La Sicile est, à la fin du IIIᵉ siècle av. J.-C., un territoire clé en Méditerranée occidentale. Située au carrefour des routes commerciales entre l’Italie, l’Afrique du Nord, et la péninsule ibérique, l’île est convoitée par deux grandes puissances émergentes : Rome et Carthage.
Ces trois forces maintiennent un fragile équilibre. L’expansion romaine dans le sud de l’Italie et les tensions entre Syracuse et les Mamertins menacent cependant cet équilibre.
Après sa victoire sur Pyrrhus d’Épire (275 av. J.-C.) et la soumission des peuples italiques, Rome contrôle l’Italie continentale et commence à projeter son influence au-delà de ses frontières. Cependant, jusqu’alors, Rome n’a jamais directement affronté Carthage, la puissance dominante en Méditerranée occidentale.
L’intervention de Rome en Sicile marque une rupture : il s’agit de la première fois que la République s’engage dans un conflit majeur hors de la péninsule italienne. Cette décision est motivée par des considérations stratégiques (empêcher Carthage de s’étendre vers l’Italie) et économiques (contrôler les routes commerciales siciliennes).
Les Mamertins, anciens mercenaires italiens, se sont emparés de Messine après la mort d’Agathocle de Syracuse (289 av. J.-C.), en établissant une domination brutale sur la région. Cependant, en 270 av. J.-C., Hiéron II de Syracuse mène une campagne contre eux et inflige plusieurs défaites aux Mamertins, les encerclant à Messine.
L’appel à l’aide des Mamertins place Rome face à un choix difficile :
Finalement, Rome choisit d’intervenir, en partie pour des raisons stratégiques et en partie pour répondre à la pression de ses alliés commerciaux dans le sud de l’Italie.
En réaction à l’intervention romaine, Carthage renforce son soutien à Hiéron II de Syracuse, formant une alliance temporaire pour contrer les forces romaines. Cette coopération est cependant fragile, chaque camp poursuivant ses propres intérêts :
La bataille débute lorsque Rome et Carthage envoient des troupes en Sicile pour sécuriser Messine. Les Carthaginois, sous le commandement d’Hannon, arrivent en premier et établissent un campement hors de la ville. Ils s’allient avec Hiéron II de Syracuse, dont l’armée se joint à eux pour encercler Messine. Pendant ce temps, Appius Claudius, à la tête de deux légions consulaires, traverse le détroit de Messine avec l’aide de navires fournis par les alliés de Rome. Cette traversée se fait sans opposition, ce qui suggère que Carthage espérait éviter un conflit direct.
Claudius engage d’abord Hiéron II et son armée syracusaine. Bien que la cavalerie de Syracuse prenne l’avantage, l’infanterie romaine, plus disciplinée et mieux équipée, inflige de lourdes pertes aux forces syracusaines. Hiéron, découragé par l’issue du combat, décide de se retirer à Syracuse pour protéger la ville. Claudius se tourne ensuite contre le camp punique. Les combats avec les Carthaginois sont intenses, mais aucune des deux parties ne parvient à obtenir une victoire décisive. Hannon, voyant que Hiéron a quitté le champ de bataille et estimant ses forces insuffisantes pour poursuivre le siège, décide de lever le camp et de se retirer.
Avec la levée du siège, Messine est sauvée de la domination punique, mais Claudius ne parvient pas à capitaliser pleinement sur cette victoire. Il mène son armée vers le sud, capturant brièvement le fort punique d’Echetla, près de Syracuse, et menace cette dernière sans pouvoir l’assiéger faute de moyens et d’une flotte. À la fin de son consulat, Claudius quitte la Sicile, laissant une garnison à Messine pour sécuriser la ville. Bien que partiellement réussie, cette campagne n’apporte pas la paix, mais marque le début d’un conflit prolongé entre Rome et Carthage.
La bataille de Messine marque le point de départ de la Première guerre punique (264-241 av. J.-C.), un conflit majeur entre Rome et Carthage pour le contrôle de la Sicile. Bien que Rome ait réussi à sauver Messine de la domination carthaginoise, l’intervention romaine n’a pas permis de résoudre les tensions. Au contraire, elle précipite un affrontement prolongé entre les deux puissances, chacune mobilisant des forces considérables pour dominer l’île. Ce conflit marque aussi l’entrée de Rome dans les affaires méditerranéennes, transformant une puissance régionale en acteur majeur sur la scène internationale.
Hiéron II de Syracuse, impressionné par la discipline des troupes romaines et soucieux de protéger sa cité contre les Carthaginois, abandonne son alliance avec Carthage pour se ranger du côté de Rome en 263 av. J.-C. Cette nouvelle alliance donne à Rome un avantage stratégique, notamment en assurant un soutien logistique crucial pour ses opérations en Sicile. Cependant, Carthage renforce sa présence dans l’ouest de l’île, transformant la Sicile en un théâtre d’affrontements multiples entre ces deux puissances.
La bataille de Messine pousse Rome à développer sa puissance militaire pour rivaliser avec Carthage, notamment en construisant une flotte de guerre pour la première fois dans son histoire. Cette évolution stratégique marque une étape clé dans l’expansion romaine en Méditerranée. Messine devient une tête de pont pour les forces romaines, ouvrant la voie à des campagnes plus ambitieuses en Sicile. À long terme, la guerre prolongée pour Messine et ses suites accélèrent l’intégration de la Sicile dans la sphère romaine, marquant le début de la domination de Rome sur la Méditerranée occidentale.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Janvier 2011