La bataille des Thermopyles s’inscrit dans le cadre de la seconde guerre médique (480–479 av. J.-C.), une série de conflits opposant l’empire perse des Achéménides, dirigé par le roi Xerxès Ier, à une coalition de cités grecques. Cet affrontement est une réponse à la défaite perse lors de la première guerre médique, marquée par leur échec à Marathon en 490 av. J.-C. Xerxès, successeur de Darius Ier, ambitionne de venger cet affront et de conquérir l’ensemble de la Grèce.
En 481 av. J.-C., les cités grecques, conscientes de la menace, se réunissent lors d’un congrès à Corinthe pour former une alliance défensive. Sparte, avec son système militaire réputé, est désignée pour diriger l’armée terrestre, tandis qu’Athènes, forte de sa flotte, prend la tête des forces navales. Cette coopération entre Sparte et Athènes, rivales traditionnelles, souligne l’ampleur de la menace perse et l’urgence de l’unité grecque.
L’armée perse, après des années de préparation minutieuse, traverse l’Hellespont en 480 av. J.-C. grâce à des ponts de bateaux construits sur ordre de Xerxès. Les forces perses, estimées à plus de 200 000 hommes selon des calculs modernes (bien que Hérodote parle de millions), envahissent la Thessalie, puis se dirigent vers la Béotie et l’Attique. Les Grecs choisissent de défendre le défilé des Thermopyles, une position stratégique incontournable, tandis que leur flotte se positionne à l’Artémision pour bloquer les forces navales perses.
Le défilé des Thermopyles, ou « Portes chaudes », est un passage étroit bordé par les montagnes et le golfe Maliaque. Cette position offre un avantage tactique aux Grecs, dont l’infériorité numérique est compensée par la topographie du terrain. Le défilé, dans sa partie la plus étroite, mesure à peine 15 mètres de large, rendant inutile la supériorité numérique perse.
Ce choix stratégique vise à ralentir l’avancée de l’armée perse pour permettre aux Grecs de se préparer à des batailles décisives. Sparte envoie une petite force dirigée par son roi Léonidas Ier, composée de 300 Spartiates accompagnés de 6 700 alliés issus d’autres cités grecques, tels que les Thespiens et les Thébains.
Les Thermopyles symbolisent l’unité des cités grecques face à une menace commune. Cette coalition, bien que fragile, démontre une capacité à surmonter les rivalités traditionnelles pour résister à un envahisseur extérieur. Sparte, reconnue pour sa discipline militaire, prend la tête des opérations terrestres, tandis qu’Athènes, forte de son expérience maritime, se charge de la défense navale. Ce partenariat inédit établit les bases d’une collaboration stratégique qui jouera un rôle décisif dans les victoires futures, notamment à Salamine et à Platées.
Bien que la bataille des Thermopyles soit une défaite tactique, elle a une importance symbolique majeure. Le sacrifice des 300 Spartiates et de leurs alliés, menés par Léonidas, marque l’imaginaire collectif et renforce la détermination grecque. Ce combat illustre les valeurs d’honneur, de discipline et de dévouement, typiques de la société spartiate, et inspire les Grecs à poursuivre leur lutte.
Sur le plan militaire, les Thermopyles retardent l’avancée perse, permettant aux Grecs d’organiser leur défense à Salamine et Platées. De plus, la résistance acharnée des hoplites grecs met en lumière les faiblesses de l’armée perse, notamment leur incapacité à exploiter pleinement leur supériorité numérique dans des terrains défavorables.
L’armée perse atteint les Thermopyles après avoir traversé la Thessalie. Xerxès propose aux Grecs de se rendre, mais Léonidas rejette cette offre avec mépris, affirmant : « Viens les chercher » (Μολών λαβέ). Xerxès ordonne alors une attaque directe. Les Mèdes et les Cissiens, en première ligne, affrontent les hoplites grecs qui forment une phalange compacte dans l’étroit défilé. Leur armure lourde et leurs longues lances donnent un avantage décisif contre les troupes perses, équipées de boucliers légers et de lances courtes. Les Perses subissent de lourdes pertes et sont repoussés.
Frustré par l’échec initial, Xerxès envoie ses troupes d’élite, les Immortels, sous le commandement d’Hydarnès. Ces soldats, habitués à vaincre, sont eux aussi incapables de briser la ligne grecque. Le terrain étroit neutralise la supériorité numérique perse, et les Grecs, bien entraînés, infligent des pertes considérables à leurs adversaires. Les Immortels échouent à exploiter leur agilité face à la discipline spartiate. Xerxès réalise que la bataille ne peut être gagnée frontalement.
