La bataille de l’Ochsenfeld s’inscrit dans une période de profonds bouleversements en Gaule. Depuis 72 av. J.-C., des tribus germaniques, menées par Arioviste et principalement issues des vallées du Neckar et du Main, traversent le Rhin pour s’installer dans des terres plus fertiles. Parmi ces tribus, les Harudes, Marcomans, Triboques et autres peuples augmentent progressivement leur présence en Gaule, jusqu’à atteindre un total estimé à 120 000 individus.
Face à cette expansion, les peuples gaulois, notamment les Éduens et les Séquanes, entrent en conflit avec les Germains. En 60 av. J.-C., lors de la bataille de Magetobriga, la coalition gauloise est sévèrement battue par Arioviste et ses alliés, dont les Arvernes. Cette défaite marque un tournant : les Séquanes perdent une partie importante de leurs terres, offertes par Arioviste aux 24 000 Harudes. Devenu maître d’une partie de la Gaule orientale, Arioviste s’impose comme un despote, multipliant les vexations envers ses vassaux gaulois.
Face à la menace croissante que représente Arioviste, les Éduens, alliés de Rome, demandent l’aide du Sénat romain. D’abord conciliant, Rome octroie à Arioviste le titre d’« Ami du peuple romain », espérant calmer ses ardeurs expansionnistes. Cependant, le chef germain continue d’importer des tribus d’outre-Rhin et d’exercer des pressions militaires sur les Gaulois. L’intervention de Jules César devient inévitable après sa victoire sur les Helvètes plus tôt en 58 av. J.-C. Il voit dans cette campagne l’opportunité de sécuriser la Gaule pour Rome et d’empêcher une invasion germanique de l’Italie, similaire à celle des Cimbres et Teutons quarante ans auparavant.
César tente d’abord une approche diplomatique, envoyant des ambassadeurs à Arioviste. Ce dernier rejette les propositions romaines et revendique son droit à rester en Gaule sur des terres conquises. Face à cette impasse, César lui adresse un ultimatum, exigeant notamment l’arrêt des migrations germaniques, la restitution des otages éduens, et la fin des provocations envers les alliés de Rome. Le refus d’Arioviste conduit à la confrontation militaire.
Une reconstitution de la campagne de César contre les Germains en 58 av. J.-C. (se basant sur l'hypothèse que la bataille se déroule dans la plaine de l'Ochsenfeld).
César, anticipant les mouvements d’Arioviste, avance rapidement sur Vesontio (actuelle Besançon), capitale des Séquanes, pour y établir une garnison. Pendant ce temps, Arioviste se dirige vers le sud, espérant couper les lignes de ravitaillement romaines. Le chef germain propose une entrevue dans une plaine située à mi-distance des camps. Lors de cette rencontre, les tensions éclatent : Arioviste défend son droit de conquête, tandis que César rejette ces arguments, jugeant inacceptables les abus envers les Gaulois.
Les jours suivants sont marqués par des escarmouches, Arioviste cherchant à harceler l’armée romaine sans engager de bataille rangée. César, pour contrer ces manœuvres, établit un second camp plus proche des positions germaniques. Finalement, la bataille devient inévitable lorsque César décide de provoquer un affrontement.
Bataille de l'Ochsenfeld opposant Jules César à Arioviste (se basant sur l'hypothèse que la bataille se déroule dans la plaine de l'Ochsenfeld).
La bataille se déroule dans la plaine de l’Ochsenfeld, où Arioviste aligne une force estimée à 70 000 à 80 000 hommes, bien que certains récits romains exagèrent ce chiffre à près de 120 000. Les Germains, regroupés par tribus, forment des phalanges compactes, tandis que leurs chariots sont disposés en cercle derrière les lignes pour empêcher toute fuite.
César déploie ses six légions, soit environ 35 000 hommes, sur trois lignes, avec des auxiliaires protégeant le second camp. Le combat s’engage brutalement sur l’aile droite romaine, où les troupes de César repoussent les Harudes. Cependant, l’aile gauche romaine est en difficulté face à la supériorité numérique des Germains.
Publius Crassus, un jeune lieutenant, prend l’initiative décisive d’envoyer la troisième ligne en renfort sur l’aile gauche. Cette manœuvre renverse la situation : les légions reprennent l’avantage et infligent de lourdes pertes aux Germains. La discipline et l’entraînement des Romains surpassent la force brute des tribus germaniques.
Les forces d’Arioviste sont mises en déroute. Une partie des guerriers germains, ainsi que des femmes et enfants, sont massacrés. Les survivants, dont Arioviste lui-même, fuient en traversant le Rhin. Blessé, le chef germain parvient à s’échapper sur une barque, mais la défaite marque la fin de son influence en Gaule.
Peter Becker, Fondation légendaire de Mulhouse. Selon la légende, à l'issue de cette bataille, un guerrier suève blessé recueilli par la fille d'un meunier aurait fondé la ville de Mulhouse.
La victoire de l’Ochsenfeld permet à César de consolider son contrôle sur la Gaule. En chassant Arioviste et ses troupes, il met un terme à l’invasion germanique et établit le Rhin comme une frontière naturelle entre la Gaule et la Germanie. Cette victoire renforce également son autorité auprès des tribus gauloises, qui voient en lui un protecteur face à la menace extérieure.
À Rome, cependant, cette campagne suscite des critiques. Certains sénateurs, notamment Caton, accusent César de trahison envers Arioviste, un « ami du peuple romain ». César se défend en soulignant que ses actions visaient à protéger les alliés de Rome et à garantir la sécurité de la République.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Mars 2011