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Les batailles de Nola, Dartosa, Cornus, Syracuse, Capoue et Bétis (-216 -211av. J.-C.)

La bataille de Nola (216 av. J.-C.)

Après la désastreuse défaite de Rome à Cannes, Hannibal tenta de consolider ses positions en Campanie, région clé pour accéder au cœur de l’Italie. Nola, une cité alliée de Rome située à une trentaine de kilomètres de Capoue, devint une cible stratégique. Hannibal espérait convaincre ou forcer les cités italiennes à rejoindre son camp en exploitant l'affaiblissement de l'autorité romaine.

Pour contrecarrer cette menace, le préteur Marcus Claudius Marcellus fut envoyé à Nola avec des troupes fraîches. Il renforça les défenses de la ville et s’y retrancha, préparant une résistance active face aux assauts carthaginois.

Déroulement de la bataille

Hannibal entoura Nola et tenta d'intimider ses habitants pour qu’ils trahissent Rome. Cependant, Marcellus, anticipant une attaque, organisa des sorties ciblées depuis les murs de la cité. Ces contre-attaques surprises prirent les Carthaginois au dépourvu. Marcellus exploita la connaissance du terrain et la sécurité offerte par les murs pour infliger de lourdes pertes à l'armée d'Hannibal.

Hannibal, réalisant que chaque tentative de prise de la ville exposait davantage ses troupes à des pertes inutiles, choisit de lever le siège et de se retirer. Il préféra éviter de s’enliser dans un siège prolongé, qui aurait pu démoraliser ses troupes et freiner ses ambitions.

Conséquences

La victoire romaine à Nola, bien que mineure sur le plan militaire, eut une importance politique considérable. Elle montra que Rome n'était pas anéantie malgré le désastre de Cannes et qu'elle pouvait encore défendre ses alliés. Cette victoire redonna confiance aux cités de l’alliance latine, qui hésitaient à changer de camp en faveur d’Hannibal.

Hannibal, malgré son génie militaire, ne réussit pas à convertir cet échec en opportunité stratégique. Il tenta à deux reprises de prendre Nola à nouveau, en 215 et 213 av. J.-C., mais sans succès.



La bataille de Dertosa (215 av. J.-C.)

La bataille de Dertosa, livrée en 215 av. J.-C. près de Tortosa (aujourd'hui en Catalogne, Espagne), s’inscrit dans la deuxième guerre punique. Après les défaites romaines en Italie, Hannibal attendait des renforts en provenance d’Hispanie, sous le commandement de son frère Hasdrubal Barca. Les frères Scipio, Gnaeus Cornelius Scipio Calvus et Publius Cornelius Scipio, s’efforçaient de couper cette route stratégique pour limiter l’apport de troupes et de ressources à Hannibal.

Après plusieurs victoires préliminaires sur les Carthaginois en Hispanie, les Romains cherchèrent à consolider leur position en affrontant Hasdrubal, qui tentait de reconquérir les territoires perdus au nord de l'Èbre.

Forces en présence

  • Romains : Commandés par les frères Scipio, avec une armée estimée à environ 25 000 hommes, répartis entre infanterie lourde, infanterie légère et cavalerie.
  • Carthaginois : Menés par Hasdrubal Barca, avec des effectifs similaires, mais incluant une cavalerie plus performante et des éléphants de guerre.

Déroulement de la bataille

Hasdrubal tenta de reproduire la tactique qu’Hannibal avait employée à Cannes en 216 av. J.-C., consistant à envelopper les forces ennemies. Il plaça son infanterie légère et ses éléphants au centre, tandis que ses ailes étaient constituées de sa cavalerie et de troupes d’élite, chargées de prendre les Romains en tenaille.

Les frères Scipio, ayant anticipé cette manœuvre, décidèrent d’adopter une tactique défensive et de concentrer leurs forces au centre. Ils sacrifièrent temporairement les ailes pour contrer directement le cœur de l’armée carthaginoise. Les troupes romaines engagèrent un combat acharné contre le centre carthaginois, parvenant à repousser les éléphants et à briser la formation ennemie.

Sur les flancs, bien que la cavalerie romaine ait été mise en difficulté, la défaite du centre carthaginois força Hasdrubal à ordonner un repli, mettant fin à la bataille.

