La bataille de Salamine, l’un des affrontements les plus célèbres des guerres médiques, est le résultat de la tentative achéménide de soumettre définitivement les cités grecques. Pour comprendre pleinement son contexte, il faut examiner les événements et enjeux qui ont conduit à cette bataille navale décisive.
Après la défaite perse à la bataille de Marathon (490 av. J.-C.) lors de la première guerre médique, l’empire achéménide, sous Darius Ier, avait commencé à préparer une nouvelle campagne contre les Grecs. Cependant, la mort de Darius en 486 av. J.-C. reporte les ambitions de vengeance sur son fils Xerxès Ier. Ce dernier entreprend des préparatifs gigantesques pour envahir la Grèce. Sa campagne vise non seulement à punir Athènes et les cités récalcitrantes, mais également à intégrer les cités grecques dans l’empire achéménide.
Xerxès met en œuvre une logistique massive : un pont de bateaux est construit pour traverser l’Hellespont, des entrepôts sont installés en Thrace pour soutenir son armée, et une flotte impressionnante est assemblée, composée de navires phéniciens, égyptiens et grecs alliés (notamment de l’Ionie). Les forces terrestres perses, selon les sources antiques, s’élèvent à plusieurs centaines de milliers d’hommes (bien que les estimations modernes réduisent ce chiffre). La flotte perse est également imposante, avec environ 800 à 1 200 trières.
Les préparatifs achéménides ne passent pas inaperçus en Grèce. Les cités grecques, bien que divisées par des rivalités politiques et économiques, prennent conscience de la menace. Athènes, sous l’impulsion de Thémistocle, investit massivement dans la construction d’une flotte après la découverte des mines d’argent du Laurion. Cela renforce considérablement la puissance navale athénienne, qui devient le pilier de la résistance grecque.
En 481 av. J.-C., un congrès des cités grecques se tient à Corinthe. Il marque une rare unité des Grecs face à l’invasion perse. Une trentaine de cités forment une coalition militaire dirigée par Sparte. Athènes fournit la majorité des navires de la flotte grecque (environ 200 trières sur 371), tandis que Sparte prend le commandement de l’armée terrestre. Cependant, cette alliance reste fragile, minée par des tensions entre cités comme Athènes et Égine, ou Sparte et Corinthe.
La campagne de Xerxès commence au printemps 480 av. J.-C. Les troupes perses franchissent l’Hellespont et envahissent la Grèce par la Thessalie. Les forces grecques tentent de ralentir leur avancée en bloquant les Thermopyles sous la direction du roi spartiate Léonidas. La résistance héroïque des 300 Spartiates et de leurs alliés ne peut cependant empêcher la progression perse. Xerxès remporte la bataille des Thermopyles et continue sa marche vers le sud.
Simultanément, la flotte grecque tente de barrer la route à la flotte perse lors de la bataille navale de l’Artémision, au large de l’Eubée. Bien que la bataille soit indécise, les pertes grecques et la chute des Thermopyles contraignent la flotte grecque à se replier vers Salamine.
Xerxès avance alors vers l’Attique. Athènes, menacée d’invasion, est évacuée sur ordre de Thémistocle. Les femmes, les enfants et les vieillards se réfugient à Salamine, tandis que les hommes rejoignent la flotte. Xerxès entre dans une Athènes désertée et fait incendier l’Acropole en signe de représailles.
Face à l’avancée perse, les Grecs se divisent sur la stratégie à adopter. Eurybiade, commandant en chef de la flotte grecque, propose de se replier vers l’isthme de Corinthe pour protéger le Péloponnèse. Thémistocle s’y oppose fermement, estimant qu’abandonner Salamine reviendrait à céder la mer aux Perses et à sacrifier les populations réfugiées sur l’île.
Thémistocle plaide pour livrer bataille dans les eaux étroites de la baie de Salamine. Il soutient que :
Pour convaincre ses alliés, Thémistocle recourt à la ruse. Selon Hérodote, il envoie un message secret à Xerxès par l’intermédiaire d’un messager nommé Sicinnos, prétendant que la flotte grecque est divisée et sur le point de fuir. Xerxès tombe dans le piège et ordonne à sa flotte de bloquer toutes les issues, piégeant ainsi les Grecs dans la baie de Salamine.
