ouest et les dépendances byzantines à l'est, impose une vigilance constante. L'équilibre fragile entre ces différentes influences pousse les dirigeants valaques à chercher à consolider leur autonomie.

En parallèle, la culture locale s’enrichit d’influences byzantines et slaves, reflétant un équilibre subtil entre les courants orthodoxes et les structures sociales traditionnelles valaques. Ce terreau culturel et politique pose les bases de l’unification de la Valachie sous Basarab Ier.

La fondation sous Basarab Ier

La fondation de la Valachie est attribuée à Basarab Ier (1310-1352), qui unifie les principautés locales sous son autorité. Figure charismatique et stratège avisé, Basarab tire parti des divisions internes au sein du Royaume de Hongrie et consolide son pouvoir face aux seigneurs locaux valaques parfois réticents à une unification. Son règne marque une rupture avec la fragmentation politique antérieure.

Basarab Ier fait preuve d’un leadership exceptionnel en affrontant la puissance du roi Charles Robert d’Anjou, dont l’expansion menaçait directement l’autonomie des principautés valaques. Refusant de se soumettre à la suzeraineté hongroise, Basarab mobilise ses forces pour défendre l’indépendance de son territoire.

En 1330, la bataille de Posada devient un événement clé de l’histoire de la Valachie. Après une campagne militaire mal engagée par les Hongrois, Basarab utilise sa connaissance du terrain pour tendre une embuscade dans les défilés montagneux de la région. La victoire éclatante de Posada non seulement détruit l’armée hongroise, mais confirme également Basarab comme un chef militaire de premier ordre. Cet événement symbolise l’émancipation définitive de la Valachie vis-à-vis de la Hongrie.

Sous Basarab Ier, l’administration de la Valachie se renforce et commence à prendre la forme d’un État centralisé. Le voïvode établit sa résidence à Câmpulung, qui devient l’une des premières capitales administratives et économiques du pays. Ce processus de centralisation est accompagné de réformes visant à structurer l’impôt et à établir une armée permanente capable de défendre les frontières.

L’indépendance de la Valachie est également consolidée sur le plan diplomatique, avec des efforts pour maintenir un équilibre entre les puissances voisines, notamment l’Empire Byzantin et les Tatars de la Horde d’Or. Basarab Ier pose ainsi les bases d’un État durable qui survivra aux défis politiques et militaires des siècles suivants.



La Moldavie : Une création sous influence hongroise au XIVème siècle

Origines et établissement

La Moldavie émerge plus tardivement au XIVème siècle, sous l’impulsion de Dragoş, un chef militaire délégué par le roi de Hongrie pour protéger la frontière orientale de son royaume. Vers 1352, Dragoş établit une principauté sous suzeraineté hongroise dans la vallée du Prut.

À cette époque, la région de la Moldavie est marquée par un contexte géopolitique complexe. Le territoire, situé entre la chaîne des Carpates et le fleuve Dniestr, constitue une zone tampon exposée aux incursions tatares et mongoles. Dragoş est chargé par la couronne hongroise de sécuriser cette région et d’organiser une administration locale capable de protéger les axes commerciaux et les frontières orientales.

En tant que chef militaire, Dragoş installe son siège dans la vallée du Prut, où il établit une structure de pouvoir embryonnaire. Ce système repose sur l’allégeance de plusieurs clans locaux et la mise en place d’une administration inspirée des modèles hongrois. Malgré son rôle de fondateur, Dragoş agit sous la suzeraineté directe du roi de Hongrie, ce qui limite l’autonomie de la principauté naissante.

L’installation de Dragoş en Moldavie marque également l’introduction de traditions politiques et culturelles venues de l’Europe centrale. Cependant, cette influence étrangère provoque des tensions avec les élites locales, qui aspirent à une plus grande indépendance. Ces aspirations trouveront leur aboutissement avec l’arrivée de Bogdan Ier, qui mettra fin à la domination hongroise.

Transition vers l'indépendance

En 1359, Bogdan Ier, un boyard rebelle exilé de Maramureş, prend le contrôle de la Moldavie et déclare son indépendance. Ce tournant marque une rupture décisive avec la suzeraineté hongroise et constitue le début d’une Moldavie autonome. Bogdan, fort de son expérience militaire et politique, consolide rapidement son pouvoir en unifiant les clans locaux sous son autorité. Il réorganise l’administration, met en place une structure de pouvoir stable et renforce la cohésion interne de la principauté.

La déclaration d’indépendance par Bogdan Ier ne se fait pas sans opposition. Les forces hongroises tentent de rétablir leur contrôle sur la Moldavie, mais Bogdan utilise des alliances stratégiques avec les populations locales pour repousser les incursions étrangères. La construction d’un appareil militaire solide devient un pilier central de son règne, garantissant la sécurité des frontières.

Sous Bogdan Ier, la Moldavie adopte un modèle politique original inspiré des traditions locales et des structures de pouvoir byzantines. Le voïvode agit à la fois comme chef militaire et garant de l’unité politique. Cette double fonction lui permet de poser les bases d’un État durable, qui conservera son indépendance face aux ambitions des grandes puissances régionales.

Bogdan Ier établit également les premiers liens diplomatiques de la Moldavie avec ses voisins, posant ainsi les bases d’une politique étrangère équilibrée. La principauté, grâce à son autonomie, devient un acteur régional reconnu, malgré les tensions persistantes avec la Hongrie. L’indépendance acquise sous Bogdan Ier sera maintenue et renforcée par ses successeurs, ouvrant une nouvelle ère dans l’histoire de la Moldavie.



Références et sources

  1. Nicolăescu, G. "Les Roumains à travers les âges". Éditions Carpathica, 2010.
  2. Seton-Watson, R.W. "A History of the Roumanians". Cambridge University Press, 1934.
  3. Giurescu, Constantin C. "The Making of the Romanian Principalities". Humanitas, 1998.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, Juin 2016.