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Les guerres gréco-puniques (-600 à -265)

La Première Guerre Gréco-Punique est le point de départ d’une longue série de conflits entre Carthage et les Grecs pour le contrôle de la Sicile, une île stratégique au cœur de la Méditerranée. Ce conflit, bien qu’il ait culminé en une bataille décisive à Himère, est enraciné dans des décennies de tensions et d’ambitions expansionnistes, alimentées par des alliances fluctuantes et des rivalités politiques.

La Première Guerre Gréco-Punique est le point de départ d’une longue série de conflits entre Carthage et les Grecs pour le contrôle de la Sicile, une île stratégique au cœur de la Méditerranée. Ce conflit, bien qu’il ait culminé en une bataille décisive à Himère, est enraciné dans des décennies de tensions et d’ambitions expansionnistes, alimentées par des alliances fluctuantes et des rivalités politiques.


1. Contexte historique et stratégique

La Sicile : un territoire disputé

La Sicile, riche en terres agricoles et située au carrefour des routes maritimes entre l’Italie, l’Afrique du Nord et la Méditerranée orientale, est depuis longtemps convoitée par deux grandes puissances :

  • Carthage, qui contrôle les cités phéniciennes de l’ouest de l’île (Motyé, Panormus, Solus) et cherche à sécuriser ses routes commerciales en Méditerranée occidentale.
  • Les cités grecques, principalement doriennes comme Syracuse, Akragas, et Géla, qui s’étendent depuis le VIIIe siècle av. J.-C. et cherchent à contrôler l’ensemble de l’île.

Expansion grecque et résistances carthaginoises

  • Avant 480 av. J.-C., les Phéniciens avaient évité la confrontation directe avec les Grecs en se retirant sur les côtes ouest de la Sicile. Cependant, Carthage, en devenant un empire commercial dominant, prit le relais pour résister aux ambitions grecques.
  • La montée en puissance des tyrans grecs comme Gélon de Syracuse et Théron d’Akragas, qui unifièrent les cités doriennes, inquiéta Carthage, d’autant plus que les Elymes et d’autres peuples autochtones s’alliaient également aux Grecs.


2. Déclenchement du conflit

En 483 av. J.-C., Théron, tyran d’Akragas, renverse Terrilus, tyran d’Himère, une cité alliée à Carthage. Terrilus demande alors l’aide des Carthaginois pour récupérer son trône.

  • Carthage voit l’opportunité de réaffirmer son autorité : Elle prépare une expédition militaire, espérant tirer profit de la situation politique en Grèce, où les cités-États font face à l’invasion perse.

3. Expédition carthaginoise et bataille d’Himère

Les forces en présence

  • Carthage : L’armée dirigée par Hamilcar est composée d’un mélange de troupes africaines, ibériques et phéniciennes. La flotte carthaginoise débarque près de Ziz (l’actuelle Palerme) après un voyage difficile marqué par des pertes humaines dues à des maladies.
  • Les Grecs : Une coalition menée par Gélon de Syracuse et Théron d’Akragas mobilise une armée bien organisée et déterminée à défendre l’hégémonie grecque en Sicile.

Déroulement de la bataille d’Himère

  • Les Carthaginois, affaiblis par leur voyage, se retrouvent face à une armée grecque mieux préparée.
  • La bataille se déroule près de la cité d’Himère, où les forces grecques, dirigées par Gélon, infligent une défaite écrasante aux Carthaginois.
  • Mort d’Hamilcar : Le général carthaginois, selon la tradition, se suicide pour éviter la honte de la capture.

4. Conséquences immédiates

Traité de paix :

  • Gélon accepte de ne pas envahir le territoire carthaginois. En échange, Carthage paie une indemnité de guerre de 2 000 talents d’argent.
  • Himère reste sous contrôle grec, mais aucune autre cité alliée de Carthage en Sicile n’est attaquée.

Transformations politiques :

  • À Carthage : La défaite entraîne la chute de la monarchie et la mise en place de la république carthaginoise, marquant un tournant majeur dans l’histoire politique de la cité.
  • En Sicile : Syracuse, sous la direction de Gélon, devient la puissance dominante de l’île, inaugurant une période d’expansion culturelle et militaire.

