Alésia est un oppidum gaulois avec arx (arx signifie « citadelle » en latin), à l'instar de Vesontio (Besançon), habité par les Mandubiens, dont le site a été le théâtre de la bataille décisive de la Guerre des Gaules qui opposa Jules César à la coalition gauloise menée par l'Arverne Vercingétorix en 52 av. J.-C..
PRÉLUDE AU SIÈGE : LA BATAILLE
Après son échec au siège de Gergovie, fin avril 52 av. J.-C. César remonte au nord avec ses six légions rejoindre les quatre de son lieutenant Labiénus. Il stationne ensuite dans la région de Langres, chez les Lingons, peuple resté fidèle à Rome. Il y renforce une cavalerie de mercenaires germains propre à garantir une retraite plus sûre vers la Province romaine.
Voyant les légions romaines battre en retraite, Vercingétorix abandonne sa stratégie de terre brûlée et décide d'anéantir l'armée de César avant qu'elle n'ait pu rejoindre la province. Mi-août, l'attaque surprise de la cavalerie gauloise est mise en échec par les cavaliers germains et Vercingétorix décide de se replier sur la hauteur d'Alésia avec une impressionnante armée composée, d’après César, de 95 000 hommes (15 000 cavaliers et 80 000 fantassins), munis d'un mois de ravitaillement, qui s'ajoutent dans l'oppidum à la population locale des Mandubiens. Il y attend l'armée gauloise de secours, qui doit venir prendre l’armée romaine à revers. César et ses dix à douze légions, soit seulement 60 à 72 000 hommes, décident de mettre le siège autour de l'oppidum d'Alésia, qui contrôle la route vers la Province.
LES TRAVAUX DE SIÈGE
Si l'on en croit César, l'oppidum est établi sur une hauteur entre deux cours d'eau [4]. L'escarpement mesure plusieurs dizaines de mètres (César ne donne pas cette précision). Étant de plus en infériorité numérique, César doit renoncer à un assaut. Il met alors en œuvre le génie romain pour les travaux de siège, afin d'affamer les Gaulois et de réduire la ville à la reddition. Il établit une double ligne de fortification.
Autour de la ville, une ligne de travaux défensifs de plus de 16 km, la contrevallation, est édifiée pour empêcher les sorties des assiégés. Dans les parties planes de la ligne de défense, le système de fortification est constitué d'un fossé de 4,50 m de largeur et de même profondeur (vallum), dont la terre sert à construire un remblai (agger) de 3,50 m de haut, surmonté d'une palissade avec pieux (pluteus). Ce système était ponctué de tours (tous les 24 mètres). En avant du fossé sont enterrés des petits pieux équipés de pointes de fer (stimuli). En avant des stimuli sont disposés sur 8 rangs et en quinconce, des trous coniques de 90 cm de profondeur au fond desquels ont été calés des pieux acérés dissimulés par des broussailles : ce sont les lilia, dénommés ainsi en raison de leur ressemblance avec la fleur de lys. Ensuite vient un second fossé de 4,50 m de profondeur et autant de largeur, suivi d'un autre fossé de 1,50 m de profondeur et 6 m de largeur, comblé de troncs dont les branches ont été taillées de manière à former des pointes acérées (cippi). Vingt-trois fortins (castella) renforcent cette ligne de défense. Une reconstitution de cette fortification était visible à l'Archéodrome de Beaune.
« César fit creuser le premier fossé de 20 pieds de large du côté de l'oppidum pour enfermer les Gaulois et pour mettre à l'abri les terrassiers qui réalisèrent la suite des travaux. Toutes les autres fortifications seront comprises dans un intervalle de quatre cents pieds : il fit creuser deux fossés de 15 pieds et de profondeur égale : il fit remplir le fossé intérieur qui se trouvait dans les parties basses de la plaine d'eau qu'il dériva d'une rivière. Derrière ces fossés, il fit construire un parapet.[5] »
Les mêmes travaux sont effectués pour une deuxième ligne de défense de 21 km, la circonvallation, tournée vers l'extérieur et destinée à protéger les assaillants d'une éventuelle armée de secours.
Lors de l'établissement de ces lignes de défense, les Romains tirent partie du relief accidenté du site d'Alésia, afin de limiter les travaux au strict nécessaire. Les lignes ne sont donc pas continues sur tout le périmètre défensif (il eût fallu 35 000 hommes travaillant jour et nuit pour réaliser les travaux de fortifications sur 37 km en plaine, comme à Alise-sainte-Reine).
L'armée de secours arrive devant Alésia six semaines plus tard, à la fin septembre. Elle est forte, selon César, de 246 000 fantassins et de 8 000 cavaliers. La concentration d’hommes réunis dans cet affrontement décisif est extraordinaire : environ 400 000 combattants sont en présence, auxquels s’ajoutent la masse des civils emmenés avec les armées, les serviteurs et esclaves de l’armée romaine.
