La bataille d’Andrinople, survenue en 324 apr. J.-C., marque un tournant majeur dans la lutte entre Constantin Ier et Licinius, les deux derniers prétendants à la domination complète de l’Empire romain. Ce conflit, né de tensions persistantes après un partage du pouvoir fragile, mène à l’élimination de Licinius et à l’instauration de la suprématie de Constantin, annonçant une nouvelle ère dans l’histoire romaine.
Depuis leur victoire commune sur Maximin Daïa en 313, Constantin et Licinius, coempereurs, entretiennent une coexistence difficile. Constantin, souverain des provinces occidentales, et Licinius, maître de l’Orient, se méfient l’un de l’autre. Des tensions croissantes, exacerbées par des divergences politiques et religieuses, aboutissent à une première guerre en 316. Après la victoire de Constantin à Cibalae, Licinius perd une partie de ses territoires mais conserve la Thrace et l’Orient. Cependant, la paix reste précaire.
En 324, Constantin, poursuivant des Wisigoths, franchit les frontières de Licinius en Thrace. Cet acte, interprété comme une violation des accords, donne un prétexte au conflit. Constantin, conscient de la faiblesse de Licinius après plusieurs revers, rassemble ses forces pour l’affronter.
Licinius établit ses lignes de défense près d’Andrinople (Hadrianopolis), sur le fleuve Hèbre. Il positionne ses troupes le long d’un terrain élevé, exploitant le fleuve comme barrière naturelle. Constantin installe son camp sur l’autre rive, cherchant une stratégie pour traverser sans subir de lourdes pertes.
Le labarum, l’étendard portant le chrisme (symbole chrétien), est brandi dans les secteurs où les troupes de Constantin vacillent. Ce talisman renforce le moral des soldats de Constantin et sape celui des troupes adverses.
Licinius, blessé, abandonne le champ de bataille au coucher du soleil, se repliant vers Byzance avec les restes de son armée. Constantin, bien que légèrement blessé, choisit de suspendre l’attaque pour consolider sa position.
Licinius, tentant une ultime résistance à Chrysopolis, est une nouvelle fois vaincu. Cette défaite scelle le sort de Licinius, qui se rend à Constantin.
Bien que sa vie soit initialement épargnée grâce à l’intervention de Constantia, sœur de Constantin, Licinius est exécuté quelques mois plus tard. Son fils, Licinius le jeune, subit le même sort l’année suivante.
La victoire de Constantin fait de lui le maître incontesté de l’Empire romain. Il devient le premier empereur depuis Dioclétien à régner sur un empire unifié. Cette centralisation du pouvoir prépare le terrain pour des réformes administratives, économiques et religieuses majeures.
Quelques années après sa victoire, Constantin fait de Byzance la nouvelle capitale de l’Empire, renommée Constantinople. Ce choix stratégique symbolise le basculement du centre de gravité de l’Empire vers l’Orient.
La bataille d’Andrinople illustre le génie tactique de Constantin. En exploitant la ruse et en utilisant une armée disciplinée, il compense son infériorité numérique. Cette victoire consolide sa réputation de chef militaire visionnaire.
Le rôle du labarum dans cette bataille confère une dimension religieuse au conflit. Elle symbolise la transition progressive de Rome vers un empire chrétien, bien que Constantin lui-même ne se convertisse pleinement qu’à la fin de sa vie.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Mars 2011