5. Conséquences à long terme

Sur le plan géopolitique :

  • Carthage évite une invasion grecque directe mais voit son prestige affaibli, ce qui encourage d’autres cités grecques à défier son autorité.
  • Les cités grecques, sous la domination de Syracuse, consolident leur pouvoir en Sicile, mais cette victoire prépare également le terrain pour d’autres affrontements gréco-puniques.

Sur le plan militaire :

  • Cette guerre met en lumière les limites de la puissance militaire carthaginoise face à une organisation grecque supérieure sur le terrain.
  • Carthage commence à revoir sa stratégie en renforçant ses alliances locales et en développant ses forces armées.

6. Héritage de la Première Guerre Gréco-Punique

La Première Guerre Gréco-Punique établit un précédent pour les guerres ultérieures entre Carthage et Syracuse, qui se poursuivront jusqu’à l’arrivée des Romains en Sicile au IIIe siècle av. J.-C. Elle marque également le début d’une confrontation idéologique et stratégique entre deux visions du pouvoir : celle d’une république commerciale et celle d’une hégémonie militaire et culturelle grecque.


Deuxième Guerre Gréco-Punique (-410 à -340)

La Deuxième Guerre Gréco-Punique constitue une série d'affrontements sporadiques entre Carthage et Syracuse, qui s'étendent sur près d'un siècle. Ces conflits sont marqués par des alternances de guerres ouvertes, de trêves fragiles et de batailles décisives, illustrant une lutte acharnée pour l’hégémonie en Sicile. Contrairement à la première guerre, ce conflit met en scène de multiples protagonistes, une évolution stratégique des deux côtés et des bouleversements internes dans les deux camps.


1. Contexte et causes du conflit

Expansion de Carthage et fragmentation grecque

Après leur défaite lors de la première guerre gréco-punique en 480 av. J.-C., les Carthaginois concentrent leurs efforts sur la consolidation de leur empire en Afrique. Entre-temps, Syracuse et ses alliés grecs se divisent à la suite de la mort de Gélon en 478 av. J.-C., fragmentant l'alliance des cités doriennes. La Sicile devient alors un théâtre de rivalités internes, exacerbées par des tensions entre Grecs et peuples indigènes, notamment les Élymes.

Les guerres intermédiaires et l’expédition athénienne

Au cours du Ve siècle, la rivalité entre Elymes et Sélinonte reprend. Les tensions se superposent à la guerre du Péloponnèse, et en 413 av. J.-C., Athènes tente d’intervenir avec sa désastreuse expédition de Sicile. Profitant de l'affaiblissement grec, Carthage revient en Sicile avec une ambition renouvelée.


2. Chronologie des principaux affrontements

Début des hostilités : -409 à -406

  • Campagnes d’Hannibal de Giscon :

    • En 409, Carthage reprend l’offensive sous la conduite d’Hannibal de Giscon. Les forces puniques s’emparent de Sélinonte, puis d’Himère, où une destruction totale est imposée.
    • Ces victoires marquent un retour triomphal de Carthage en Sicile, mais elles suscitent une crainte chez les cités grecques, notamment Syracuse.
  • Siège d’Agrakas :

    • En 406, Carthage assiège Agrakas avec une force considérable. Cependant, une épidémie de peste décime les rangs carthaginois, compromettant leurs efforts. La ville tombe, mais les pertes affaiblissent durablement l’armée punique.

Reprise des hostilités sous Denys de Syracuse : -398 à -396

  • Offensive de Denys :

    • Devenu tyran de Syracuse, Denys lance une guerre pour repousser Carthage de Sicile. Il s'empare de Motyé, une base carthaginoise stratégique.
    • Carthage réplique en reprenant Motyé et en envahissant Messine, avant de mettre le siège devant Syracuse.
  • Siège de Syracuse et peste carthaginoise :

    • Les Carthaginois, menés par Himilcon, assiègent Syracuse en 396, mais une épidémie de peste les contraint à lever le siège. Cette nouvelle catastrophe met fin à l'expédition et stabilise temporairement la région.

