Philippe Ier devient roi de France en 1060, alors qu’il n’a que sept ans. Ce jeune âge rend impossible l’exercice direct du pouvoir et nécessite une régence. Cependant, avant même la mort de son père, Henri Ier, ce dernier avait pris soin de garantir la continuité monarchique en faisant sacrer son fils. Le sacre de Philippe a lieu le 23 mai 1059, à Reims, un lieu emblématique de la légitimité monarchique française. Cet événement solennel est orchestré par Gervais, archevêque de Reims, devant un parterre de prélats et de nobles de haut rang.
Ce sacre illustre le rôle central de l’Église dans l’affirmation du pouvoir royal. En sacrant le jeune Philippe, l’Église confère une dimension sacrée à la royauté, consolidant ainsi son autorité dans un royaume fragmenté par le système féodal. La présence de dignitaires ecclésiastiques comme le légat du pape ou les archevêques de Sens et de Tours, ainsi que des représentants des grands féodaux comme le comte de Flandre et le duc de Bourgogne, témoigne de l’importance de cette cérémonie dans l’affirmation de l’unité du royaume sous l’autorité capétienne.
À la mort d’Henri Ier en 1060, le royaume de France entre dans une période de régence. Baudouin V de Flandre, beau-frère du défunt roi, est désigné comme tuteur principal. Cette décision stratégique vise à s’appuyer sur un noble influent et expérimenté, capable de maintenir l’ordre et de protéger les intérêts de la monarchie. La reine mère, Anne de Russie, joue également un rôle dans cette régence, mais sa position est contestée par une partie de la noblesse, en raison de son origine étrangère et de son influence perçue comme excessive.
Cette régence est marquée par une gestion conjointe des affaires du royaume, mais aussi par des rivalités internes. Certains grands féodaux, notamment le duc de Bourgogne Robert Ier, frère du roi défunt, estiment que la tutelle aurait dû leur revenir. Ces dissensions provoquent des tensions au sein de la cour et affaiblissent temporairement la centralité du pouvoir royal. Une lettre de l’archevêque de Reims au pape Nicolas II évoque ces troubles, bien que les sources restent vagues sur la nature exacte des conflits.
Le jeune roi passe ses premières années à voyager entre les différents centres de pouvoir de son domaine, notamment Paris, Étampes, Orléans, Senlis, et Compiègne. Ces déplacements visent à affirmer symboliquement l’autorité royale sur un royaume composé d’entités féodales semi-indépendantes. Toutefois, malgré ces efforts, le contrôle direct du roi se limite à un domaine relativement réduit autour de Paris et de l’Orléanais. La majeure partie du territoire français reste sous le contrôle de grands seigneurs féodaux, dont la fidélité au roi varie.
En parallèle, Philippe Ier accompagne parfois son tuteur en Flandre. Il est documenté à Lille en 1063 et assiste à des cérémonies religieuses à Gand. Ces déplacements illustrent non seulement l’influence de Baudouin V sur la régence, mais aussi l’importance des alliances dynastiques dans le maintien de la stabilité du royaume. En 1066, à la fin officielle de la tutelle, Philippe Ier reprend progressivement les rênes du pouvoir, bien que son autorité reste limitée par la prédominance des grands vassaux.
La jeunesse de Philippe Ier est marquée par un double défi : affirmer sa légitimité en tant que roi et naviguer dans un contexte politique dominé par des seigneurs puissants et jaloux de leur autonomie. Le royaume capétien, encore fragile, n’a pas encore le prestige qu’il atteindra sous ses successeurs. Les tensions internes à la cour et les ambitions des féodaux révèlent les limites institutionnelles de la monarchie française à cette époque.
Cependant, grâce à une régence prudente et à l’appui de l’Église, Philippe parvient à conserver la couronne et à asseoir sa position. Le sacre précoce et l’association avec des figures influentes comme Baudouin de Flandre permettent de traverser cette période critique. Ces premières années posent ainsi les bases d’un règne où la patience, l’habileté politique et l’utilisation stratégique des alliances seront essentielles à la survie et au développement du pouvoir royal.
En définitive, l’avènement de Philippe Ier illustre la complexité de la monarchie capétienne à cette époque, entre traditions féodales et ambitions centralisatrices, dans un royaume encore en quête de stabilité et d’unité.
