4 min lu
La bataille du Pont Milvius (28 octobre 312 apr. J.-C.)

La bataille du Pont Milvius, survenue le 28 octobre 312 apr. J.-C., oppose Constantin Ier à Maxence, deux rivaux pour le contrôle de la partie occidentale de l’Empire romain. Plus qu’une simple victoire militaire, cet affrontement marque un tournant décisif dans l’histoire politique et religieuse de Rome, favorisant l'ascension de Constantin et la reconnaissance officielle du christianisme.


Contexte historique

La rivalité entre Constantin et Maxence

  • Constantin Ier : Fils de Constance Chlore, il est proclamé Auguste en 306 par ses troupes après la mort de son père. Constantin contrôle alors les provinces de Gaule, de Bretagne et d’Hispanie.
  • Maxence : Fils de Maximien, il se proclame Auguste à Rome la même année, s’appuyant sur l’Italie et l’Afrique. Il est perçu par Constantin comme un usurpateur.

Les tensions entre les deux hommes s’aggravent après la mort de Maximien en 310 et de Galère en 311. Constantin, cherchant à consolider son pouvoir, scelle une alliance avec Licinius, maître de la partie orientale de l'Empire, tandis que Maxence reste isolé.

Les campagnes militaires de 312

En 312, Constantin rassemble une armée d’environ 40 000 hommes et envahit l’Italie. Il remporte plusieurs victoires importantes contre les forces de Maxence, notamment à Turin et Vérone, avant d’avancer vers Rome. Maxence, dont les forces sont estimées à 75 000 hommes, choisit de faire face à Constantin aux portes de la capitale, près du Pont Milvius.


Déroulement de la bataille

Le site

Le Pont Milvius, situé sur le Tibre, au nord de Rome, est une position stratégique clé. Sa possession permet de contrôler l’accès à la ville depuis le nord. Maxence, retranché à Rome, décide de défendre cette position cruciale pour éviter que Constantin n’entre dans la capitale.

La vision de Constantin

Selon la tradition rapportée par Eusèbe de Césarée et Lactance, la veille de la bataille, Constantin aurait eu une vision du chrisme (symbole chrétien formé des lettres grecques Chi et Rho, premières lettres du mot « Christ ») accompagnée des mots In hoc signo vinces (« Par ce signe, tu vaincras »). Inspiré, Constantin fait apposer ce symbole sur les boucliers de ses soldats, marquant un tournant symbolique dans son approche du christianisme.

La bataille

  1. Engagement initial : Les forces de Constantin engagent le combat à Saxa Rubra, à une dizaine de kilomètres au nord-est de Rome. Malgré leur infériorité numérique, elles repoussent progressivement les troupes de Maxence.
  2. Le repli de Maxence : Contraint de battre en retraite, Maxence et ses forces tentent de traverser le Tibre via un pont de bateaux. Cependant, dans la confusion, le pont cède, entraînant la noyade de Maxence et de nombreux soldats dans le fleuve.
  3. La victoire : Cette déroute achève la résistance de l’armée de Maxence. Les troupes de Constantin entrent triomphalement dans Rome.

Conséquences historiques

Consolidation du pouvoir de Constantin

  • Proclamation d’Auguste unique : Le Sénat romain reconnaît Constantin comme le seul Auguste de la partie occidentale de l’Empire.
  • Alliance renforcée avec Licinius : Cette victoire prépare le terrain pour la réunion de l’Empire sous Constantin, bien qu’il reste temporairement coempereur avec Licinius.

Ascension du christianisme

  • Reconnaissance du christianisme : Constantin attribue sa victoire à l’intervention du Dieu des chrétiens. Cela marque une étape décisive vers la fin des persécutions, amorcée par l’édit de Tolérance de 311.
  • Influence croissante : Sous la protection de Constantin, la religion chrétienne s’épanouit, notamment après la publication de l’édit de Milan en 313, qui garantit la liberté de culte dans l’Empire.

Affaiblissement des prétoriens

La défaite de Maxence entraîne la dissolution de la Garde prétorienne, perçue comme un bastion de son pouvoir. Constantin remplace cette force par des troupes loyalistes.


Analyse historique

Une victoire symbolique

La bataille du Pont Milvius dépasse la simple confrontation militaire. Elle représente la victoire de l’ordre et de la légitimité incarnés par Constantin contre l’usurpation et la division représentées par Maxence.

Le rôle du christianisme

La conversion de Constantin, bien qu'incomplète à ce stade, marque une rupture majeure dans l’histoire de l’Empire romain. En associant sa victoire à une vision chrétienne, Constantin pose les bases d’une réorientation religieuse qui culminera avec la christianisation officielle de l’Empire sous Théodose Ier en 380.



Sources et références

  1. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique.
  2. Lactance, De la mort des persécuteurs.
  3. Grant, Michael, Constantine the Great: The Man and His Times, Scribner, 1993.
  4. MacCulloch, Diarmaid, A History of Christianity, Penguin Books, 2009.
  5. Odahl, Charles Matson, Constantine and the Christian Empire, Routledge, 2010.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Mars 2011