Conséquences

  • Victoire romaine : Les Carthaginois subirent des pertes importantes, estimées à environ 8 000 hommes, contre 4 000 pour les Romains.
  • Impact stratégique : La défaite empêcha Hasdrubal d’envoyer des renforts à Hannibal en Italie, consolidant la position romaine au nord de l’Èbre.
  • Ralliements locaux : Plusieurs tribus ibériques se révoltèrent contre la domination carthaginoise et s’allièrent aux Romains.

Cette bataille marqua un tournant pour les opérations romaines en Hispanie, qui bloquèrent efficacement le soutien logistique et militaire carthaginois destiné à Hannibal.



La bataille de Cornus (215 av. J.-C.)

La bataille de Cornus s’inscrit dans le cadre de la deuxième guerre punique, au moment où Rome doit faire face à des révoltes internes et des interventions carthaginoises. Après les défaites romaines face à Hannibal en Italie, Carthage tenta d’exploiter cette situation en soutenant les tribus sardes qui s’étaient rebellées contre l’autorité romaine.

La Sardaigne, une base importante pour le contrôle maritime et l’approvisionnement en grain, revêtait une grande importance stratégique pour Rome et Carthage. Une flotte carthaginoise transportant une armée fut envoyée pour renforcer les rebelles sardes. En réponse, Rome dépêcha une armée dirigée par le préteur Titus Manlius Torquatus pour mater la révolte et contrer les Carthaginois.

Forces en présence

  • Romains : Une force terrestre organisée par le préteur Titus Manlius Torquatus, appuyée par des troupes sardes fidèles à Rome.
  • Carthaginois : Une armée composée de mercenaires et d’alliés locaux, soutenue par les tribus sardes insurgées.

Déroulement de la bataille

La bataille eut lieu près de Cornus, à proximité de Cagliari. Les forces romaines engagèrent les Carthaginois dans une confrontation décisive. Titus Manlius Torquatus, vétéran des guerres précédentes, adopta une tactique classique romaine en exploitant la discipline et la supériorité de l’infanterie légionnaire.

Les Carthaginois, malgré un soutien local considérable, furent incapables de coordonner efficacement leurs troupes, notamment les mercenaires. Leur ligne de bataille céda sous la pression de l’infanterie romaine bien organisée. Une fois l’armée carthaginoise en déroute, les alliés sardes insurgés furent rapidement dispersés.

Conséquences

  • Déroute carthaginoise : La victoire romaine entraîna des pertes significatives pour Carthage et mit fin à leur tentative de reconquérir la Sardaigne.
  • Échec des rebelles sardes : La défaite força les tribus rebelles à se soumettre de nouveau à l’autorité romaine.
  • Consolidation romaine : Rome conserva un contrôle total sur la Sardaigne, renforçant ainsi sa position en Méditerranée occidentale.
  • Conséquences stratégiques : La bataille de Cornus détourna temporairement des ressources carthaginoises qui auraient pu être utilisées pour soutenir Hannibal en Italie.


Le siège de Syracuse (213-212 av. J.-C.)

Le siège de Syracuse s’inscrit dans la deuxième guerre punique, alors que Rome affrontait Carthage sur plusieurs fronts. Syracuse, ville grecque de Sicile historiquement alliée à Rome, bascula dans le camp carthaginois après la mort de son roi Hiéron II. Son successeur, Hiéronymos, fit alliance avec Hannibal, ce qui incita Rome à réagir rapidement pour éviter que la Sicile ne devienne une base d’opérations carthaginoise.

Après l'assassinat de Hiéronymos, une période d’instabilité politique s’ensuivit à Syracuse. La ville, gouvernée par une coalition oligarchique, continua à résister à Rome, bien qu'elle fût divisée entre factions pro-romaines et pro-carthaginoises. Marcus Claudius Marcellus, le général romain chargé de la campagne, assiégea Syracuse pour rétablir la domination romaine sur la Sicile.

Forces en présence

  • Romains : Commandés par Marcus Claudius Marcellus, ils déployèrent une armée terrestre pour encercler la ville et une flotte pour en bloquer le port.
  • Syracuse : Défendue par une garnison grecque et des mercenaires, la ville bénéficia des talents d'Archimède, célèbre mathématicien et ingénieur, qui développa des machines de guerre innovantes pour résister au siège.

