Les deux batailles de Bedriacum, survenues en avril et octobre 69 apr. J.-C., illustrent la violence et l’instabilité de l’« année des quatre empereurs ». Ces affrontements opposèrent les partisans de différents prétendants au trône impérial, dans un contexte de guerre civile qui suivit la mort de Néron. Ces batailles jouèrent un rôle clé dans l’établissement de la dynastie flavienne avec l’accession de Vespasien au trône.
En 69 apr. J.-C., l’Empire romain plongea dans le chaos après le suicide de Néron. Quatre prétendants se disputèrent le pouvoir en l’espace de quelques mois : Galba, Othon, Vitellius et Vespasien. Les luttes entre ces rivaux mirent en évidence les divisions au sein des légions romaines et l’importance des commandants militaires dans la désignation des empereurs.
Après avoir orchestré l’assassinat de Galba en janvier 69, Othon se fit proclamer empereur à Rome. Cependant, dans les provinces de Germanie, les légions proclamèrent Vitellius empereur. Ce dernier, grâce à deux armées commandées par Aulus Cæcina Alienus et Fabius Valens, lança une marche vers l’Italie en traversant les Alpes. Les deux camps se préparèrent à un affrontement décisif près de Bedriacum, une localité stratégique située sur la via Postumia, entre Crémone et Vérone.
Malgré les conseils prudents de ses généraux, Othon confia le commandement à son frère, Titianus, qui ordonna une marche contre Crémone. Fatiguée par cette avancée, l’armée d’Othon fut surprise par les troupes vitelliennes mieux organisées. La légion I Adiutrix se battit vaillamment et captura même l’aigle de la XXI Rapax, mais fut finalement flanquée par les auxiliaires bataves. Les forces d’Othon furent submergées, et leurs troupes se replièrent vers Bedriacum.
La défaite décisive força Othon à se suicider pour éviter davantage de souffrances à ses hommes. Cette bataille permit à Vitellius de marcher sur Rome, où il fut reconnu empereur. Toutefois, son règne fut marqué par l’extravagance et une incapacité à consolider son pouvoir, ouvrant la voie à un nouveau prétendant : Vespasien.
En Orient, Vespasien, alors engagé dans la répression de la révolte judéenne, fut acclamé empereur par ses troupes. Ses partisans, notamment Antonius Primus, légat des légions du Danube, se mobilisèrent pour marcher sur Rome. Vitellius, conscient de la menace, envoya une armée dirigée par Cæcina. Cependant, Cæcina complota pour trahir Vitellius et fut emprisonné par ses propres hommes, ce qui désorganisa les forces vitelliennes.
La cavalerie d’Antonius engagea l’avant-garde de Vitellius près de Crémone, forçant son repli. Le gros des forces vitelliennes, renforcées par la IV Macedonica, livra une bataille acharnée contre les troupes de Vespasien sur la via Postumia. Pendant une nuit entière, les combats firent rage. Les légions de Vespasien, notamment la VII Galbiana, subirent de lourdes pertes mais parvinrent à repousser leurs adversaires.
Au lever du soleil, un malentendu scella la victoire des forces vespasiennes : la III Gallica salua le soleil selon un rituel oriental, ce que les troupes de Vitellius interprétèrent comme l’arrivée de renforts. Démoralisés, elles battirent en retraite, permettant à Antonius de capturer leur camp et de prendre Crémone.
Crémone, bien que rendue sans résistance, fut mise à sac par les soldats vespasiens. Cette victoire permit à Antonius de progresser rapidement vers Rome. Vitellius fut capturé et exécuté, marquant la fin de son règne.
Les batailles de Bedriacum témoignent de la fragilité du pouvoir impérial au Ier siècle, où le soutien des légions était déterminant pour la stabilité de l’Empire. Si Vitellius incarne les excès et l’incapacité à gérer un pouvoir fragile, Vespasien illustre une volonté de réforme et de pragmatisme, traits qui marqueront sa dynastie.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Mars 2011