Le règne de Louis X
Après la condamnation des belles filles du roi de fer, ses fils n'ont encore pas d'héritier direct. A la mort de Philippe le Bel, c'est Louis X le Hutin (surnommé ainsi en raison de son caractère difficile) qui lui succède. Ce roi ne règne que pendant deux ans. Influencé par son oncle Charles de Valois, il rend des prérogatives aux vassaux, auparavant confisquées par son père. Il fait également une rupture avec les légistes de son père, et va même jusqu'à exécuter Enguerrand de Marigny, fidèle conseiller financier de Philippe le Bel. Son cadavre sera exposé au gibet de Paris pendant deux ans. Il meurt en 1316 de façon suspecte. Enceinte, sa nouvelle femme donne naissance à Jean Ier, enfant posthume qui meurt au bout de quelques jours.
Louis X, dit le Hutin, né à Paris le 4 octobre 1289, mort à Vincennes le 5 juin 1316, prit le titre de roi de Navarre et de comte de Champagne à la mort de sa mère (2 avril 1305) et fut sacré à Pampelune en 1307. Il succéda à son père le 29 novembre 1314 et fut couronné à Reims en août 1315. Comme il se trouvait en Navarre à la mort de Philippe le Bel, ce fut son oncle Charles de Valois qui gouverna jusqu'à son arrivée. Le mécontentement de toutes les classes de la société était alors à son comble, provoqué par la fiscalité de Philippe, le fait que le clergé avait à supporter des charges énormes, les lois somptuaires et autres mesures de ce genre qui blessaient particulièrement la noblesse, la misère générale du peuple. Les provinces se soulevèrent, les nobles, le clergé et le tiers état organisant des ligues pour obtenir le rétablissement des bonnes coutumes.
Les ligues, formées presque toutes avant l'avènement de Louis X, devaient avoir des assemblées annuelles et des commissions correspondant entre elles, qui surveilleraient les empiétements des agents royaux; la ligue de Bourgogne était entre toutes importante. Le clergé régulier même prit une grande part à ce mouvement. Mais les confédérés agirent séparément et n'obtinrent peut-être pas suffisamment l'appui des communes. La tactique de la royauté, conseillée surtout par Charles de Valois, consista à faire immédiatement aux ligueurs le plus de concessions possibles afin de dissoudre les ligues. Des commissaires furent envoyés partout avec ordre de réunir des assemblées provinciales et de donner satisfaction pour tous les griefs, en réservant certains cas pour le roi et son conseil; les frais des réformes furent seulement à la charge de ceux qui en profitaient, et la royauté favorisa plus volontiers les prétentions de la petite noblesse que celles des grands feudataires.
Louis X dut prendre des dispositions contre les officiers royaux qui étaient l'objet de plaintes universelles ; les seigneurs reconquirent leurs droits de haute et basse justice et autres privilèges. Louis concéda des chartes à la Normandie, à la Bourgogne, à la Champagne, à la Picardie, au Languedoc, à l'Auvergne, à la Bretagne et jusqu'à l'université de Paris. Aux nobles, comme aux ecclésiastiques et aux clercs, il accorda des garanties; mais, la réaction ne se maintenant pas dans de justes limites, les duels judiciaires et les guerres privées reparurent; à l'occasion de la succession du comte d'Artois, les nobles de plusieurs provinces s'armèrent.
Les principaux ministres de Philippe le Bel furent éloignés ou poursuivis, Charles de Valois et les princes du sang voulant se venger d'avoir été écartés des affaires par les légistes et les favoris. Charles priva d'abord Pierre de Latilly de sa charge de chancelier, qu'il attribua à Étienne de Mornay, son chambellan, et le fit ensuite jeter en prison avec Raoul de Presles, avocat principal au parlement, les accusant de crimes imaginaires. Poursuivi par la haine populaire, et plus encore par la haine de Charles de Valois, Enguerrand de Marigny, qui avait été tout-puissant sous Philippe le Bel, fut pendu à Montfaucon (30 avril 1315); mais l'iniquité de la condamnation a été ensuite démontrée; une partie des biens d'Enguerrand fut rendue par le roi à ses fils.