Déroulement du siège

  1. Début du siège (213 av. J.-C.) :

    • Marcellus établit un blocus maritime pour empêcher tout ravitaillement de la ville par Carthage.
    • Les Romains entreprirent des assauts contre les murs de la ville. Cependant, les machines de guerre conçues par Archimède, notamment des catapultes et des grues capables de soulever et de renverser les navires romains, repoussèrent efficacement les assauts initiaux.
  2. Prolongation du siège :

    • Le blocus s’étendit sur plusieurs mois. Les Romains tentèrent des assauts nocturnes et des infiltrations, mais les défenses syracusaines restaient solides.
    • Syracuse reçut un soutien limité de Carthage, ce qui prolongea la résistance.
  3. Chute de Syracuse (212 av. J.-C.) :

    • Les Romains exploitèrent une faiblesse dans les défenses. Une attaque surprise de nuit permit aux légionnaires de pénétrer dans la ville.
    • Une fois les murs franchis, les troupes romaines s’emparèrent de Syracuse après de violents combats de rue.
    • Pendant le pillage de la ville, Archimède fut tué par un soldat romain, malgré les ordres de Marcellus de l’épargner.

Conséquences

  • Victoire romaine : La prise de Syracuse renforça la position de Rome en Sicile, éliminant une menace stratégique majeure.
  • Perte pour la culture grecque : La mort d’Archimède marqua une grande perte pour les sciences et les arts.
  • Affaiblissement de Carthage : Carthage perdit son principal allié en Sicile, limitant sa capacité à contre-attaquer dans la région.
  • Représailles romaines : La ville de Syracuse fut lourdement pillée, et une partie de la population réduite en esclavage.


La bataille de Capoue (212 av. J.-C.)

Après la bataille de Cannes (216 av. J.-C.), plusieurs cités italiennes, dont Capoue, rejoignirent Hannibal, pensant que Rome était sur le point de s’effondrer. Capoue, alors l’une des plus riches et influentes cités d’Italie, devint une base majeure pour les opérations carthaginoises.

En 212 av. J.-C., Rome lança une contre-offensive pour reprendre Capoue et restaurer son autorité. Deux armées consulaires, dirigées par Quintus Fulvius Flaccus et Appius Claudius Pulcher, assiégèrent la ville, cherchant à couper Hannibal de ses soutiens locaux.

Forces en présence

  • Rome:
    • Deux armées consulaires, totalisant environ 40 000 soldats.
    • Leur objectif principal était d’encercler la ville et d’isoler Hannibal.
  • Carthage et Capoue:
    • Une garnison carthaginoise appuyée par les forces locales capouanes.
    • Hannibal, bien que proche, disposait d’une armée plus réduite et de ressources limitées.

Déroulement de la bataille

  1. Le siège de Capoue :

    • Les forces romaines débutèrent un siège en encerclant Capoue. Elles construisirent des retranchements pour bloquer les sorties et empêcher le ravitaillement de la ville.
    • Les habitants et la garnison de Capoue résistèrent avec acharnement, espérant l’arrivée d’Hannibal pour les secourir.
  2. Intervention d’Hannibal :

    • Hannibal tenta de briser le siège en lançant une attaque contre les lignes romaines.
    • Dans une série de combats, les Romains subirent des pertes importantes, mais parvinrent à maintenir leur blocus.
  3. Fausse manœuvre d’Hannibal :

    • Voyant qu’il ne pouvait briser directement le siège, Hannibal tenta de détourner l’attention romaine en marchant sur Rome elle-même. Ce coup audacieux visait à forcer les armées consulaires à lever le siège pour défendre la capitale.
    • Malgré la panique à Rome, les consuls ne se laissèrent pas distraire et maintinrent leur siège à Capoue, envoyant seulement des renforts pour protéger la ville.
  4. Chute de Capoue :

    • Après l’échec d’Hannibal à détourner les forces romaines, Capoue, affaiblie par la famine et les pertes, finit par se rendre en 211 av. J.-C.
    • Les Romains prirent la ville d’assaut, écrasèrent la résistance et massacrèrent une grande partie des défenseurs.

