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Le siège de Jérusalem (70 apr. J.-C.)

Une tragédie historique et un tournant décisif

Le siège de Jérusalem en 70 apr. J.-C. marque l'un des événements les plus dramatiques de l'Antiquité. Dirigé par le général Titus, fils de l'empereur Vespasien, cet épisode scelle la fin de la révolte juive commencée en 66 et aboutit à la destruction du Second Temple, un événement qui transformera profondément l’histoire du judaïsme et marquera également la théologie chrétienne.


Contexte historique : de la révolte juive à la guerre totale

Les causes de la révolte

Depuis la prise de Jérusalem par Pompée en 63 av. J.-C., la Judée subit une domination romaine intermittente, marquée par une gouvernance directe ou par des rois vassaux comme Hérode le Grand. Cette occupation romaine, associée à des tensions sociales, religieuses et politiques, engendre un mécontentement croissant. Les pratiques corrompues des procurateurs romains, comme Gessius Florus, exacerbent la colère de la population. Un sacrifice païen devant une synagogue à Césarée et le détournement du trésor du Temple par Florus en 66 déclenchent la révolte juive.

La montée des tensions

Les insurgés remportent une victoire initiale en infligeant une défaite à la XIIᵉ légion romaine à Beth-Horon. Cependant, en 67, l’intervention de Vespasien permet à Rome de reprendre la Galilée et la Samarie. La guerre connaît une pause en 68 à la suite du suicide de Néron et de l’instabilité politique à Rome. Vespasien devient empereur en 69 et confie à son fils Titus la tâche de soumettre définitivement Jérusalem.


Le siège de Jérusalem

Disposition des forces

Titus arrive devant Jérusalem au printemps 70 avec une armée composée de quatre légions (V Macedonica, X Fretensis, XII Fulminata, XV Apollinaris) renforcées par des auxiliaires et des troupes alliées. En face, Jérusalem, qui accueille des milliers de pèlerins pour la Pâque, est défendue par plusieurs factions juives divisées, notamment les zélotes de Jean de Gischala et les partisans de Simon bar Giora.

Les étapes du siège

  1. Début du siège : Titus entame le siège en avril 70 en encerclant Jérusalem et en aplanissant les terrains autour des remparts pour faciliter l’approche des machines de siège.
  2. Percée des murs : Après de violents combats, les Romains franchissent le premier rempart le 25 mai, puis le second cinq jours plus tard. Ils progressent jusqu'à la forteresse Antonia.
  3. La famine : Isolée par un mur romain de 7 km, la population de Jérusalem souffre de famine. Les zélotes incendient les réserves de nourriture pour forcer les habitants à continuer le combat.
  4. Destruction du Temple : Le 29 août, malgré une résistance acharnée, le Temple est incendié par les Romains, scellant le sort de Jérusalem.

Le massacre et la chute finale

Après la destruction du Temple, les Romains lancent un assaut final le 25 septembre. La ville est pillée, ses habitants massacrés ou réduits en esclavage. Seules quelques structures, dont le mur occidental et certaines tours, échappent à la destruction.


Conséquences immédiates et à long terme

Sur le plan politique et militaire

  • Destruction de Jérusalem : La ville est rasée. Titus célèbre cette victoire avec un triomphe à Rome en 71 apr. J.-C., illustré par l’Arc de Titus où sont représentés les objets sacrés pillés dans le Temple.
  • Fin de la révolte juive : Après la chute de Jérusalem, les dernières poches de résistance, notamment la forteresse de Massada, sont éliminées d’ici 73.
  • Changement dans la gouvernance : La Judée devient une province impériale administrée directement par un gouverneur romain. Les contributions des Juifs, auparavant destinées au Temple, sont redirigées vers le fiscus judaicus au profit du temple de Jupiter Capitolin.

Impact sur le judaïsme

  • Destruction du Second Temple : Ce symbole central du judaïsme est perdu, marquant un tournant spirituel et institutionnel. La synagogue devient le principal lieu de culte, et le judaïsme rabbinique émerge comme la forme dominante.
  • Début de la diaspora : Bien que commencée avant 70, la dispersion des Juifs s’accélère. Les communautés juives d’Alexandrie et de Babylone gagnent en importance, tandis que celle de Jérusalem décline.

Conséquences démographiques et sociales

  • Pertes humaines : Selon Flavius Josèphe, plus d’un million de Juifs meurent lors du siège et environ 97 000 sont faits prisonniers. Ces chiffres sont probablement exagérés, mais l’impact humain reste colossal.
  • Esclavage : Des milliers de captifs sont réduits en esclavage ou utilisés pour les jeux du cirque à Rome.

Analyse et interprétation

Tactiques romaines et leadership

Titus, malgré sa jeunesse, démontre un leadership stratégique remarquable, exploitant la discipline des légions et la supériorité des machines de siège romaines. Cependant, la brutalité de la campagne et la destruction du Temple ont laissé une empreinte controversée sur son héritage.

Symbolisme historique

  • Pour le judaïsme : La destruction du Temple est commémorée chaque année le 9 Av comme un jour de deuil national. Cet événement renforce également le rôle des textes sacrés et des académies talmudiques dans la pérennité du judaïsme.
  • Pour Rome : La victoire consolide l’image de Titus et de Vespasien comme stabilisateurs de l’Empire après les troubles de l’année des quatre empereurs.


Sources et références

  1. Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs.
  2. Dion Cassius, Histoire romaine.
  3. Goodman, Martin, Rome and Jerusalem: The Clash of Ancient Civilizations, Penguin Books, 2008.
  4. Feldman, Louis H., Flavius Josephus and Jewish History, Brill, 1984.
  5. Schwartz, Seth, Imperialism and Jewish Society: 200 BCE to 640 CE, Princeton University Press, 2001.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Mars 2011