Louis X s'occupa alors de préparer une expédition en Flandre. Robert de Béthune, qui se refusait sous différents prétextes à exécuter le traité de 1312, y fut condamné par arrêt de la cour des pairs. Ayant besoin d'argent, le roi octroya des privilèges moyennant finance à des marchands italiens et juifs, contracta un emprunt en hypothéquant le revenu de plusieurs sénéchaussées, obtint de la ville de Paris une subvention et promulgua surtout le célèbre édit du 3 juillet 1315, par lequel il vendit la liberté aux serfs de ses domaines. Puis il marcha contre la Flandre vers le milieu du mois d'août de la même année.
Malgré les conventions signées avec le Hainaut, le Brabant, l'Angleterre, il ne put la bloquer complètement. Entre Lille et la Lys, les inondations et les maladies le contraignirent à s'arrêter et il revint sans avoir combattu. L'année 1315 fut marquée par des intempéries et une disette terribles, En décembre, Louis X rendit une ordonnance de réforme qui sanctionna les privilèges du clergé. Cette même année, il nomma des commissaires enquêteurs chargés, sur les plaintes de la municipalité de La Rochelle, de réformer les abus des agents royaux. Subitement il mourut pour avoir bu du vin glacé, après s'être échauffé au jeu de paume, et fut enterré à Saint-Denis.
Mahaut, comtesse d'Artois et de Bourgogne, fut accusée d'avoir empoisonné le roi pour faciliter à ses enfants l'accès du trône de France. Il est difficile de juger un prince aussi jeune dont le règne a été si court; mais, comme son gouvernement fut avant tout le gouvernement de Charles de Valois, au moins peut-on dire qu'il ne semble pas avoir fait preuve des qualités d'un souverain. L'oeuvre de Philippe le Bel fut compromise par son fils. Il avait été marié deux fois : le 23 septembre 1305 avec la légendaire Marguerite, fille de Robert lI, duc de Bourgogne, qui mourut prisonnière au Château-Gaillard des Andelys, étouffée, disait-on, par ordre de son mari ou de Charles de Valois, et dont il avait eu une fille, Jeanne, femme de Philippe d'Evreux, roi de Navarre, et le 19 août 1315, avec Clémence, fille de Charles Martel, roi de Hongrie. Il laissait sa seconde femme enceinte d'un enfant qui fut le roi Jean Ier.
Jean Ier
Jean Ier, dit le Posthume, est un roi de France, né le 15 novembre 1316, mort le 20 novembre suivant (Moyen âge, Capétiens). Il était fils de Louis X et de sa deuxième femme, Clémence de Hongrie. Il naquit cinq mois et demi après la mort de son père.
De sa première femme, Marie de Bourgogne, Louis X laissait une fille, mais elle n'eut pas la couronne, et un frère du roi défunt, Philippe, comte de Poitiers (futur roi Philippe V le Long) , prit la régence, en attendant les couches de la reine (juin 1316). D'après divers témoignages Jean le Posthume ne vécut que cinq jours, mais, à en croire certains documents, comme le Diario de Sienne et une charte de Nicolas Rienzi, le comte de Poitiers, aidé par sa belle-mère, Mahaut, comtesse d'Artois, aurait, pour s'emparer du trône, substitué au petit roi l'enfant qui mourut alors.
Quant au véritable fils de Louis X, il aurait été élevé par un négociant de Sienne, Guiccio de Mini, dont il porta le nom. Il est certain qu'un faux roi Jean Ier parut en Italie et dans le midi de la France pendant le règne de Jean le Bon. Pris en Provence, il aurait été enfermé au château de l'Oeuf, à Naples, et y serait mort. Quoi qu'il en soit, l'enfant qui mourut au Louvre le vendredi 20 novembre 1316 figure parmi les rois de France sous le nom de Jean Ier.
