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La bataille d’Octodure (57 av. J.-C.)

Une campagne stratégique en montagne

À l’automne 57 av. J.-C., après les victoires décisives de César sur les Belges lors des batailles de l’Aisne et de la Sabis, la Gaule belgique est pacifiée et sous contrôle romain. Pour renforcer l’influence romaine et ouvrir une route stratégique vers l’Italie via les Alpes, César charge Servius Sulpicius Galba d’une mission cruciale : sécuriser le passage alpin du Mont-Joux (Grand-Saint-Bernard), un axe commercial clé reliant le territoire des Allobroges au lac Léman et aux Hautes-Alpes.

Accompagné de la XIIe légion, réduite en effectifs après les campagnes précédentes, et d’une partie de la cavalerie, Galba reçoit pour mission de soumettre les peuples alpins des Nantuates, Véragres et Sédunes, connus pour contrôler les péages lucratifs sur ces routes montagneuses. Cette campagne a une double finalité : sécuriser une voie marchande et démontrer la force romaine face aux tribus gauloises encore indépendantes.


La marche sur Octodure

Galba pénètre dans le pays des Nantuates, où il remporte plusieurs succès militaires et signe un traité de paix après la prise de quelques forteresses. Progressant ensuite vers le territoire des Véragres, il atteint le vicus d’Octodure (aujourd’hui Martigny, dans le Valais). Situé dans une vallée stratégique, ce bourg est divisé en deux parties par une rivière. Les Romains établissent leurs quartiers d’hiver dans la moitié du bourg laissée vacante, tandis que les autochtones sont repoussés de l’autre côté de la rivière.

L’installation semble initialement paisible, d’autant que Galba prend la précaution de recevoir des otages pour garantir la soumission des Véragres. Cependant, cette tranquillité est de courte durée.

Déroulement de la bataille

1. L’embuscade et l’attaque surprise

Quelques jours après l’installation romaine, les éclaireurs de Galba rapportent des mouvements inquiétants. Les Véragres, avec l’appui des Sédunes, évacuent leur partie du vicus et massent leurs forces sur les hauteurs entourant le camp romain. Cette mobilisation surprend les Romains, qui subissent bientôt une attaque coordonnée.

Les guerriers gaulois, exploitant leur connaissance du terrain, harcèlent les Romains depuis les hauteurs en utilisant des flèches et des projectiles. Pendant six heures, les assiégeants exercent une pression constante sur le camp romain, comblant les fossés et menaçant de percer les retranchements.

2. La contre-attaque romaine

À court de munitions et épuisés, les Romains lancent une sortie désespérée. Galba ordonne à ses troupes de contre-attaquer frontalement. Cette manœuvre, bien que risquée, prend les Gaulois par surprise et inverse le cours du combat. Selon le récit de César, les Romains infligent de lourdes pertes aux Véragres et Sédunes, massacrant environ 10 000 guerriers.

3. La retraite romaine

Malgré cette victoire, Galba décide de ne pas s’attarder à Octodure. Redoutant que les tribus locales ne se réorganisent et ne reçoivent des renforts, il ordonne une retraite stratégique vers le territoire des Allobroges, où la légion passe l’hiver. Cette décision suggère que la bataille, bien que victorieuse, n’a pas permis d’établir un contrôle durable sur la région.


Conséquences : Une victoire mitigée

Effets immédiats

La bataille d’Octodure marque un succès tactique pour les Romains, mais les résultats stratégiques sont limités. La retraite de Galba laisse entendre que la région n’est pas encore pacifiée et que les peuples alpins conservent une capacité de résistance. Bien que César présente cet affrontement comme une victoire écrasante dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, l’évacuation du territoire montre une réalité plus complexe.

Répercussions à long terme
  • Sur le contrôle des Alpes : La campagne de Galba ouvre la voie à une future intégration de la région alpine dans la sphère romaine, mais ce contrôle ne sera pleinement effectif que plusieurs décennies plus tard.
  • Sur la propagande romaine : En dépit des limites de cette victoire, César utilise la bataille d’Octodure pour démontrer la capacité de Rome à triompher dans des conditions adverses. Ce récit renforce sa réputation de stratège auprès du Sénat et du peuple romain.


Analyse : Une campagne exemplaire des défis alpins

La bataille d’Octodure illustre les défis logistiques et militaires de la guerre en terrain montagneux. Bien que la discipline et la tactique romaines permettent de surmonter des situations critiques, la difficulté de maintenir une occupation durable dans des régions reculées et hostiles reste un obstacle majeur. La prudence de Galba, en optant pour une retraite après la victoire, témoigne d’une compréhension réaliste des limites des capacités romaines face à des adversaires déterminés.



Sources et références

  1. Jules César, Commentaires sur la guerre des Gaules.
  2. Jérôme Carcopino, César, génie politique et militaire.
  3. Christian Goudineau, Les Gaulois face à Rome.
  4. Peter Connolly, La Rome antique au combat.
  5. Encyclopédie Universalis, article "Bataille d'Octodure".


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Mars 2011