Contexte et Importance des Guerres Médiques (490-479 av. J.-C.)
Contexte Historique
Les guerres médiques, qui opposèrent l'Empire perse achéménide à une coalition de cités grecques, émergent dans un contexte de tensions politiques, économiques et culturelles au Ve siècle av. J.-C. Elles marquent l'apogée de l'expansion perse et le début d’une résistance organisée des cités-États grecques.
Expansion de l’Empire perse
- Sous Cyrus le Grand (559-530) et ses successeurs, l’Empire perse achéménide s’étend considérablement, englobant l’Asie Mineure, la Mésopotamie, l’Égypte et une partie de l’Asie centrale. Cette expansion place les cités grecques d’Ionie (sur les côtes de l’Asie Mineure) sous domination perse.
- La révolte de l’Ionie (499-494), déclenchée par la pression fiscale et le contrôle perse sur les cités grecques, est un catalyseur des guerres médiques. Bien qu’elle échoue, cette révolte, soutenue par Athènes et Érétrie, attire l’attention de Darius Ier, qui cherche à punir ces cités et à étendre son empire vers l’ouest.
Opposition entre deux modèles
- Perses : L’Empire perse repose sur un pouvoir centralisé, dirigé par un "Grand Roi" (Darius Ier, puis Xerxès). Bien que tolérant envers les cultures locales, ce système impose des tributs et des obligations militaires.
- Grecs : Les cités grecques, indépendantes et parfois rivales, sont attachées à leurs systèmes politiques variés, allant de la démocratie athénienne à l’oligarchie spartiate. Cette diversité contraste avec le centralisme perse.
Importance géostratégique de la mer Égée
- La mer Égée est un espace vital pour le commerce et la communication entre l’Asie Mineure, la Grèce continentale et les îles. Le contrôle de cet espace est essentiel pour l’hégémonie perse ou grecque.
- Les Perses visent à sécuriser leur flanc ouest pour mieux intégrer l’Europe dans leur empire. Les Grecs, eux, perçoivent l’invasion perse comme une menace existentielle.
Première Guerre Médique (492-490 av. J.-C.)
La première guerre médique marque le début de l’affrontement entre l’Empire perse et les cités grecques. Déclenchée par Darius Ier pour punir Athènes et Érétrie après leur soutien à la révolte de l’Ionie (499-494 av. J.-C.), cette guerre est ponctuée de campagnes militaires majeures, dont l’expédition de Mardonios en 492 et l’expédition dirigée par Datis et Artapherne en 490, qui culmine avec la célèbre bataille de Marathon.
Contexte et Causes
La Révolte de l’Ionie (499-494 av. J.-C.)
- La révolte de l’Ionie est un soulèvement des cités grecques d’Asie Mineure contre la domination perse, alimenté par une pression fiscale accrue et une tentative des Perses de contrôler davantage ces cités.
- Athènes et Érétrie apportent leur soutien militaire aux insurgés, fournissant des navires et des soldats. Ces interventions, bien que limitées, irritent profondément Darius Ier, qui promet de punir ces cités.
L’Ambition de Darius Ier
- Darius Ier voit également dans cette guerre une opportunité d’étendre son contrôle sur la Grèce continentale. La péninsule grecque est un carrefour stratégique entre l’Europe et l’Asie, et son annexion renforcerait le contrôle perse sur la Méditerranée orientale.
- Une victoire en Grèce permettrait de sécuriser les frontières occidentales de l’Empire perse et de prévenir d’autres insurrections.
La Campagne de 492 : L’Expédition de Mardonios
Darius confie à son gendre, Mardonios, une première expédition pour soumettre la Grèce continentale.
Objectifs
- Restaurer l’autorité perse en Thrace et en Macédoine, régions déjà théoriquement vassales mais instables.
- Préparer l’invasion de la Grèce proprement dite.
Déroulement
- Succès initiaux : Mardonios traverse l’Hellespont, traverse la Thrace et soumet la Macédoine. Il semble sur le point d’accomplir ses objectifs.
- Revers majeurs : Une tempête dévastatrice au large du mont Athos détruit environ la moitié de sa flotte, tandis que les Païoniens, une tribu locale, attaquent le camp perse, infligeant de lourdes pertes.