L'infanterie romaine a pris position sur les lignes de contrevallation et circonvallation. César ordonne à sa cavalerie d'engager le combat contre la cavalerie gauloise renforcée par des archers et de l'infanterie légère. Les combats durent de la mi-journée jusqu'à la tombée de la nuit. La cavalerie germaine finit par mettre les cavaliers gaulois en fuite et massacre les archers. La cavalerie romaine finit de poursuivre les fuyards jusqu'à leur camp.
Le jour suivant, les Gaulois de l'armée de secours fabriquent passerelles, échelles et harpons puis, au milieu de la nuit lancent l'assaut. Ils se servent de flèches et pierres pour bousculer les défenseurs romains. Ceux-ci avec des frondes, des casse-têtes, des épieux repoussent les attaquants. L’obscurité entraîne des pertes lourdes des deux côtés. L’artillerie lance une grêle de projectiles. Les Romains renforcent systématiquement les points faibles à l'aide de troupes empruntées aux fortins situés en arrière. Les pièges ralentissent l'avancée des Gaulois au pied des palissades et, n'ayant pu percer nulle part, ils finissent par se replier au petit matin craignant d'être pris sur leur flanc droit si l'infanterie romaine du camp supérieur tentait une sortie. Vercingétorix, bien qu'alerté dès les premiers combats par les clameurs, perd trop de temps à manœuvrer ses engins d'assaut et à combler les premiers fossés. Il apprend la retraite des siens avant même d'arriver aux retranchements et regagne la ville.
LA BATAILLE DÉCISIVE ET LA REDDITION
Suite à ces deux échecs, une troupe d'élite de 60 000 hommes est constituée et mise sous le commandement de Vercassivellaunos, un cousin de Vercingétorix. Après une longue marche de nuit et une matinée de repos, Vercassivellaunos attaque le camp supérieur depuis la montagne nord. En même temps, la cavalerie gauloise s’approche des fortifications de la plaine et le reste des troupes se déploie en avant du camp gaulois. Vercingétorix sort de la ville avec tout son matériel d'assaut.
Les Romains attaqués de toute part commencent à céder, d'autant que les Gaulois réussissent à combler les obstacles. César envoie Labiénus en renfort pour le camp supérieur. Les assiégés, désespérant de venir à bout des fortifications de la plaine, tentent l’escalade des abrupts ; ils y portent toutes les machines qu’ils avaient préparées. Ils chassent les défenseurs des tours sous une grêle de traits, comblent les fossés, réussissent à faire une brèche dans la palissade et le parapet.
César envoie d’abord des renforts puis il amène lui-même des troupes fraîches. Ayant refoulé l’ennemi, il rejoint Labiénus avec quatre cohortes et une partie de la cavalerie tandis que l’autre partie de cette dernière contourne les retranchements extérieurs et attaque l’ennemi à revers. Voyant la cavalerie derrière eux et de nouvelles cohortes approchant, les Gaulois prennent la fuite. Les cavaliers romains leur coupent la retraite et les massacrent. Vercassivellaunos est capturé. Voyant ce désastre, Vercingétorix ordonne le repli de ses troupes. Au signal de la retraite, les troupes de secours quittent leur camp et s’enfuient. Les fuyards sont en partie rattrapés par la cavalerie romaine ; beaucoup sont pris ou massacrés ; les autres, ayant réussi à s’échapper, se dispersent dans leurs cités. Cette grande bataille a mis face à face d'un côté les 60 000 hommes de Vercassivellaunos et de l'autre les deux légions de Réginus et Rébilus, les six cohortes de Labiénus, plus les trente-neuf qu'il a tirées des postes voisins. Aux soldats amenés par Labiénus, il faut ajouter les escadrons et les cohortes amenés par César. Soit, en tout, au moins six légions. Ce combat a donc rassemblé environ 120 000 soldats. Pour se faire une idée de la superficie requise, on peut comparer avec la bataille d'Austerlitz qui a vu s'affronter les 73 100 soldats de Napoléon Ier aux 85 700 hommes de la coalition austro-russe, sur un terrain de 8 km sur 12.
Le lendemain, Vercingétorix décide de se rendre. Après la reddition des Gaulois, 70 000 personnes seront déportées par les Romains, la plupart pour être données ou vendues comme esclaves, la reddition ayant permis d'épargner la vie des Gaulois réfugiés à Alésia. Chaque soldat de César reçut un Gaulois comme esclave. Du côté gaulois, le nombre des morts et des disparus est estimé à environ 10 000.