Le règne de Philippe V
Philippe V, dit le Long, roi de France et de Navarre (1316-1322), né en 1294, mort à Longchamp dans la nuit du 2 au 3 janvier 1322. Deuxième fils de Philippe le Bel et de Jeanne de Navarre, Philippe reçut comme apanage le comté de Poitiers, avec cette réserve qu'il devait faire retour à la couronne en cas d'extinction de la ligne masculine. Fiancé dès 1295, il épousa, en janvier 1307, Jeanne, fille et héritière d'Othon IV, comté de Bourgogne. Sa femme fut arrêtée, avec les autres brus du roi en 1314 et reléguée à Dourdan, mais, déclarée pure et non coupable, elle fut réconciliée avec son mari, Philippe avait été envoyé à Avignon par son frère Louis X pour faire hâter l'élection du successeur du pape Clément V mort depuis 1314, et non encore remplacé. Il était à Lyon quand il apprit la mort de son frère. Il se hâta alors de revenir, mais auparavant, il fit enfermer les cardinaux sous la garde du comte de Forez. L'élection de Jean XXII suivit bientôt, le 1er août.
Pour la première fois depuis l'avènement des Capétiens, la question de la succession au trône se posait en France : Louis X était mort le 5 juillet 1316, ne laissant qu'une fille de son mariage avec Marguerite de Bourgogne, mais sa seconde femme, Clémence de Hongrie, était enceinte. A peine arrivé à Paris, après avoir fait célébrer à Saint-Denis les funérailles de son frère, Philippe de Poitou réunit le Parlement « dans lequel il fut sagement réglé, par le conseil des grands et des chevaliers du royaume, que ledit Philippe défendrait et gouvernerait le royaume de France et celui de Navarre, pendant dix-huit ans, quand même la reine Clémence, que son frère avait laissée grosse, accoucherait d'un enfant mâle. C'est pourquoi sur son grand sceau était écrit : Philippe, fils du roi des Français, régent des royaumes de France et de Navarre » (Continuateur de Guillaume de Nangis).
A peine régent, Philippe fit un projet de croisade auquel le pape Jean XXII s'opposa à cause de l'état troublé de l'Europe; puis il dut s'occuper de la question d'Artois. Robert, neveu de la comtesse d'Artois, prétendait avoir été frustré du comté, prenait la ville d'Arras, le château de Saint-Omer et refusait de comparaître devant le Parlement ou il était cité. Philippe prit l'oriflamme et s'avança jusqu'à Amiens. Un arrangement intervint alors, et Robert vint se mettre dans les prisons du roi; il en sortit bientôt et renonça à ses droits sur le comté.
Le 15 novembre 1316, la reine veuve Clémence, de Hongrie accoucha d'un fils, mais celui-ci mourait le 19. Il est connu sous le nom de Jean Ier le Posthume. La question de succession se posait de nouveau. Philippe se proclama roi et, le 9 janvier 1317, il était sacré à Reims. Mais d'assez nombreuses protestations s'élevèrent. Charles, comte de la Marche, frère du roi, quitta Reims le matin même de la cérémonie, le duc et la duchesse de Bourgogne, les comtes de Valois, Alençon; Evreux, Bourbon, Anjou, Dreux, Bretagne, etc., déclarèrent que les droits de Jeanne, fille de Louis X, devaient être examinés avant que l'on procédât au sacre. La cérémonie eut cependant lieu, mais on ferma les portes de le ville pour se mettre à l'abri d'un coup de main. Dès son retour à Paris, Philippe réunit, sous la présidence du cardinal Pierre d'Arrablai, « beaucoup de grands, de nobles et d'hommes puissants du royaume, avec la plupart des prélats et des bourgeois de Paris » (Cont. de Guillaume de Nangis).
