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Bataille  des  Portes  Persiques -330

Contexte et Importance de la Bataille des Portes Persiques (330 av. J.-C.)

Après la victoire décisive d'Alexandre le Grand à la bataille de Gaugamèles (331 av. J.-C.), l’Empire perse achéménide est en pleine désintégration. Darius III, le roi des Perses, fuit vers l’est pour rassembler une nouvelle armée, laissant la défense de sa capitale symbolique, Persépolis, au satrape Ariobarzane. Celui-ci, chargé de protéger l’accès à la Perse proprement dite (Persis), se retranche dans un étroit passage montagneux des monts Zagros, connu sous le nom des Portes Persiques.

Les Portes Persiques, situées dans l’actuelle province de Fars, en Iran, constituent un passage naturel stratégique reliant la région de Suse à Persépolis. Ce col étroit et facilement défendable est idéal pour tendre une embuscade et ralentir l'avancée d'une armée. Il est historiquement comparable au défilé des Thermopyles, où les Grecs avaient tenu tête à l'armée de Xerxès en 480 av. J.-C.

Alexandre, poursuivant sa conquête, vise Persépolis pour des raisons stratégiques et symboliques. Conquérir cette cité, cœur du pouvoir achéménide, serait un coup fatal pour l’empire perse. Pourtant, ce chemin n’est pas sans danger : il traverse les territoires des Uxiens, une tribu montagnarde hostile, et débouche sur les Portes Persiques où Ariobarzane a préparé une embuscade.

Statue d'Ariobarzane à Yasuj dans les monts Zagros


Déroulement de la Bataille

1. Préparation et embuscade d’Ariobarzane

Ariobarzane, avec environ 40 000 soldats, fortifie la sortie est des Portes Persiques en érigeant des murs de pierre et en positionnant des archers sur les hauteurs. Lorsque l’armée d’Alexandre, estimée à 17 000 hommes pour cette expédition, entre dans le défilé étroit, les Perses lancent une attaque surprise. Des pluies de flèches et des blocs de pierre s’abattent sur les Macédoniens, provoquant d’importantes pertes. Pris au piège, Alexandre ordonne un repli désordonné, laissant derrière lui des morts et du matériel, une rare humiliation pour l’armée macédonienne.

2. Contre-attaque d’Alexandre

Refusant de renoncer, Alexandre interroge des prisonniers pour découvrir une route alternative. Selon les récits, un berger ou un chef de tribu local indique un chemin escarpé contournant les positions perses. Alexandre divise son armée en deux :

  • Une force principale menée par Cratère, qui continue de faire pression sur le front.
  • Une force d’élite dirigée par Alexandre lui-même, qui entreprend une marche nocturne par le sentier détourné.

Après une nuit d'efforts harassants, Alexandre surprend les Perses à l’aube. Pris à revers, les soldats d’Ariobarzane, encerclés et dépassés, succombent à une attaque en tenaille.

3. Résistance désespérée des Perses

Ariobarzane, avec quelques centaines de survivants, tente une retraite vers Persépolis, mais il est repoussé par Tiridate, le commandant de la forteresse de la ville, qui a secrètement négocié avec Alexandre. Selon certaines sources, Ariobarzane mène une dernière charge héroïque contre les forces macédoniennes avant d’être tué.


Conséquences

1. Capitulation de Persépolis

  • Après sa victoire, Alexandre marche sans opposition vers Persépolis, la capitale emblématique de l’empire achéménide.
  • En janvier 330, il s’empare de la ville, y trouvant un immense trésor estimé à 120 000 talents d’argent (environ 3 000 tonnes), consolidant ainsi les ressources financières nécessaires à la poursuite de ses campagnes.
  • Cette prise marque l’effondrement définitif de l’autorité achéménide sur la Perse proprement dite.

2. Destruction de Persépolis

  • Alexandre permet à ses troupes de piller la ville pendant quatre mois, un acte qui choque les contemporains et reste controversé parmi les historiens.
  • En mai 330, Alexandre ordonne l’incendie des palais de Persépolis. Selon certaines versions, ce geste est une vengeance pour les destructions commises par Xerxès en Grèce, tandis que d’autres évoquent une décision prise sous l’influence de la courtisane Thaïs lors d’une soirée d’ivresse.
  • Ce sac est vu comme un acte de propagande visant à effacer la domination perse et à affirmer le triomphe macédonien.

3. Consolidation de l’Empire d’Alexandre

  • La victoire aux Portes Persiques élimine le dernier obstacle militaire avant Persépolis. Ariobarzane mort, les derniers bastions de résistance perse s’effondrent rapidement.
  • Alexandre nomme Phrasaortes, un Perse loyal, comme satrape de Persis, poursuivant sa politique d’intégration des élites locales.

4. Avancée vers l’Est

  • La conquête de Persépolis ouvre la voie à Alexandre pour poursuivre Darius III, qui est en fuite vers l’Est. Ce dernier sera finalement trahi et assassiné par ses propres satrapes en juillet 330.
  • Alexandre devient l’héritier incontesté de l’Empire achéménide et peut étendre ses conquêtes jusqu’en Asie centrale et en Inde.

5. Symbolisme de la bataille

  • La bataille des Portes Persiques est souvent comparée à celle des Thermopyles. Les deux événements mettent en scène une résistance héroïque face à un envahisseur supérieur en nombre. Cependant, contrairement aux Grecs, les Perses échouent à infliger une défaite durable à Alexandre.
  • L’échec d’Ariobarzane souligne l’implacabilité de la campagne d’Alexandre et la faiblesse de la coordination perse à ce stade de la guerre.

Héritage

La bataille des Portes Persiques est un exemple de la persévérance d’Alexandre face à une situation défavorable. Sa capacité à s’adapter, à exploiter les faiblesses de l’ennemi et à utiliser la ruse témoigne de son génie militaire. Cette victoire symbolise également la chute définitive de l’empire achéménide, remplacé par un empire hellénistique qui marquera durablement l’histoire de l’Orient.



Source :

  • Arrien, Anabase d'Alexandre
  • Plutarque, Vie d’Alexandre
  • Quinte-Curce, Histoires de la Macédoine
  • Études modernes : Robin Lane Fox, Alexander the Great ; Pierre Briant, Darius dans l’ombre d’Alexandre.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Décembre 2010