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La bataille de Naissus, survenue en 268 apr. J.-C., est l’un des affrontements les plus marquants du IIIᵉ siècle dans le contexte des invasions barbares. Située dans l’actuelle Serbie (Niš), cette bataille oppose l’armée romaine, dirigée par l’empereur Gallien et son successeur Claude II le Gothique, à une force massive de Goths ayant envahi les provinces danubiennes. Elle marque un tournant dans la lutte de l’Empire romain contre les peuples germaniques.
Contexte historique
L’invasion gothique
À la fin de 267 et au début de 268, les Goths traversent le Danube en force, pénétrant dans les provinces de Pannonie et de Mésie. Leur avancée est marquée par le pillage de nombreuses villes et le massacre de leurs habitants. Le chaos généré par ces invasions est aggravé par les luttes intestines au sein de l’Empire romain, affaibli par des décennies de crises politiques et économiques.
La réponse romaine
Face à cette menace, Gallien rassemble une armée mobile (comitatus), composée de cavalerie légère dalmate et de détachements de légions, incluant des vexillationes et des prétoriens. Gallien mène une première expédition réussie au printemps 268, infligeant une défaite partielle aux Goths. Cependant, ces derniers continuent à ravager les provinces pendant l’été, incitant Gallien à lancer une nouvelle campagne à l’automne.
La bataille
Les forces en présence
- L’armée romaine : Dirigée par Gallien, elle comprend des unités de cavalerie légères et lourdes, ainsi que des vexillationes issues des légions régulières. Claude et Aurélien, deux généraux prometteurs, jouent un rôle clé dans la stratégie.
- L’armée gothique : Composée de dizaines de milliers de guerriers, incluant une importante cavalerie lourde et des archers. Bien que numériquement supérieure, cette armée est moins disciplinée et organisée que les forces romaines.
Déroulement de la bataille
- Engagement initial : Une unité de cavalerie légère dalmate attaque la cavalerie gothique, infligeant des pertes significatives. Cependant, les Goths repoussent cette attaque grâce à leur supériorité numérique.
- Contre-attaque romaine : Gallien, avec l’aide de Claude et Aurélien, lance une contre-attaque coordonnée. La cavalerie lourde romaine brise les lignes gothiques et prend les arrières de l’ennemi par surprise.
- Assaut final : Les Goths se replient vers leur camp fortifié, mais les Romains, galvanisés, prennent d’assaut la position ennemie. La bataille se termine par un massacre, laissant entre 30 000 et 50 000 Goths morts ou blessés. Des milliers d’autres sont faits prisonniers.
Les suites de la bataille
Impact immédiat
La bataille de Naissus met un coup d’arrêt à l’invasion gothique. Bien que certains groupes parviennent à s’échapper, la défaite est dévastatrice pour les Goths :
- Pertes humaines : Une grande partie de leur armée est annihilée.
- Prisonniers goths : Beaucoup rejoignent l’armée romaine, renforçant les effectifs militaires pour les campagnes futures.
Le rôle de Gallien et Claude II
- Controverse historique : Les sources antiques divergent sur le rôle exact de Gallien dans cette bataille. Certains historiens suggèrent que Gallien aurait remporté une première victoire à Naissus avant de quitter la campagne pour réprimer une révolte en Italie (celle d’Aurélolus). Claude, son successeur, aurait mené une seconde bataille décisive à la fin de 268 ou au début de 269.
- Claude II le Gothique : Quoi qu’il en soit, Claude reçoit le surnom de "Gothique" pour cette victoire, consolidant sa réputation en tant qu’empereur énergique et compétent.
Conséquences à long terme
Affaiblissement des Goths
- Cette défaite anéantit la capacité des Goths à menacer l’Empire romain de manière significative pendant près d’un siècle.
- Les Goths restants se retirent au-delà du Danube et, sous Aurélien (en 271), ils seront définitivement repoussés hors des frontières romaines.
Renforcement de l’armée romaine
- La bataille de Naissus illustre l’efficacité de l’armée romaine réformée, en particulier l’utilisation du comitatus, une force mobile adaptée aux défis posés par les invasions barbares.
- Les vétérans goths intégrés à l’armée romaine renforcent ses effectifs, tout en servant dans des campagnes ultérieures.
Consolidation du pouvoir impérial
- La victoire renforce la légitimité de Claude II, qui devient un symbole de résilience romaine face aux invasions.
- Elle contribue à stabiliser l’Empire durant une période de crise, bien que de nombreux défis subsistent.
Analyse historique
Un modèle pour la défense romaine
La bataille de Naissus illustre la capacité de l’Empire romain à s’adapter à des menaces massives, grâce à une combinaison de discipline militaire, de tactiques innovantes et de leadership déterminé. Le succès contre les Goths montre que Rome, malgré ses difficultés internes, reste une puissance militaire redoutable.
Une transition stratégique
La défaite gothique marque une pause dans les grandes invasions germaniques du IIIᵉ siècle. Elle préfigure également les stratégies défensives qui domineront la politique militaire romaine sous Aurélien et Dioclétien, centrées sur la consolidation des frontières et la mobilité des forces.
Sources et références
- Zosime, Nouvelle Histoire.
- Hérodien, Histoire de l’Empire romain après Marc Aurèle.
- Watson, Alaric, Aurelian and the Third Century, Routledge, 1999.
- Southern, Pat, The Roman Empire from Severus to Constantine, Routledge, 2001.
- Goldsworthy, Adrian, The Fall of the West, Weidenfeld & Nicolson, 2009.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Mars 2011