La bataille de Salamine est bien plus qu’un affrontement militaire. Elle symbolise :
La bataille de Salamine est l’un des affrontements navals les plus marquants de l’histoire antique. Elle se déroule dans les eaux étroites entre l’île de Salamine et le continent grec. Ce combat décisif oppose la flotte grecque, menée par le stratège athénien Thémistocle, à l’imposante armada perse commandée par Xerxès Ier. Voici un développement détaillé de cette bataille :
Flotte perse : La flotte perse, composée d’environ 800 à 1 200 trières, est répartie en plusieurs contingents ethniques (Phéniciens, Égyptiens, Ciliciens, Grecs d’Ionie, etc.). Xerxès, convaincu de sa supériorité numérique, ordonne de bloquer les accès de la baie pour empêcher toute retraite grecque. Il place une partie de sa flotte dans le détroit de Salamine et positionne un détachement autour de l’îlot de Psyttalie pour récupérer les marins perses naufragés et massacrer les Grecs qui y échoueraient.
Flotte grecque : Les Grecs alignent environ 371 trières, avec une forte proportion de navires athéniens (près de 200). La flotte grecque, divisée en trois lignes, est positionnée en travers du détroit. Thémistocle commande le flanc gauche, tandis qu’Eurybiade, le Spartiate, dirige le centre et la droite.
Thémistocle exploite les caractéristiques géographiques du détroit de Salamine. Il sait que :
Pour maximiser cet avantage, Thémistocle recourt à une ruse : il envoie un faux message à Xerxès par l’intermédiaire de Sicinnos, prétendant que la flotte grecque est divisée et sur le point de se retirer. Persuadé d’une victoire facile, Xerxès ordonne à sa flotte d’encercler les Grecs dans la nuit, bloquant ainsi toute voie de fuite.
Lorsque les navires perses sont suffisamment avancés et désorganisés, les Grecs passent à l’offensive :
Les Grecs utilisent la tactique de l’éperonnage, frappant les flancs des navires perses pour les couler ou les immobiliser. Une fois les navires perses désactivés, les hoplites grecs à bord des trières passent à l’abordage pour éliminer les équipages ennemis.
Les pertes perses augmentent rapidement. Les trières grecques, solides et bien manœuvrées, percent les lignes ennemies. L’organisation initiale de la flotte perse s’effondre, laissant chaque navire lutter individuellement.
Pendant le combat, Ariabignès, le frère de Xerxès et l’un des commandants perses, est tué lors d’un abordage. Sa mort accentue la panique parmi les équipages perses.
Artémise, reine d’Halicarnasse et alliée des Perses, se distingue par son habileté tactique. Dans un acte de désespoir, elle coule un navire perse allié pour dégager son propre navire. Cette action audacieuse trompe les Grecs, qui la prennent pour une alliée.
À mesure que la journée avance, les Perses subissent des pertes écrasantes. Le sauve-qui-peut s’installe dans la flotte ennemie, et les navires restants tentent de fuir vers le mouillage de Phalère. Cependant, l’étroitesse du détroit ralentit leur retraite, laissant les Grecs achever de nombreux navires.
La bataille se termine par une victoire décisive des Grecs :
Xerxès, témoin de la déroute depuis son trône installé sur une colline, est contraint de modifier ses plans :
La bataille de Salamine est l’un des affrontements les plus décisifs des guerres médiques, marquant un tournant dans l’histoire de la Grèce antique et des conflits gréco-perses. Ses conséquences se répartissent sur plusieurs plans : militaires, politiques, économiques et culturels. Voici un développement détaillé des répercussions de cet événement historique :
Affaiblissement de la flotte perse :
Retraite stratégique de Xerxès :
Préparation de la bataille de Platées :
Consolidation de l’alliance grecque :
Déclin de l’influence perse en Grèce :
Renforcement d’Athènes :
Libération des routes commerciales :
Reconstructions athéniennes :
Renforcement de l’identité grecque :
Glorification des héros grecs :
Impact sur l’art et l’architecture :
Fin des ambitions perses en Grèce :
Début de l’âge d’or d’Athènes :
La bataille de Salamine marque la fin de la domination maritime perse en mer Égée et consolide la suprématie navale grecque, avec Athènes en tête. Elle renforce l’unité grecque, nourrit un sentiment identitaire commun et pave la voie à l’âge d’or d’Athènes. Parallèlement, elle affaiblit durablement les ambitions perses en Grèce et transforme le rapport de force en Méditerranée orientale.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Décembre 2010