La révolte de Catugnatos marque un épisode crucial de résistance gauloise contre l’expansion de Rome. Dernière grande insurrection des Allobroges en Gaule Narbonnaise, elle est menée par Catugnatos, un chef militaire déterminé à défendre l’indépendance de son peuple. La rébellion se concentre autour des sites fortifiés de Ventia (Ouentia) et Solonion (Solo), qui représentent les derniers bastions des Allobroges face à la domination romaine. Rome confie à Caius Pomptinus, propréteur et gouverneur de la Narbonnaise, la mission de mater cette révolte et d’intégrer définitivement cette région dans l’ordre romain. Cette confrontation illustre le déclin irréversible des peuples gaulois devant la puissance organisationnelle et militaire de Rome.
Manlius Lentinus, lieutenant du propréteur Caius Pomptinus, mène une première offensive contre Ventia, une ville fortifiée au cœur du territoire allobroge. Son attaque initiale provoque la fuite d’une grande partie de la population locale, tandis qu’une délégation gauloise se rend pour négocier la paix. Cependant, les Allobroges des campagnes voisines, alertés par cette offensive, convergent rapidement vers la ville sous la direction de Catugnatos, chef de guerre de la résistance.
Les renforts gaulois, menés avec une grande coordination par Catugnatos, surprennent les Romains en embuscade près des rives de l’Isère. Lentinus, incapable de contenir la charge des troupes gauloises, se retrouve en grande difficulté. Alors que son armée est sur le point d’être submergée, une tempête soudaine et violente s’abat sur le champ de bataille. Les intempéries désorganisent les forces gauloises, permettant à Lentinus de se replier et de sauver une partie de ses hommes.
Fort de cette expérience, Lentinus retourne dans la région avec des renforts et une stratégie remaniée. Plutôt que d’affronter directement les forces de Catugnatos, il mène une campagne de terreur en s’attaquant aux villages et aux cultures environnantes. Ce pillage affaiblit les capacités logistiques des Gaulois et démoralise leurs alliés. Lentinus finit par reprendre l’assaut sur Ventia et, après des combats acharnés, s’empare de la ville. La chute de Ventia représente un coup dur pour la résistance gauloise, mais Catugnatos, insaisissable, reste une menace sérieuse pour les Romains.
Après la prise de Ventia, les lieutenants romains L. Marius et Servius Galba reçoivent l’ordre de poursuivre la campagne contre les Allobroges et de neutraliser les bastions restants. Traversant le Rhône, ils avancent en direction de Solonion, une ville fortifiée et hautement stratégique, symbole de la résistance gauloise. Les Romains, déterminés à écraser la rébellion, trouvent face à eux une défense tenace menée par les forces locales.
Malgré une résistance acharnée, les Romains parviennent à capturer un fort situé sur une hauteur dominante et à incendier plusieurs quartiers en bois de la ville. Cette offensive affaiblit temporairement les Gaulois, mais l’arrivée soudaine de Catugnatos avec des renforts change le cours des combats. Le chef allobroge, maître des tactiques de guérilla et de harcèlement, relance la lutte en infligeant des pertes significatives aux troupes romaines. Cette manœuvre empêche L. Marius et Galba de prendre le contrôle total de la ville.
Face à cette situation critique, le propréteur Caius Pomptinus intervient personnellement, mobilisant l’ensemble de ses forces pour neutraliser la menace de Catugnatos. Pomptinus, connu pour sa stratégie méthodique, encercle les forces gauloises restantes avec une armée bien organisée. Le siège de Solonion se termine par une victoire romaine décisive, les Allobroges étant incapables de résister à l’ampleur de l’offensive.
Cependant, malgré cette défaite, Catugnatos, fidèle à sa réputation, parvient à s’échapper avant la reddition complète de ses troupes. Cette fuite lui permet de rester une figure emblématique de la résistance gauloise, bien que son influence et sa capacité de nuisance soient désormais considérablement réduites. La prise de Solonion marque une étape décisive dans la pacification de la région, mais aussi la fin symbolique de la lutte des Allobroges contre Rome.
Réorganisation romaine
Rome impose une politique stricte aux Gaulois vaincus, ordonnant l’abandon des oppidums fortifiés et déplaçant les populations dans de nouvelles cités sous contrôle romain. Ainsi, Valentia (Valence) est fondée, centralisant le pouvoir romain dans la région et réduisant l’influence des Allobroges.
Effacement de Solonion
Solonion (probablement l’actuel Soyons) est abandonnée, marquant la fin de l’autonomie des oppidums gaulois locaux. La fondation de Valentia symbolise la domination romaine sur la moyenne vallée du Rhône et le glissement des Segovellaunes, alliés des Allobroges, dans l’orbite de Rome.
Triomphe tardif de Pomptinus
Bien que victorieux, Caius Pomptinus ne reçoit les honneurs du triomphe que huit ans plus tard, en raison de querelles politiques à Rome. Son triomphe est utilisé pour amoindrir les exploits militaires contemporains de Jules César.
La révolte de Catugnatos constitue un jalon majeur dans le processus de conquête et de romanisation de la Gaule Narbonnaise. En s'attaquant aux Allobroges, peuple emblématique de la résistance gauloise, Rome engage sa force militaire pour écraser les derniers foyers d’insoumission. Cette rébellion, menée avec courage par Catugnatos, reflète l'ultime tentative de préserver une indépendance face à l’avancée inexorable de la domination romaine.
La campagne militaire, menée par le propréteur Caius Pomptinus, est exemplaire de la stratégie romaine d’intégration par la force. Les batailles décisives à Ventia et Solonion, malgré une résistance acharnée, scellent le sort des Allobroges. Si la fuite de Catugnatos maintient son aura de chef invaincu, elle ne peut empêcher l’issue fatale de la révolte. La soumission des Allobroges marque la fin de l’indépendance politique des peuples gaulois dans la région.
Historiquement, la révolte est emblématique de la transition entre une Gaule résistante et une Gaule intégrée dans l’orbite romaine. L’abandon des oppida, comme celui de Solonion, au profit de centres urbains romains comme Valentia, symbolise ce changement. En réorganisant les territoires conquis, Rome efface les structures indigènes et impose son modèle centralisateur.
Les récits de Dion Cassius et Tite-Live, bien que succincts, témoignent de l’importance de cette révolte dans l’histoire romaine. Ils soulignent l’acharnement des Allobroges et les compétences militaires des lieutenants romains, tout en inscrivant la révolte de Catugnatos comme un épisode clé dans l’affermissement du contrôle romain en Gaule méridionale. Ainsi, la révolte de Catugnatos est non seulement un fait militaire, mais également un événement fondateur dans l’histoire de la romanisation de la Gaule.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Février 2011