Ce furent les États généraux du 2 février 1317, qui approuvèrent le couronnement de Philippe, jurèrent de lui obéir, et après lui, à son fils Louis, et déclarèrent que « les femmes ne succèdent pas à la couronne du royaume de France. »
C'est ce que l'on a appelé depuis la loi salique. L'Université de Paris approuva, mais ne prêta pas le serment. Cependant les intrigues des adversaires de Philippe continuaient autour du roi et dans les provinces. Le pape intervint et menaça d'excommunier celui qui continueraient à faire de l'opposition. Du reste les deux principaux chefs de la faction revinrent bientôt à l'obéissance : le fils unique de Philippe, Louis, mourait; et Charles de la Marche se trouvait, d'après la nouvelle loi, l'héritier présomptif de son frère; d'autre part, le duc de Bourgogne, Eudes IV, épousa la fille aînée du roi, Jeanne, qui lui apportait en dot le comté de Bourgogne, ainsi réuni au duché. Les barons vinrent alors prêter hommage au roi, Sanche, roi de Majorque lui-même, pour la ville de Montpellier. Seul, Édouard II, roi d'Angleterre, refusa, et Philippe, ne voulant pas se mettre sur les bras une guerre avec l'Angleterre, renonça à exiger le serment.
Le roi de France avait du reste d'autres affaires à régler. Une querelle était engagée avec la Flandre depuis les dernières années du règne de Philippe le Bel. Après bien des pourparlers, des menaces de guerre, des traités inexécutés, la paix fut définitivement signée le 2 juin 1320 sous les auspices du pape et de son envoyé, le cardinal Gosselin. Louis de Nevers épousait la troisième fille de Philippe V et devait succéder au comte Robert de Flandre; il recouvrait, à cette occasion, les comtés de Nevers et Rethel antérieurement séquestrés les villes de Lille, Douai et Orchies étaient définitivement abandonnées à la France avec une somme de 200 000 livres. Par une clause originale, les Flamands s'engageaient à soutenir le roi contre leur comté si celui-ci violait la paix.
La même année 1320, une révolte des Pastoureaux se produisit. Sous la conduite d'un prêtre interdit et d'un moine défroqué, une foule de paysans déclarèrent partir pour la croisade (Croisade des enfants Les Croisades de 1217 à 1270). Ils arrivèrent à Paris, s'emparèrent du Châtelet, délivrèrent quelques prisonniers, précipitèrent le prévôt du haut des degrés, puis, après s'être rangés en bataille dans le Pré aux Clercs sans que l'on osât les attaquer, ils se dirigèrent vers le Midi, pillant le pays, massacrant les Juifs. Ils furent arrêtés et taillés en pièces par le bailli de Carcassonne. Du reste, le gouvernement de Philippe le Long se chargea de persécuter lui-même leurs ennemis. Les Juifs, expulsés par Philippe le Bel, étaient rentrés en France. Ils furent accusés de s'être entendus avec les lépreux pour empoisonner les puits et les sources (Les pestes au Moyen Âge). Le roi ordonna de les poursuivre sévèrement, et d'atroces exécutions eurent lieu dans toute la France, en Aquitaine, à Tours, à Chinon. Ceux contre lesquels on ne put rien trouver furent bannis, et leurs richesses confisquées. Le roi tira 150 000 livres de ceux de Paris seulement.
Mais le règne de Philippe le Long est intéressant surtout au point de vue de l'administration. Il fut « un des rois les plus laborieux de la lignée capétienne. Il avait le génie organisateur. Il a laissé un nombre incroyable d'ordonnances, de règlements et de lettres. Chaque année du règne, de 1316 à 1322, est marquée par une série d'ordonnances très étudiées, fort complètes. C'est comme la codification successive de tous les progrès de fait réalisés par les institutions royales depuis un siècle, travail nécessaire, dont l'heure était venue. Le règne de Philippe V est comme le tournant de l'histoire des institutions capétiennes. Par les ordonnances rendues au nom du roi, elles sont organisées, pourvues des rouages essentiels pour l'avenir. La période de création se clôt au milieu de toute cette réglementation; une nouvelle période s'ouvre, qui doit donner le développement normal » .