Conflits intermittents : -383 à -340

  • Bataille de Cabala (-378) :

    • Denys remporte une victoire majeure contre les Carthaginois et exige leur retrait de Sicile. Cependant, en -376, les forces carthaginoises détruisent la flotte syracusaine à Cronium. Un traité impose à Denys de payer 1 000 talents.
  • Reprise des hostilités par Timoléon (-345 à -340) :

    • Après la mort de Denys, Syracuse connaît une instabilité interne. En 343 av. J.-C., Timoléon prend le pouvoir et mène des raids contre les possessions carthaginoises.
    • Une expédition carthaginoise est détruite à la bataille de la rivière Crimissus en 341, consolidant l’autorité de Timoléon sur la Sicile orientale.

3. Conséquences et bilan

Statu quo territorial

  • La guerre se termine en 340 av. J.-C. par un retour à l’équilibre des forces. Carthage conserve ses territoires à l'ouest de la rivière Halcyas, tandis que Syracuse reste la puissance dominante dans l'est de l'île.

Transformations politiques

  • Carthage : La guerre renforce son emprise sur ses territoires siciliens, mais les épidémies et les pertes militaires révèlent des vulnérabilités dans sa stratégie.
  • Syracuse : Sous Timoléon, la cité retrouve une stabilité politique et militaire, devenant la principale puissance grecque de l'île.

Impact sur la Sicile

  • La Sicile reste un théâtre de guerre et de destruction, sa population subissant des pillages répétés et des déplacements forcés.
  • Les tensions entre Grecs et Phéniciens en Sicile continuent de modeler l’équilibre des pouvoirs dans la région.

4. Héritage de la Deuxième Guerre Gréco-Punique

La deuxième guerre gréco-punique illustre la montée en puissance de deux modèles de domination : Carthage, fondée sur le commerce et la puissance maritime, et Syracuse, sur l'hégémonie militaire et l’unification politique. Si la guerre ne modifie pas de manière radicale la géopolitique de la Sicile, elle prépare le terrain pour les affrontements ultérieurs, notamment avec l’arrivée de Rome au IIIe siècle av. J.-C.


Troisième Guerre Gréco-Punique (315-307 av. J.-C.)

La Troisième Guerre Gréco-Punique représente l’ultime affrontement entre Carthage et Syracuse pour le contrôle de la Sicile. Ce conflit, déclenché par les ambitions expansionnistes d’Agathocle, tyran de Syracuse, marque un tournant décisif : il signe la fin du rôle de Syracuse comme grande puissance méditerranéenne et consacre la suprématie régionale de Carthage, tout en révélant ses propres failles stratégiques.


1. Contexte et causes du conflit

Un statu quo fragile

Après la paix de 340 av. J.-C., conclue à l’issue de la deuxième guerre gréco-punique, la Sicile reste divisée. Carthage domine l’ouest de l’île depuis la rivière Halcyas, tandis que Syracuse exerce son autorité sur les cités grecques de l’est. Le traité de paix, négocié par Timoléon, garantit un équilibre précaire mais ne résout pas les tensions sous-jacentes entre les deux puissances.

L'ambition d'Agathocle

En 317 av. J.-C., Agathocle, issu de la plèbe, prend le pouvoir à Syracuse et instaure une tyrannie. Militaire talentueux mais également impitoyable, il aspire à restaurer la grandeur de Syracuse et à étendre son hégémonie sur toute la Sicile, en violation des termes de la paix précédente. La reprise des hostilités devient inévitable lorsque, en 315 av. J.-C., il met le siège devant Messine, une cité neutre, suscitant l’ire des Carthaginois.


2. Déroulement des événements

Premières offensives (315-311 av. J.-C.)

  • Conquête de Messine :Agathocle s’empare de Messine, cité stratégique contrôlant l’accès à la Sicile depuis l’Italie, consolidant ainsi sa position dans l’est de l’île.

  • Offensive contre les territoires carthaginois :En 311 av. J.-C., Agathocle lance une campagne audacieuse en territoire carthaginois, envahissant l’ouest de la Sicile et assiégeant Agrakas. Cependant, cette offensive pousse Carthage à une réaction massive.

Contre-offensive carthaginoise (310 av. J.-C.)