L’expansion du domaine royal sous le règne de Philippe Ier représente l’un des principaux accomplissements de son règne. En 1068, il tire parti des querelles internes entre les héritiers de Geoffroy Martel, comte d’Anjou. Ces luttes intestines opposent Foulque Rechin à son frère Geoffroy le Barbu, deux seigneurs aspirant à dominer les riches terres d’Anjou. Philippe Ier, bien que roi, n’a pas les moyens militaires d’intervenir directement, mais il exploite avec habileté les divisions entre ces puissants féodaux.
Le roi conclut un accord stratégique avec Foulque Rechin. En échange de sa neutralité dans le conflit fratricide, Foulque accepte de céder au roi le comté du Gâtinais. Cet accord, scellé après une série de victoires de Foulque contre son frère, permet à Philippe Ier de réaliser une avancée territoriale significative sans avoir à déployer ses armées. Cette manœuvre diplomatique souligne la capacité du roi à exploiter les rivalités féodales pour renforcer son autorité.
Le comté du Gâtinais, bien que modeste en taille, occupe une position géographique clé. Situé entre la vallée de la Seine et celle de la Loire, il relie directement les villes stratégiques de Paris, Orléans et Melun, qui forment le cœur du domaine royal. Cette acquisition facilite non seulement les communications entre ces centres névralgiques, mais aussi la gestion et la défense du territoire.
Avant cette annexion, les territoires royaux étaient fragmentés et souvent vulnérables aux incursions de seigneurs voisins. Avec le contrôle du Gâtinais, Philippe Ier réduit les zones d’influence extérieure au sein de son domaine, posant ainsi les bases d’un pouvoir plus centralisé. Cette unification territoriale accroît également les ressources financières et militaires disponibles pour la couronne, grâce aux revenus générés par les terres et les droits féodaux.
Malgré ce succès, l’intégration du Gâtinais dans le domaine royal n’est pas sans heurts. Les chevaliers et seigneurs locaux, jaloux de leurs privilèges, exigent des garanties avant de reconnaître l’autorité du roi. Ces résistances révèlent les tensions inhérentes entre la monarchie capétienne et les structures féodales.
Philippe Ier doit promettre de respecter les coutumes locales pour s’assurer la fidélité de ces vassaux. Cet épisode souligne les limites du pouvoir royal à cette époque : bien que sacré et légitime, le roi ne peut imposer son autorité sans négocier avec les élites locales. Ce processus de centralisation, bien que lent, marque néanmoins une étape importante dans la construction d’un État plus cohérent.
L’annexion du Gâtinais n’est pas seulement une réussite ponctuelle ; elle inaugure une stratégie qui sera poursuivie par les successeurs de Philippe Ier. En consolidant son domaine direct, le roi renforce les fondations de la monarchie capétienne, qui repose de plus en plus sur un pouvoir centralisé et une gestion directe des territoires stratégiques.
Cette politique territoriale amorce une dynamique où la couronne cherche à diminuer l’autonomie des grands seigneurs et à intégrer progressivement des terres dispersées dans le domaine royal. La consolidation du domaine royal devient ainsi une priorité durable, contribuant à l’émergence d’une France unifiée sous l’autorité des Capétiens.
L’acquisition du Gâtinais a des répercussions bien au-delà du règne de Philippe Ier. Elle renforce la position du roi dans un contexte féodal dominé par des seigneurs autonomes et crée un précédent pour l’expansion territoriale future. En outre, ce gain territorial améliore les infrastructures administratives et militaires du domaine royal, permettant une meilleure gouvernance.
Cette consolidation territoriale, bien qu’incomplète, reflète les ambitions capétiennes de transformer une monarchie symbolique en une puissance territoriale réelle. Philippe Ier pose ainsi les bases d’une politique qui portera ses fruits sous les règnes de Louis VI et Philippe II Auguste, marquant une étape clé dans l’histoire de la France médiévale.
Philippe Ier intervient dans plusieurs conflits européens, notamment en Flandre. Le soutien qu’il accorde à Arnulf III contre Robert le Frison, malgré une défaite militaire en 1071, illustre les alliances dynastiques complexes. Son implication dans ces luttes montre une diplomatie habile mais risquée, où le roi cherche à renforcer son autorité tout en s’intégrant dans le jeu politique européen.
La rivalité avec Guillaume le Conquérant, roi d'Angleterre et duc de Normandie, est un autre chapitre marquant. Philippe soutient le fils rebelle de Guillaume, Robert Courteheuse, mais doit finalement conclure des trêves, révélant les limites de son pouvoir militaire face à des adversaires mieux structurés.