Conséquences

  1. Punition exemplaire de Capoue :

    • Les sénateurs capouans furent exécutés, et la ville perdit son statut politique et ses privilèges. Son territoire fut confisqué par Rome.
    • Cette répression brutale servit d’avertissement aux autres cités italiennes tentées de rejoindre Hannibal.
  2. Recul stratégique d’Hannibal :

    • L’échec de Capoue affaiblit la position d’Hannibal en Italie. La perte d’une base majeure et de soutiens locaux limita sa capacité à continuer la guerre efficacement.
  3. Renforcement de Rome :

    • La reprise de Capoue marqua un tournant moral et stratégique pour Rome, montrant sa résilience après les défaites de Cannes et Trasimène.

La bataille du Bétis (211 av. J.-C.)

La bataille du Bétis, également connue sous le nom des batailles de Castulo et d’Ilorca, s’est déroulée en 211 av. J.-C. pendant la deuxième guerre punique. Ce fut un double affrontement décisif entre les armées romaines, dirigées par les frères Publius Cornelius Scipio et Gnaeus Cornelius Scipio Calvus, et les forces carthaginoises commandées par Hasdrubal Barca et d'autres généraux carthaginois.

Depuis leur arrivée en Hispanie en 218 av. J.-C., les frères Scipio avaient remporté plusieurs victoires, coupant Hannibal de ses bases de ravitaillement et de ses renforts dans la péninsule Ibérique. Cependant, en 211 av. J.-C., les Carthaginois concentrèrent leurs forces pour reprendre l’initiative. Ce fut la première fois qu'ils infligèrent une défaite majeure aux Romains sur le théâtre hispanique.

Forces en présence

  • Rome:
    • Deux armées commandées par Publius et Gnaeus Scipio.
    • Environ 20 000 soldats au total.
  • Carthage:
    • Plusieurs contingents commandés par Hasdrubal Barca, Mago Barca, et d’autres officiers.
    • Une force combinée d’environ 35 000 hommes, renforcée par des mercenaires numides et des alliés ibériques.

Déroulement des batailles

1. Bataille de Castulo

  • Publius Scipio, à la tête de son armée, se dirigea vers Castulo pour engager Hasdrubal Barca.
  • Cependant, il fut attiré dans un piège soigneusement planifié par Hasdrubal, qui utilisa des tactiques de harcèlement pour épuiser les Romains.
  • Les Carthaginois attaquèrent les Romains avec des forces supérieures, les encerclant et les écrasant. Publius Scipio fut tué au cours de la bataille.

2. Bataille d’Ilorca

  • Gnaeus Scipio, informé de la défaite de son frère, tenta de regrouper ses forces à Ilorca. Cependant, il fut confronté à l’armée de Mago Barca et d’autres généraux carthaginois.
  • Les Carthaginois employèrent des tactiques similaires, utilisant leur cavalerie numide pour perturber les lignes romaines avant de lancer une attaque coordonnée.
  • Gnaeus Scipio fut également tué, et son armée subit de lourdes pertes.

Conséquences

  1. Perte des frères Scipio :

    • La mort de Publius et Gnaeus Scipio fut un coup dur pour Rome, qui perdit deux de ses commandants les plus expérimentés et ses principales forces en Hispanie.
  2. Reprise de l’initiative par Carthage :

    • Les Carthaginois regagnèrent le contrôle des territoires au sud de l’Èbre et purent sécuriser leurs bases de ravitaillement.
  3. Intervention décisive de Scipion l’Africain :

    • En dépit de la défaite, Rome envoya Publius Cornelius Scipio, fils de Publius Scipio, en Hispanie en 210 av. J.-C.. Il reprit la situation en main et lança une contre-offensive qui culmina avec la prise de Carthagène en 209 av. J.-C..
  4. Conséquences stratégiques :

    • Bien que les Carthaginois remportèrent cette victoire, ils furent incapables de tirer pleinement parti de leur succès. Hannibal, toujours en Italie, ne reçut pas les renforts nécessaires.



Sources :

  1. Polybe, Histoires (Livre III-VII) : Analyse des batailles en Hispanie et en Italie.
  2. Tite-Live, Histoire romaine (Livre XXIII-XXVI) : Description détaillée des sièges et batailles.
  3. Goldsworthy, Adrian. The Punic Wars : Analyse stratégique moderne des campagnes romaines et carthaginoises.
  4. Lancel, Serge. Hannibal : Biographie du général carthaginois et de ses actions militaires.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Janvier 2011