  • Reprise de la Sicile :Sous la conduite de leurs généraux expérimentés, les Carthaginois reprennent le contrôle de l’ouest de l’île et infligent une série de revers aux troupes syracusaines. Ils assiègent Syracuse elle-même, menaçant directement la survie d’Agathocle et de son régime.

L’audacieuse expédition africaine (310-307 av. J.-C.)

  • Stratégie d’Agathocle :Pour briser le siège de Syracuse et détourner les forces carthaginoises, Agathocle prend une décision sans précédent : il transporte une armée en Afrique du Nord et attaque directement Carthage. C’est la première fois qu’une armée grecque envahit le cœur du territoire carthaginois.

  • Succès initiaux :L’audace de cette manœuvre déstabilise Carthage. Les forces carthaginoises, rappelées d’urgence de Sicile, subissent plusieurs défaites en Afrique, et Agathocle remporte des victoires qui lui permettent d’occuper des territoires autour de Carthage.

  • Revers et retour en Sicile :Malgré ses succès initiaux, Agathocle ne parvient pas à s’emparer de Carthage elle-même. En 307 av. J.-C., ses troupes en Afrique subissent une défaite décisive, et il est contraint de négocier une retraite. Agathocle retourne en Sicile, où il parvient à conserver Syracuse, mais au prix de lourdes concessions.


3. Conséquences et bilan

Pour Syracuse :

  • Déclin de la puissance syracusaine :Bien qu’Agathocle sauve Syracuse de la destruction, la cité perd définitivement son statut de puissance majeure en Méditerranée. L’expédition africaine, bien que spectaculaire, épuise ses ressources humaines et financières.

  • Consolidation du pouvoir d’Agathocle :Malgré la défaite, Agathocle reste au pouvoir à Syracuse et parvient à maintenir une certaine stabilité interne jusqu’à sa mort en 289 av. J.-C.

Pour Carthage :

  • Suprématie régionale confirmée :Carthage sort victorieuse et renforce son emprise sur l’ouest de la Sicile. Cependant, l’invasion africaine d’Agathocle expose les vulnérabilités de la cité punique, notamment sa dépendance à des mercenaires pour la défense de son territoire.

  • Émergence de nouveaux défis :Si la Sicile reste un enjeu stratégique pour Carthage, l’équilibre fragile instauré après 307 av. J.-C. prépare le terrain pour de futurs affrontements, notamment avec Rome.

Sur le plan stratégique :

  • Un précédent pour les guerres futures :L’expédition d’Agathocle en Afrique du Nord constitue un précédent dans l’histoire militaire et inspire des stratégies similaires, notamment celle de Scipion l'Africain lors de la deuxième guerre punique.

4. Héritage

La Troisième Guerre Gréco-Punique met en lumière la rivalité acharnée entre Carthage et Syracuse pour le contrôle de la Sicile, pivot stratégique de la Méditerranée. Ce conflit, bien que moins connu que les guerres gréco-puniques précédentes, marque la transition vers une nouvelle ère de confrontations, notamment avec l’émergence de Rome, qui finira par éclipser à la fois Syracuse et Carthage au IIIe siècle av. J.-C.

Sources : Guerres Gréco-Puniques

  1. Diodore de SicileBibliothèque historique : récit des conflits en Sicile, y compris les batailles majeures et l'évolution des alliances.
  2. PolybeHistoires : description des relations gréco-puniques dans un contexte plus large des affrontements méditerranéens.
  3. Justin (Pompeius Trogus)Histoires Philippiques : aperçu des rivalités entre Carthage et les cités grecques de Sicile.
  4. Tite-LiveAb Urbe Condita (livres perdus mais souvent cités) : mentions des guerres gréco-puniques en relation avec Rome.
  5. Archéologie et épigraphie – Fouilles de sites comme Himère, Sélinonte, et Motyé fournissant des preuves matérielles des affrontements.

Auteur : Stéphane Jeanneteau

Décembre 2010

Carthage est désormais la puissance dominante en Sicile et personne ne le contestera pendant une trentaine d'années. Syracuse demeure un puissant bastion grec en Sicile et en Méditerranée mais elle ne pourra désormais plus jouer parmi les premiers rôles.

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