Un citoyen grec nommé Éphialtès trahit ses compatriotes en révélant à Xerxès l’existence d’un sentier, l’Anopée, permettant de contourner les Thermopyles. Une force perse menée par Hydarnès utilise ce passage pour prendre les Grecs à revers. Informé de cette manœuvre, Léonidas ordonne à la majorité des troupes grecques de se retirer pour préserver leurs forces. Seuls 300 Spartiates, 700 Thespiens et 400 Thébains restent, décidant de se sacrifier pour retarder les Perses.
Les Grecs restants combattent avec acharnement jusqu’à l’épuisement. Léonidas tombe au combat, et ses hommes protègent son corps contre les vagues d’assaillants perses. À court d’armes, les Spartiates continuent de résister avec des couteaux, des pierres, et leurs mains nues. Finalement, submergés par les forces de Xerxès, ils sont tous massacrés.
Après trois jours de combat, la bataille des Thermopyles se solde par une victoire tactique pour les Perses. Xerxès Ier parvient à traverser le défilé, ce qui lui ouvre la route vers la Béotie et l’Attique. Athènes, peu défendue, est évacuée par ses habitants sur les conseils de Thémistocle. Xerxès saccage la cité et incendie l’Acropole, infligeant un coup symbolique à la civilisation grecque. Cependant, cette victoire persane n’est pas décisive sur le plan stratégique, car elle ne brise pas la volonté grecque de continuer la lutte.
Malgré leur défaite, les Grecs réussissent à ralentir l’avancée de l’armée perse pendant plusieurs jours. Ce délai permet aux Grecs d’organiser leur défense sur d’autres fronts, en particulier sur le plan naval. La flotte grecque, sous le commandement d’Eurybiade et de Thémistocle, reste positionnée à l’Artémision avant de se replier pour préparer la bataille décisive de Salamine.
Ce temps gagné est crucial pour les cités grecques, car il leur donne l’opportunité de mobiliser leurs ressources et de finaliser leurs préparatifs, renforçant ainsi leur capacité à résister aux Perses.
La bataille des Thermopyles devient un puissant symbole de résistance héroïque face à une armée supérieure en nombre. Le sacrifice de Léonidas Ier et de ses 300 Spartiates, accompagné des 700 Thespiens, marque les esprits dans tout le monde grec. Leur courage inspire les autres cités à poursuivre la lutte, malgré la puissance écrasante de l’armée perse.
Le poème gravé en mémoire des Spartiates par Simonide de Céos, « Passant, va dire à Sparte que ses fils sont morts pour obéir à ses lois », immortalise leur sacrifice. Ce geste devient une source d’inspiration pour la postérité, incarnant les valeurs de courage, d’honneur et de devoir.
Bien que la coalition grecque ait montré des signes de désunion (certaines cités ayant préféré se soumettre aux Perses), la résistance acharnée aux Thermopyles contribue à renforcer l’idée d’une lutte commune. La bravoure des soldats grecs démontre que la supériorité numérique perse peut être contrecarrée par la discipline, la stratégie et la cohésion.
Cette unité se concrétise dans les mois qui suivent, notamment lors des batailles de Salamine (480 av. J.-C.) et de Platées (479 av. J.-C.), où la coopération entre les cités grecques joue un rôle clé dans leurs victoires.
Malgré leur victoire, les Perses subissent des pertes importantes lors de la bataille des Thermopyles, notamment parmi leurs unités d’élite, comme les Immortels. Ces pertes réduisent leur capacité à maintenir un rythme offensif élevé et affaiblissent leur moral. Le retard stratégique imposé par les Thermopyles expose également l’armée perse à des problèmes logistiques, particulièrement dans un territoire étranger où l’approvisionnement devient un défi.
Pour les Grecs :
Pour les Perses :
La bataille des Thermopyles a un impact durable sur l’histoire et la culture. Elle est célébrée comme un exemple de courage face à l’adversité, de résistance contre un envahisseur et de sacrifice pour le bien commun. L’épisode inspire d’innombrables récits, poèmes, œuvres d’art et films, tels que le célèbre 300 de Frank Miller.
Elle illustre également les principes fondamentaux de la guerre asymétrique, où une force numériquement inférieure peut exploiter l’avantage du terrain et la discipline pour résister à un ennemi supérieur.
Bien que les Perses aient remporté une victoire tactique aux Thermopyles, les conséquences de cette bataille ont largement favorisé les Grecs sur le long terme. Elle leur a permis de retarder l’avancée perse, de galvaniser leur résistance et de préparer les victoires décisives qui suivront. Plus qu’un simple affrontement, les Thermopyles incarnent la lutte pour la liberté et l’indépendance face à la tyrannie, un message qui résonne encore à travers les âges.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Décembre 2010