Une grande partie de ces ordonnances furent rendues après une consultation d'États, soit généraux, soit partiels, car Philippe le Long « s'efforça d'associer ses sujets à ses entreprises, sans doute pour éviter le retour des troubles provinciaux », et aussi sans doute parce que l'irrégularité de son avènement l'obligeait à se faire soutenir par l'opinion publique. Il est bon de remarquer du reste que les sujets du roi étaient beaucoup moins réformateurs que lui, et que quelques-unes de ses réformes les plus radicales et les plus en rapport avec les idées modernes, échouèrent devant l'opposition invincible qu'il rencontra chez eux.
Pendant les premiers temps de son règne surtout, les assemblées furent très fréquentes, presque constantes, à Paris et dans les villes du Centre et du Midi. Ces assemblées, par suite de la fréquence même de leurs réunions, commencèrent à prendre conscience de leur importance. Ce ne sont plus les délégués envoyés auprès de Philippe le Bel pour écouter les ordres du roi et y obéir, ce sont presque des mandataires du peuple, conscients de leur opinion, et qui ne craignent pas de la manifester. Des discours sont prononcés, on demande des réformes administratives, des mesures capables de « ramener à l'âge d'or du règne de saint Louis ».
L'énumération complète des ordonnances de Philippe V nous entraînerait trop loin; tout au plus, pour donner une idée de l'oeuvre législative de ce règne de moins de six ans, peut-on indiquer quelques-uns des sujets auxquels elles touchent : l'organisation de l'Hôtel du roi (1316, 1317, 1318, 1322), du Conseil (1316, 1318), du Parlement (1316, 1318, 1319 [les prélats ne doivent plus assister à ses séances, car le roi « se fait conscience de eus empeschier au gouvernement de leurs expérituautés »] 1320), les forêts (1316, 1317), l'amortissement (1320), l'administration financière (1318, 1320), la comptabilité et le Trésor 1317,1318,1320), la Chambre des Comptes (1318, 1320), etc.
Une des questions qui tenaient le plus au coeur du roi fut aussi celle au sujet de laquelle il eut à faire face à la plus vive opposition de la part de ses sujets. Philippe V pensait à établir l'unité de poids, de mesures et de monnaies dans tout son royaume. ll y avait là une idée neuve et intelligente. Le roi n'était cependant pas poussé par l'amour du bien public, il voyait, dans la refonte des monnaies et dans l'attribution au roi seul du privilège de monnayage, une source de bénéfices; mais ses sujets eurent peur et se refusèrent obstinément à le suivre dans la voie de la réforme. Il fit saisir par les baillis et sénéchaux les pièces en fabrication, les espèces fabriquées, les coins, même ceux d'Édouard II en Guyenne et les fit envoyer à Paris pour les faire essayer devant la Chambre des Comptes; il racheta les monnaies de Chartres et d'Anjou, de Clermont et du Bourbonnais, mais quand il voulut obtenir des États l'établissement d'une monnaie unique, il se heurta à leur force d'inertie.
Ceux de la langue d'oil demandèrent bien que « le roi ordonne que les barons cessent d'ouvrer par aucun temps », mais ceux de la langue d'oc réclamèrent que l'on laissât cours aux monnaies seigneuriales « ça arrière faites de bon coin et de bonne forge », et, en tout cas, réclamèrent une monnaie spéciale pour la langue d'oc. De février 1318 à sa mort, Philippe V essaya de faire entendre raison à son peuple, il n'y réussit pas, et, en octobre 1321, les États d'Orléans manifestèrent des résistances plus vives et plus craintives.
