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La bataille d’Andrinople (324 apr. J.-C.)

La bataille d’Andrinople, survenue en 324 apr. J.-C., marque un tournant majeur dans la lutte entre Constantin Ier et Licinius, les deux derniers prétendants à la domination complète de l’Empire romain. Ce conflit, né de tensions persistantes après un partage du pouvoir fragile, mène à l’élimination de Licinius et à l’instauration de la suprématie de Constantin, annonçant une nouvelle ère dans l’histoire romaine.


Contexte historique

Les relations tendues entre Constantin et Licinius

Depuis leur victoire commune sur Maximin Daïa en 313, Constantin et Licinius, coempereurs, entretiennent une coexistence difficile. Constantin, souverain des provinces occidentales, et Licinius, maître de l’Orient, se méfient l’un de l’autre. Des tensions croissantes, exacerbées par des divergences politiques et religieuses, aboutissent à une première guerre en 316. Après la victoire de Constantin à Cibalae, Licinius perd une partie de ses territoires mais conserve la Thrace et l’Orient. Cependant, la paix reste précaire.

L’incident déclencheur

En 324, Constantin, poursuivant des Wisigoths, franchit les frontières de Licinius en Thrace. Cet acte, interprété comme une violation des accords, donne un prétexte au conflit. Constantin, conscient de la faiblesse de Licinius après plusieurs revers, rassemble ses forces pour l’affronter.

Déroulement de la bataille

Les forces en présence

  • Constantin Ier : Son armée, bien que numériquement inférieure (estimée à environ 120 000 hommes), se compose principalement de vétérans aguerris, renforcés par de nouvelles recrues d’Illyrie.
  • Licinius : Licinius aligne une force supérieure, estimée à 165 000 hommes, comprenant de nombreux conscrits mais moins disciplinée que celle de Constantin.

Disposition initiale

Licinius établit ses lignes de défense près d’Andrinople (Hadrianopolis), sur le fleuve Hèbre. Il positionne ses troupes le long d’un terrain élevé, exploitant le fleuve comme barrière naturelle. Constantin installe son camp sur l’autre rive, cherchant une stratégie pour traverser sans subir de lourdes pertes.

La ruse de Constantin

  1. Simulation de construction d’un pont : Constantin ordonne l’assemblage visible de matériel pour donner l’illusion qu’un pont est en préparation à un endroit éloigné.
  2. Traversée secrète : Profitant d’un point étroit et boisé, il fait traverser secrètement 5 000 archers et des unités de cavalerie, qui surprennent les troupes de Licinius.
  3. Assaut général : Après avoir semé la confusion dans les rangs ennemis, Constantin fait traverser le reste de ses forces. La bataille qui s’ensuit est décrite comme un massacre : 34 000 soldats de Licinius auraient été tués.

L’utilisation du labarum

Le labarum, l’étendard portant le chrisme (symbole chrétien), est brandi dans les secteurs où les troupes de Constantin vacillent. Ce talisman renforce le moral des soldats de Constantin et sape celui des troupes adverses.

La retraite de Licinius

Licinius, blessé, abandonne le champ de bataille au coucher du soleil, se repliant vers Byzance avec les restes de son armée. Constantin, bien que légèrement blessé, choisit de suspendre l’attaque pour consolider sa position.


Conséquences immédiates

Le siège de Byzance et la victoire navale

  • Constantin assiège Byzance tandis que son fils Crispus défait la flotte de Licinius dans l’Hellespont.
  • La victoire navale de Crispus permet à l’armée de Constantin de franchir l’Hellespont et d’envahir la Bithynie.

La bataille de Chrysopolis

Licinius, tentant une ultime résistance à Chrysopolis, est une nouvelle fois vaincu. Cette défaite scelle le sort de Licinius, qui se rend à Constantin.

La fin de Licinius

Bien que sa vie soit initialement épargnée grâce à l’intervention de Constantia, sœur de Constantin, Licinius est exécuté quelques mois plus tard. Son fils, Licinius le jeune, subit le même sort l’année suivante.


Conséquences historiques

Unification de l’Empire romain

La victoire de Constantin fait de lui le maître incontesté de l’Empire romain. Il devient le premier empereur depuis Dioclétien à régner sur un empire unifié. Cette centralisation du pouvoir prépare le terrain pour des réformes administratives, économiques et religieuses majeures.

L’essor du christianisme

  • La victoire, attribuée au symbole chrétien du labarum, renforce l’association de Constantin avec la foi chrétienne.
  • Cette bataille accélère l’établissement du christianisme comme religion dominante de l’Empire, une tendance officialisée par Constantin lors du Concile de Nicée en 325.

La fondation de Constantinople

Quelques années après sa victoire, Constantin fait de Byzance la nouvelle capitale de l’Empire, renommée Constantinople. Ce choix stratégique symbolise le basculement du centre de gravité de l’Empire vers l’Orient.


Analyse historique

La stratégie de Constantin

La bataille d’Andrinople illustre le génie tactique de Constantin. En exploitant la ruse et en utilisant une armée disciplinée, il compense son infériorité numérique. Cette victoire consolide sa réputation de chef militaire visionnaire.

Une étape vers un empire chrétien

Le rôle du labarum dans cette bataille confère une dimension religieuse au conflit. Elle symbolise la transition progressive de Rome vers un empire chrétien, bien que Constantin lui-même ne se convertisse pleinement qu’à la fin de sa vie.


Sources et références

  1. Zosime, Nouvelle Histoire.
  2. Eutrope, Abrégé de l’histoire romaine.
  3. Grant, Michael, Constantine the Great: The Man and His Times, Scribner, 1993.
  4. Odahl, Charles Matson, Constantine and the Christian Empire, Routledge, 2010.
  5. Southern, Pat, The Roman Empire from Severus to Constantine, Routledge, 2001.

Auteur : Stéphane Jeanneteau

Mars 2011