Philippe Ier, dès le début de son règne personnel, s’implique activement dans les affaires de la Flandre, une région stratégique pour la France en raison de sa proximité avec le domaine royal et de son importance économique et militaire. En 1071, à la mort de Baudouin VI, comte de Flandre, le royaume entre en crise. Le fils de Baudouin VI, Arnulf III, hérite du comté, mais son oncle, Robert le Frison, revendique le pouvoir. Ce conflit devient rapidement un enjeu politique pour Philippe Ier.
Le roi de France décide de soutenir Arnulf III, probablement en raison des liens étroits qui unissent les Capétiens aux comtes de Flandre. Baudouin V, grand-père d’Arnulf, avait été le tuteur de Philippe durant sa minorité, et cette dette d’honneur motive son intervention. Philippe rassemble une armée pour affronter Robert le Frison lors de la bataille de Cassel, le 22 février 1071. Cependant, cette bataille tourne au désastre : Arnulf III est tué, et les forces alliées de Philippe subissent une défaite cuisante.
Malgré ce revers, Philippe ne renonce pas à s’impliquer dans les affaires flamandes. Il soutient le frère cadet d’Arnulf, Baudouin II, dans sa revendication du comté. Cette stratégie, bien qu’échouant à renverser Robert le Frison, illustre la volonté du roi de maintenir une influence sur cette région clé, tout en jouant un rôle actif dans les querelles dynastiques européennes.
L’un des aspects les plus marquants du règne de Philippe Ier est sa confrontation avec Guillaume le Conquérant, roi d’Angleterre et duc de Normandie. Guillaume, après sa conquête de l’Angleterre en 1066, représente une double menace pour le royaume capétien : en tant que puissant souverain étranger et en tant que vassal féodal doté d’un territoire riche et stratégiquement placé, la Normandie.
Les relations entre les deux rois oscillent entre tensions ouvertes et trêves temporaires. Philippe cherche à affaiblir Guillaume en soutenant son fils aîné, Robert Courteheuse, dans sa rébellion contre son père. Selon certaines chroniques, Philippe aurait permis à Robert de se réfugier en France et de s’établir dans le château de Gerberoy. Ce soutien tactique est cependant risqué, car il provoque des représailles de la part de Guillaume.
En 1087, Guillaume lance une campagne contre le Vexin, une région disputée à la frontière entre la Normandie et le domaine royal. Philippe, confronté à la puissance militaire normande, est contraint d’adopter une posture défensive. Bien que Guillaume réussisse à s’emparer de Mantes et à ravager le territoire, sa mort en septembre 1087 met fin à cette phase de la rivalité anglo-normande.
Philippe Ier, malgré ses ambitions, doit constamment composer avec les limites de ses ressources militaires et financières. Dans ses interventions en Flandre et en Normandie, il cherche à renforcer la position du royaume de France tout en limitant les ambitions de ses puissants voisins. Sa stratégie repose souvent sur des alliances matrimoniales et des soutiens tactiques, plutôt que sur des confrontations militaires directes.
Cette diplomatie habile est cependant contrainte par la fragmentation féodale du royaume. Le roi de France ne dispose pas encore des moyens nécessaires pour rivaliser directement avec des adversaires tels que Guillaume le Conquérant, dont le pouvoir est renforcé par la richesse de l’Angleterre et l’efficacité des structures normandes.
Les interventions de Philippe Ier dans les affaires européennes témoignent de la complexité des relations politiques à l’époque. En soutenant des factions rivales en Flandre et en Normandie, il participe à un jeu d’équilibre délicat, visant à limiter l’hégémonie de ses voisins tout en affirmant le rôle de la couronne capétienne. Bien que ses campagnes militaires soient souvent marquées par des échecs ou des compromis, elles posent les bases d’une diplomatie active qui sera poursuivie par ses successeurs.
Sur le plan européen, Philippe Ier s’impose comme un acteur incontournable dans les luttes de pouvoir, bien que son influence reste limitée par les réalités féodales. Sa capacité à tisser des alliances dynastiques et à intervenir dans des conflits régionaux montre une compréhension fine des dynamiques politiques de son époque, tout en préparant le terrain pour l’affirmation future du royaume de France comme puissance majeure.