Les principaux résultats acquis à la suite de ces nombreuses ordonnances sont les suivants : il centralise les recettes à Paris, sous l'autorité d'une sorte de surintendant, le « souverain établi au-dessus des trésoriers » assisté de deux « trésoriers semestres » et du « clerc, du trésor›; il supprime les garnisons des châteaux qui ne sont pas situés sur la frontière, enlève aux seigneurs, comme droits royaux, l'aubaine, la mainmorte, l'épave, etc., organise la comptabilité régulière de l'armée, renouvelle les déclarations sur l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité du domaine dont il assure la bonne administration, etc.. Enfin à ses bonnes villes, qui lui avaient rendu tant de services, il accorde des capitaines, et des armes déposées en lieu sûr et pouvant être délivrées en cas de besoin. A son avènement, il avait réuni au domaine le Poitou et la Saintonge, son apanage.
Le peuple se souvenait surtout des impôts alourdis et de la misère subie. Le roi lui-même semble avoir eu, au dernier moment, une sorte de remords, si l'on en croit le moine continuateur de Guillaume de Nangis. Attaqué dès le commencement d'août 1321 d'une dysenterie et d'une fièvre quarte, il languit cinq mois; un mieux se manifesta après une procession des moines de Saint-Denis qui lui apportèrent des reliques, mais une rechute s'étant produite, Philippe dit : « Je sais que j'ai été guéri par les mérites et les prières de saint Denis, mais que ma rechute est venue de mon mauvais gouvernement ».
Les contemporains rapportent qu'il était religieux, de moeurs douces, porté à la modération; on lui attribue même cette belle parole : « II est beau de pouvoir se venger et de ne pas le faire ».
Il aima les lettres, s'entoura de poètes provençaux et écrivit lui-même des poésies provençales.
Son fils unique, Louis, était mort en 1317; il laissait des filles : Jeanne, femme d'Eudes IV, duc de Bourgogne; Marguerite, femme de Louis de Nevers, comte de Flandre; Isabelle, femme de Guigues VIII, dauphin de Viennois, puis de Jean, baron de Faucogney en Franche-Comté; enfin Blanche, religieuse à Longchamp. Charles IV (le plus jeune des fils de Philippe le Bel) lui succéda.
Le règne de Charles IV
Charles IV, dit le Bel. est un roi de France, le plus jeune des fils de Philippe IV le Bel, né en 1294 à Clermont en Beauvaisis, mort le 1er février 1328. Il occupa le trône de France après la mort de Philippe V le Long, dans les premiers mois de l'année 1322. A son avènement, il trouvait le royaume provisoirement en paix et put consacrer son activité à des réformes intérieures. Vers la fin de son règne seulement, des difficultés extérieures viendront arrêter son travail d'organisation.
A peine monté sur le trône, il obtient, du pape Jean XXII, l'annulation de son mariage avec Blanche de Bourgogne, accusée d'avoir pris part aux débauches de la tour de Nesle; quelques mois plus tard, il contractait une nouvelle union avec Marie de Luxembourg (21 septembre 1322). Après la mort de celle-ci (février 1324), il épousa Jeanne d'Evreux (juillet 1324). Sa seconde femme n'avait eu qu'un fils, Louis, né et mort en 1324; la dernière devait ne lui donner que des filles.
Continuant la politique séculaire des Capétiens, il sut inspirer aux seigneurs féodaux et à ses officiers le respect de l'autorité royale. Un seigneur gascon, le comte Jourdain de l'Isle, s'était fait un nom par ses crimes, et se croyait, dans son château fort, assuré de l'impunité. Charles IV s'y rendit et le comte eut beau se faire accompagner « d'une pompeuse foule de comtes, de barons et de gentilshommes d'Aquitaine qui soutenaient son parti », il n'en fut pas moins condamné et pendu. Le même supplice attendait le prévôt de Paris, qui avait fait pendre un pauvre homme innocent à la place d'un riche coupable.
