La bataille d’Ausculum est la deuxième grande confrontation entre Pyrrhus d’Épire et les Romains dans le cadre des guerres de Grande-Grèce. Après la victoire coûteuse de Pyrrhus à Héraclée en 280 av. J.-C., les Romains adaptent leur stratégie pour contrer les éléphants de guerre et améliorer leur efficacité face à la phalange grecque. Ils développent des dispositifs spécifiques, comme des chars hérissés de pointes et des armes inflammables, pour neutraliser les pachydermes.
Pyrrhus, de son côté, prépare son armée à combattre une légion plus flexible en intégrant des troupes légères à sa phalange, tout en s’appuyant sur une cavalerie supérieure et ses alliés italiens, notamment les Samnites. La bataille se déroule sur un terrain vallonné et boisé, près d’Ausculum (dans l’actuelle région des Pouilles), ce qui limite les manœuvres de certains contingents.
Déroulement de la bataille
Premier jour
Disposition des forces :
- Les deux armées disposent leur infanterie au centre et leur cavalerie sur les flancs, selon les standards de l’époque.
- Pyrrhus conserve sa cavalerie de réserve et ses éléphants à l’arrière, en attendant une opportunité pour les engager.
Difficultés dues au terrain :
- Le terrain boisé et accidenté gêne les mouvements de la cavalerie et des éléphants de Pyrrhus.
- Sur l’aile gauche, la phalange grecque brise les lignes romaines, infligeant des pertes significatives à la première légion et à ses alliés latins.
- Cependant, au centre, les troisième et quatrième légions romaines repoussent les forces de Tarente et des Osques, atteignant même le camp grec. Pyrrhus doit envoyer sa cavalerie de réserve et des éléphants pour les en déloger.
Combat acharné et repli :
- Les éléphants, appuyés par des archers et des frondeurs, repoussent temporairement les Romains, qui se réfugient sur des hauteurs boisées. Les Grecs, cherchant à les déloger, sont interceptés par la cavalerie romaine.
- À la tombée de la nuit, les deux camps se retirent, aucun n’ayant obtenu de victoire décisive.
Deuxième jour
Adaptation de Pyrrhus :
- Tirant les leçons du premier jour, Pyrrhus envoie son infanterie légère occuper le terrain accidenté, obligeant les Romains à se battre en terrain découvert.
Engagement des forces principales :
- La phalange grecque et les légions romaines s’engagent dans une bataille féroce. Les Grecs, grâce à leur discipline et à leurs longues sarisses, prennent l’avantage au centre.
- Les éléphants, appuyés par l’infanterie légère, attaquent les flancs romains, désorganisant leurs lignes.
Tentative romaine contre les éléphants :
- Les dispositifs anti-éléphants romains, comme les chars hérissés de pointes, montrent une efficacité temporaire mais sont rapidement neutralisés par les archers et frondeurs grecs.
- Les éléphants, reprenant l’offensive, enfoncent les rangs romains.
Victoire de Pyrrhus :
- La cavalerie grecque, jusque-là en réserve, charge les troupes romaines désorganisées, forçant leur retraite vers leur camp.
- Les Romains subissent une défaite tactique, mais leur résistance empêche Pyrrhus d’exploiter pleinement sa victoire.
Pertes et bilan
- Pertes romaines : Environ 6 000 soldats, dont le consul Publius Decius Mus et de nombreux officiers.
- Pertes grecques : Entre 3 500 et 15 000 hommes, selon les sources, ce dernier chiffre étant le plus probable.
Pyrrhus aurait déclaré après la bataille :
- « Si nous devons remporter une autre victoire comme celle-ci, je rentrerai seul en Épire. »
Cette déclaration est à l’origine de l’expression « victoire à la Pyrrhus », qui désigne un succès obtenu à un coût si élevé qu’il équivaut à une défaite.
Conséquences de la bataille
Une victoire coûteuse pour Pyrrhus :
- Bien qu’il ait remporté la bataille, les lourdes pertes humaines affaiblissent considérablement l’armée de Pyrrhus.
- Les Romains, bénéficiant de ressources humaines supérieures, peuvent reconstituer leurs légions, tandis que Pyrrhus doit compter sur des renforts limités.
Renforcement de la résilience romaine :
- Malgré la défaite, la discipline et la détermination des légions romaines impressionnent Pyrrhus, qui reconnaît la difficulté de s’imposer face à une armée aussi robuste.
Élargissement des ambitions de Pyrrhus :
- Après la bataille, Pyrrhus décide de détourner ses efforts vers la Sicile, où il espère obtenir des ressources et renforcer son armée en affrontant Carthage. Cette diversion affaiblit son emprise sur l’Italie.
Un tournant dans les guerres de Grande-Grèce :
- La victoire d’Ausculum, bien qu’importante, ne permet pas à Pyrrhus de sécuriser un avantage stratégique décisif. La République romaine continue de mobiliser des forces pour résister, tandis que Pyrrhus perd progressivement le soutien de ses alliés italiens.
Sources :
Plutarque – Vie de Pyrrhus :
Plutarque décrit les détails de la campagne de Pyrrhus en Italie, notamment les batailles d’Héraclée et d’Ausculum. Il rapporte les stratégies utilisées par Pyrrhus et met en lumière ses réflexions après la bataille.
Denys d’Halicarnasse – Antiquités romaines, Livre XX :
Denys fournit un récit détaillé des pertes et des événements de la bataille, ainsi que des implications politiques et militaires pour Rome et Pyrrhus.
Appien – Histoire romaine, Les guerres samnites :
Appien relate les campagnes de Pyrrhus et ses interactions avec les Romains, offrant un aperçu des tactiques militaires et des conséquences stratégiques.
Polybe – Histoires (fragments) :
Bien que Polybe ne fournisse pas un récit complet de la bataille d’Ausculum, ses analyses des conflits entre Grecs et Romains mettent en perspective les forces respectives des deux camps.
Tite-Live – Ab Urbe Condita (résumé par les périocques) :
Les périocques résument les campagnes de Pyrrhus, incluant ses victoires coûteuses contre Rome et leurs impacts à long terme.
Pierre Grimal – Histoire de la Rome antique :
Grimal analyse les batailles de Pyrrhus dans le cadre de la montée en puissance de Rome, offrant un point de vue moderne sur les enjeux géopolitiques.
Marcel Le Glay et al. – Histoire romaine :
Cet ouvrage moderne fournit une analyse globale des campagnes de Pyrrhus en Italie, en contextualisant ses victoires tactiques face à la résilience romaine.
Adrian Goldsworthy – The Fall of Carthage :
Bien qu’il se concentre sur les guerres puniques, Goldsworthy revient sur les batailles de Pyrrhus comme une étape cruciale dans l’évolution de la stratégie militaire romaine.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Janvier 2011