Le règne de Philippe Ier est profondément marqué par ses relations tumultueuses avec l’Église catholique, un acteur majeur de la vie politique et spirituelle au Moyen Âge. Le point culminant de cette tension survient en 1092, lorsque Philippe décide de répudier sa première épouse, Berthe de Hollande, pour épouser Bertrade de Montfort, déjà mariée à Foulque IV, comte d’Anjou. Ce remariage, jugé illégal par l’Église en raison de l’absence de dissolution officielle de leurs mariages respectifs, scandalise la chrétienté et entraîne une série d’excommunications.
Le pape Urbain II, figure centrale de la réforme grégorienne, condamne fermement cette union, perçue comme une atteinte directe aux principes de moralité et d’indissolubilité du mariage. Philippe Ier est frappé d’excommunication à plusieurs reprises, notamment lors du concile de Clermont en 1095. Cette condamnation, qui exclut le roi de la communauté des fidèles, a des conséquences graves : elle limite sa légitimité aux yeux de ses sujets et fragilise son autorité morale.
L’excommunication répétée de Philippe Ier l’isole politiquement et spirituellement. En tant que roi, il se trouve dans une position paradoxale : détenteur d’un pouvoir sacré conféré par Dieu lors de son sacre, il est en même temps marginalisé par l’Église, qui représente cette même autorité divine. Cette situation affaiblit la capacité du roi à gouverner pleinement et à maintenir l’unité de ses vassaux.
Les interdits religieux associés à l’excommunication exacerbent ces difficultés. Par exemple, le roi ne peut participer à des cérémonies religieuses, ce qui limite sa présence lors d’événements essentiels à la vie du royaume. Selon certains chroniqueurs, les cloches cessaient de sonner et les offices religieux étaient suspendus lors de ses passages, créant une atmosphère de défiance et de trouble. L’Église utilise ainsi ces moyens pour exercer une pression constante sur le roi, exigeant la séparation de Philippe et de Bertrade.
L’un des effets les plus significatifs de ces crises religieuses est l’incapacité de Philippe Ier à participer à la première croisade (1096-1099). Ce mouvement, initié par le pape Urbain II au concile de Clermont, est présenté comme une entreprise sacrée pour la chrétienté. L’absence de Philippe dans cette campagne majeure renforce son isolement politique et nuit à son prestige international, laissant la France sous-représentée dans ce qui est perçu comme une mission universelle.
En son absence, certains vassaux du roi, tels que Hugues de Vermandois, prennent part aux croisades, ce qui illustre l’affaiblissement du contrôle royal sur ces initiatives. Cette marginalisation contraste avec la participation active d’autres souverains européens, tels que Godefroy de Bouillon, et prive Philippe de l’opportunité de redorer son image auprès de l’Église et des autres monarques chrétiens.
Malgré ces défis, Philippe Ier fait preuve de résilience politique en assurant une transition dynastique stable. Conscient de l’impact de son excommunication sur sa capacité à gouverner, il associe son fils, Louis VI, au trône dès 1100. En faisant élire son fils par les grands du royaume et en l’associant à l’exercice du pouvoir, Philippe prépare une succession ordonnée, atténuant ainsi les tensions internes et consolidant l’avenir de la dynastie capétienne.
Cette décision pragmatique permet au royaume de surmonter les divisions provoquées par le conflit entre Philippe et l’Église. Louis VI, surnommé plus tard "Louis le Gros", joue un rôle actif dans le gouvernement, prenant en charge les affaires militaires et administratives alors que son père se concentre sur la résolution de ses différends avec la papauté.
Vers la fin de son règne, Philippe Ier cherche à se réconcilier avec l’Église pour restaurer sa position spirituelle et politique. Après des années de négociations et de pressions, il prête serment de se séparer de Bertrade de Montfort lors d’une cérémonie en 1104. Bien que ce serment contienne des clauses ambiguës permettant une cohabitation sous certaines conditions, il marque une étape importante dans la levée des sanctions ecclésiastiques.
Cette réconciliation, bien qu’incomplète, atténue la crise morale et religieuse qui a marqué une grande partie de son règne. Elle permet également à Philippe de terminer ses jours dans une relative paix avec l’Église, une condition essentielle pour garantir le soutien spirituel de l’institution à sa dynastie.
Les crises religieuses et morales de Philippe Ier reflètent les tensions entre la monarchie capétienne et une Église en plein renouveau spirituel et institutionnel. Si ces conflits affaiblissent temporairement l’autorité du roi, ils n’empêchent pas Philippe d’assurer la continuité dynastique et de poser les bases d’une monarchie renforcée sous son fils.