Pour se rappeler au souvenir des provinces récemment acquises et éloignées de la capitale, Charles IV, en 1324, alla faire un voyage dans le Languedoc. Ce fut l'occasion de fêtes brillantes, et les jeux floraux prirent, dans cette circonstance, un éclat qui a tait rapporter leur origine à cette époque. Charles IV, par une ordonnance rendue l'année même de son avènement, décidait que tous les domaines aliénés feraient retour à la couronne, et que les propriétaires seraient tenus à la restitution du domaine aliéné et des revenus qu'ils auraient pu en tirer. Dans l'ordre administratif, il s'occupa surtout des finances, fortement compromises sous ses prédécesseurs. L'appel fait aux financiers italiens, aux lombards, odieux au peuple pour leurs exactions, n'avait fait qu'aggraver le mal.
Charles IV ordonna que toutes les charges, garde des sceaux, greffes, geôles, accordées auparavant à titre gratuit, seraient retirées aux titulaires; puis il fit de nouveau mettre en vente ces offices et les donna à ferme. Il importe de remarquer que Charles IV se montra préoccupé constamment du soin de faire rentrer dans le Trésor royal le plus d'argent possible. En cela, il imitait ses prédécesseurs et cédait comme eux à la nécessité de chercher, pour le pouvoir royal, un accroissement de forces dans une augmentation de ses richesses. D'autre part, il fallait songer à payer une administration de jour en jour plus compliquée et plus nombreuse. De tout temps, les Capétiens avaient altéré les monnaies, Charles IV agit de même. Il annonça, au début de son règne, une refonte générale et publia une série d'ordonnances ou de mandements désastreux pour le commerce et l'industrie : tantôt le roi ordonne qu'un impôt sera levé sur toutes les marchandises exportées, tantôt il fait peser une taxe sur toutes celles qui entrent à Paris.
D'ailleurs, Charles IV ressemble encore aux rois de sa dynastie par sa facilité à profiter de tous les prétextes pour imaginer de nouveaux impôts. En 1323, on apprend que l'Arménie est aux mains des Turcs, et déjà l'on parle d'une croisade. Charles IV se met à la disposition du pape et lui demande l'autorisation de lever sur le clergé une dime qui sera employée à payer les frais de la guerre sainte. La permission accordée, Charles le Bel, comme son aïeul Philippe-Auguste, lève la dime et ne part pas. Enfin, les financiers italiens, que Philippe le Bel avait attirés en France et qui s'y étaient enrichis aux dépens du peuple, furent chassés de France et leurs biens confisqués.
La police générale du royaume et l'administration judiciaire furent aussi l'objet de son attention. Il ordonna que les lépreux seraient enfermés, qu'il leur serait interdit de quêter eux-mêmes, mais qu'ils recevraient des soins dans les hospices et à l'Hôtel-Dieu.
Par un mandement de 1322, il décrète que les gens du parlement seront payés de leurs gages sur les amendes une telle mesure était avantageuse pour le trésor royal, nais déplorable en soi, puisque les magistrats ne pouvaient rendre des arrêts équitables, étant intéressés à condamner. Charles IV fut mieux inspiré, quand il édicta, en 1324, une ordonnance portant que les frais des procès seraient payés par la partie qui succomberait. Enfin, en 1325, il nommait des commissaires pour étudier la réforme du Châtelet de Paris.
Le mouvement communal n'était pas encore arrêté. Quelques villes continuaient à demander des privilèges, et le roi en accorda à Carcassonne (1322), à Bourges et à Dun-le-Roi, qui étaient exemptés du droit de mainmorte (1322), à Saint-Quentin qui recouvra, la même année, ses droits de commune; à Montauban, à Senlis, qui reprenait aussi possession des privilèges enlevés par la suppression de ses lettres de commune. En 1323, des avantages de même nature furent accordés à Saint-Omer, à Orchies, et en 1324 à Fleurance. Mais, d'un autre côté, la commune de Laon était supprimée en 1322; un an auparavant, la ville de Montferrand, en Auvergne, avait été unie inséparablement an domaine de la couronne. En 1326, deux lettres rattachaient aussi à la couronne Vendres et Servian. Enfin, en 1327, le roi prenait sous sa « protection et sauvegarde» la ville de Verdun.
Les affaires extérieures occupent dans le règne, si court d'ailleurs, de Charles IV, une place bien moins importante que l'administration intérieure. En 1323, il dut intervenir dans la guerre de succession engagée entre Louis de Crécy et Robert de Cassel, le premier petit-fils, le second frère de Robert III, comte de Flandre; il fit triompher Louis de Crécy. Peu de temps après, il aida le nouveau comte à soumettre ses sujets révoltés.
En Allemagne, Charles le Bel songe à tirer profit de la querelle des deux prétendants à la couronne impériale, rêvant peut-être de les supplanter tous les deux, avec, l'appui de la papauté. Si Charles IV eut vraiment ce projet ambitieux, il ne put le réaliser; ce fut Louis de Bavière qui devint empereur d'Allemagne. Mais le nouveau souverain ne tarda pas à se brouiller avec Jean XXII, qui l'excommunia. Charles IV de nouveau se rapproche du pape, nourrissant le dessein d'enlever l'Italie à Louis de Bavière. Là encore Charles IV échoua. La haine des Allemands contre le pouvoir pontifical était trop forte pour qu'il parvint à former un parti contraire à l'empereur. Du moins, les rapports entre le pontife et le roi de France furent toujours excellents.
Nous connaissons le projet d'intervention de Charles IV en faveur des chrétiens d'Orient. En 1326, le pape avait besoin d'argent pour soutenir la guerre contre les Gibelins; il s'adressa à Charles IV et celui-ci lui accorda un subside considérable, prélevé sur les bénéfices ecclésiastiques; il est vrai qu'en retour Jean XXII lui accordait, pendant deux ans, la dîme sur le clergé.
A la même époque, se placent les démêlés de Charles le Bel et d'Edouard II, roi d'Angleterre (1324-1327). Le premier suscitait à son beau-frère le plus d'embarras possible, en soutenant les révoltes des barons anglais. Cette intervention du roi de France dans les affaires d'Angleterre donna lieu à quelques hostilités; un traité de paix vint y mettre fin. Charles IV gardait l'Agenais. Mais l'accord fut bientôt rompu. Edouard II ayant refusé de se rendre au sacre de son suzerain, Charles IV le déclara rebelle et envoya dans la Guyenne, contre les troupes anglaises, son oncle, le comte de Valois. La guerre traînait en longueur et menaçait de s'éterniser, quand on apprit l'arrivée en France d'Isabelle, reine d'Angleterre, et soeur de Charles IV. Elle venait traiter avec, son frère contre son mari. On sait qu'à son retour, elle devait réussir à faire détrôner, emprisonner, puis mettre à mort le roi, son époux.
N'ayant pas d'enfant mâle, il laissait aux Etats généraux le soin de disposer de son héritage et de se prononcer entre Philippe de Valois, son cousin, et Edouard III d'Angleterre, son neveu. Son règne ne fut pas inutile. Il avait agrandi le domaine royal de quelques villes et du riche pays de l'Agenais. Par ses travaux administratifs, il avait continué cette consolidation méthodique du pouvoir royal, qui avait été l'oeuvre des derniers Capétiens directs, et que devaient compromettre l'imprévoyance et la faiblesse des derniers Valois.
L'avenir du royaume
Pour la première fois, un grave problème de succession se pose. La dynastie capétienne n'a pas d'héritier direct. Est-ce la malédiction des Templiers qui a condamné les souverains français ? Le royaume de France, si grand, si prospère, si peuplé, traverse désormais une grave crise d'identité. Ce problème de succession va servir de prétexte à la guerre de Cent Ans, qui va déchirer le pays. En attendant, il faut trouver un roi !