En définitive, son règne, bien que marqué par des scandales et des excommunications, illustre la capacité des Capétiens à surmonter les crises et à préserver l’unité du royaume dans un contexte de changements profonds au sein de la chrétienté médiévale
Le règne de Philippe Ier laisse une empreinte contrastée sur l’histoire de la France. D’un côté, il marque une étape importante dans la construction de la monarchie capétienne, notamment par l’expansion du domaine royal et l’affirmation de son autorité sur les centres stratégiques. De l’autre, il révèle les limites structurelles d’une monarchie encore fragile, confrontée aux défis posés par les féodaux puissants et les exigences croissantes de l’Église.
Philippe Ier contribue de manière significative à l’élargissement et à la consolidation du domaine royal. En annexant le comté du Gâtinais, il relie les principales villes du royaume, comme Paris, Orléans et Melun, et renforce ainsi les bases de l’administration royale. Cette centralisation, bien que lente, amorce un processus qui sera poursuivi par ses successeurs pour transformer la France en un État unifié.
Cependant, cette consolidation reste limitée par l’influence persistante des grands féodaux. La Normandie, sous Guillaume le Conquérant et ses héritiers, reste un territoire contesté, tandis que des régions comme la Flandre conservent une autonomie significative. Philippe Ier, bien qu’actif dans ces régions, échoue à imposer pleinement l’autorité royale, illustrant les défis auxquels sont confrontés les premiers Capétiens.
Les relations conflictuelles de Philippe Ier avec l’Église, notamment en raison de son mariage avec Bertrade de Montfort, marquent profondément son règne. Les excommunications répétées et l’isolement religieux du roi affaiblissent son autorité morale et compromettent sa capacité à gouverner efficacement. Cette tension illustre une époque où l’Église cherche à renforcer son influence face aux souverains laïcs, notamment à travers la réforme grégorienne.
Ces conflits empêchent également Philippe de participer aux croisades, un événement majeur qui aurait pu rehausser son prestige sur la scène internationale. Son absence lors de la première croisade (1096-1099) le place en retrait par rapport à d’autres souverains européens, limitant son rôle dans une entreprise perçue comme essentielle pour la chrétienté.
Sur le plan européen, le règne de Philippe Ier reflète les défis auxquels la monarchie française doit faire face pour s’imposer comme une puissance majeure. La montée en puissance de l’Angleterre, grâce à la conquête de Guillaume le Conquérant, et le renforcement du Saint-Empire romain germanique sous des empereurs tels qu’Henri IV, soulignent la relative faiblesse du royaume capétien.
Philippe Ier s’efforce de naviguer dans ce contexte complexe en jouant un rôle actif dans les conflits dynastiques, notamment en Flandre et en Normandie. Sa diplomatie habile, bien que limitée par ses ressources, montre une compréhension fine des enjeux politiques de l’époque. Cependant, ses échecs militaires, comme la défaite à Cassel en 1071, mettent en évidence les lacunes de son armée et les limites de son autorité.
Malgré ses faiblesses, le règne de Philippe Ier pose les fondations d’une monarchie plus forte sous ses successeurs. En associant son fils Louis VI au pouvoir, il garantit une transition stable et prépare le terrain pour des réformes qui renforceront la centralisation monarchique. Louis VI, surnommé "Louis le Gros", exploitera ces bases pour affirmer davantage l’autorité royale, notamment face aux féodaux.
L’héritage de Philippe Ier se mesure également à long terme : il amorce un processus de reconquête progressive des territoires perdus et de renforcement des structures administratives. Bien que son règne soit marqué par des revers, il participe à l’émergence d’un modèle monarchique qui triomphera sous Philippe II Auguste et ses successeurs.
Le règne de Philippe Ier illustre les tensions entre les ambitions centralisatrices des premiers Capétiens et les défis posés par une société féodale morcelée. S’il ne parvient pas à s’affirmer pleinement face à des puissances comme l’Angleterre ou l’Empire germanique, il réussit à consolider le domaine royal et à garantir la pérennité de la dynastie capétienne.
Pour l’Europe, Philippe Ier reste un acteur de second plan, souvent éclipsé par des souverains plus puissants. Cependant, son rôle dans les affaires dynastiques et sa capacité à naviguer dans un contexte politique complexe montrent une monarchie en évolution, prête à jouer un rôle majeur dans les siècles à venir.
Le règne de Philippe Ier, malgré ses turbulences, a permis des avancées significatives pour la monarchie capétienne, tant sur le plan territorial que politique.
L’acquisition du comté du Gâtinais en 1068 constitue une avancée majeure pour la couronne. Ce territoire stratégique relie la vallée de la Seine à celle de la Loire, permettant une meilleure intégration des principales villes du domaine royal : Paris, Melun, et Orléans. Cet élargissement renforce non seulement le contrôle direct du roi sur ces zones clés, mais il améliore aussi les infrastructures administratives et militaires nécessaires pour unifier le royaume. Bien qu’obtenue par des moyens diplomatiques plutôt que militaires, cette expansion témoigne de l’habileté de Philippe à exploiter les conflits féodaux pour ses propres intérêts.
Au-delà des expansions territoriales, Philippe Ier réussit à consolider son autorité dans les centres royaux historiques. Paris, en particulier, se développe comme un pivot de l’administration capétienne, symbolisant le pouvoir centralisé. Orléans et Melun renforcent également leur importance en tant que pôles économiques et militaires, ce qui prépare la monarchie à une future centralisation plus marquée.
Philippe montre une certaine clairvoyance politique en associant son fils, Louis VI, au pouvoir avant la fin de son règne. En 1100, il fait élire Louis comme co-roi par les grands seigneurs du royaume, une décision qui garantit une transition sans heurts. Cette stratégie évite les conflits dynastiques fréquents dans les monarchies médiévales et renforce la continuité capétienne. Louis VI devient ainsi un acteur clé dès les dernières années du règne de son père, consolidant son autorité sur le domaine royal avant même son accession officielle au trône.
Malgré ces succès, le règne de Philippe Ier est marqué par des échecs qui reflètent les limites structurelles de la monarchie capétienne à cette époque.
L’incapacité de Philippe à imposer sa domination sur des seigneurs puissants reste l’une des faiblesses majeures de son règne. En Normandie, le roi échoue à contrecarrer l’influence de Guillaume le Conquérant et de ses successeurs. De même, en Flandre, ses tentatives pour soutenir Arnulf III contre Robert le Frison se soldent par une défaite militaire humiliante à la bataille de Cassel en 1071. Ces revers montrent que la monarchie capétienne, encore jeune et fragile, ne dispose pas des ressources nécessaires pour rivaliser avec des puissances féodales bien établies.
Les querelles entre Philippe et l’Église, principalement dues à son mariage avec Bertrade de Montfort, affaiblissent considérablement son autorité morale. Les excommunications successives isolent le roi sur la scène politique et compromettent son influence à la cour. Ce conflit avec la papauté limite également sa capacité à jouer un rôle central dans les grands événements religieux de son époque, notamment les croisades.
L’absence de Philippe lors de la première croisade (1096-1099) nuit à son prestige au-delà des frontières du royaume. Alors que d’autres souverains européens s’illustrent dans cette entreprise sacrée, Philippe est marginalisé par son excommunication. Cela réduit sa stature internationale et le place dans une position d’infériorité face à des dynasties émergentes, comme les Plantagenêt en Angleterre ou les dirigeants du Saint-Empire romain germanique.
Le règne de Philippe Ier peut être résumé comme une période de transition. Sur le plan interne, il réussit à élargir et à consolider le domaine royal, posant les bases d’un royaume plus centralisé. Sur le plan dynastique, son choix d’associer son fils au pouvoir assure la pérennité de la dynastie capétienne. Ces avancées sont essentielles pour la montée en puissance future des rois de France.
Cependant, son incapacité à imposer son autorité aux grands féodaux et ses conflits répétés avec l’Église affaiblissent son règne. De plus, son absence lors des croisades et son isolement diplomatique limitent l’influence du royaume de France sur la scène européenne.
En somme, le règne de Philippe Ier est celui d’un roi prudent et calculateur, mais limité par le contexte féodal de son époque. Il ouvre néanmoins la voie à une monarchie capétienne plus forte, dont les ambitions seront pleinement réalisées par ses successeurs.
Le règne de Philippe Ier, bien que contesté, a contribué à la continuité dynastique et à l’expansion progressive de l’autorité royale. Malgré les revers politiques et religieux, il pose les bases pour les succès futurs des Capétiens, notamment sous Louis VI.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, octobre 2013.