- Retraite : Mardonios est contraint d’interrompre son avance. La campagne se termine sur un semi-échec.
L’Expédition de 490 : Artapherne et Datis
Darius décide d’une nouvelle approche, plus directe. Une force militaire, composée de troupes terrestres et maritimes, est envoyée pour soumettre les cités rebelles et consolider le contrôle perse sur les îles de la mer Égée.
Forces et Stratégie
- Les forces perses comprennent une armée estimée entre 25 000 et 50 000 soldats, soutenue par une flotte de 600 trières.
- La mission est confiée à Datis, un général expérimenté, et à Artapherne, neveu de Darius. Ils suivent une stratégie de conquête insulaire progressive pour atteindre l’Attique.
Conquêtes Initiales
- Naxos et les Cyclades : Les Perses soumettent les îles de la mer Égée, punissant les cités qui résistent.
- Érétrie : La cité, abandonnée par ses alliés athéniens, est prise après un siège. Les habitants sont déportés en Perse.
La Bataille de Marathon (490 av. J.-C.)
Débarquement Perse
- Sur les conseils d’Hippias, ancien tyran d’Athènes, les Perses débarquent dans la plaine de Marathon, à 40 km d’Athènes, choisissant un lieu qui permet de déployer efficacement leur cavalerie.
Les Forces en Présence
- Perses : Environ 25 000 à 30 000 soldats, avec une prédominance d’archers et de cavaliers. L’armée perse est diverse, rassemblant des troupes de tout l’empire.
- Grecs : Environ 10 000 hoplites athéniens et platéens, menés par Miltiade. Ils forment une infanterie lourde disciplinée, organisée en phalanges.
Stratégie de Miltiade
- Conscient de l’infériorité numérique des Grecs, Miltiade renforce les ailes de son armée au détriment du centre, prévoyant d’envelopper l’ennemi.
- Les hoplites grecs chargent rapidement pour réduire l’efficacité des archers perses.
Déroulement
- Le choc initial : Les hoplites grecs engagent les Perses, subissant des pertes au centre mais dominant sur les ailes.
- Manœuvre d’enveloppement : Les ailes grecques se referment sur le centre perse, prenant l’ennemi en tenaille.
- Victoire grecque : Les Perses, désorganisés, subissent de lourdes pertes et se retirent vers leurs navires.
Poursuite et Défense d’Athènes
- Les Grecs, malgré leur fatigue, effectuent une marche forcée pour atteindre Athènes avant les navires perses. Leur arrivée dissuade les Perses d’un débarquement.
Conséquences de la Première Guerre Médique
Conséquences Immédiates
- Repli des Perses : L’échec de Marathon met un terme à la première tentative perse de soumettre la Grèce continentale.
- Montée en puissance d’Athènes : La victoire athénienne confère un prestige immense à la cité, qui se positionne comme leader dans le monde grec.
Conséquences Stratégiques
- Préparatifs pour la revanche perse : Darius prépare une nouvelle expédition, mais sa mort en 486 reporte cette tâche à son successeur, Xerxès.
- Consolidation des alliances grecques : La victoire renforce l’idée d’une union nécessaire pour résister à la menace perse.
Conséquences Culturelles
- La bataille de Marathon devient un symbole de la liberté grecque face à la tyrannie perse. Elle inspire des œuvres littéraires et philosophiques, marquant durablement l’identité grecque.
La Seconde Guerre Médique (480-479 av. J.-C.)
La seconde guerre médique est le point culminant des affrontements entre l’Empire perse et les cités grecques. Ce conflit, marqué par des batailles épiques comme celles des Thermopyles, de Salamine, et de Platées, est déclenché par Xerxès Ier, fils de Darius Ier, déterminé à venger l’humiliation de Marathon et à soumettre définitivement la Grèce. Cette guerre s’étend sur deux années et met en lumière les stratégies contrastées des deux camps.
Contexte et Causes
Préparatifs de Xerxès Ier
- La volonté de vengeance : Après l'échec de la première guerre médique, Darius Ier avait préparé une nouvelle expédition mais mourut en 486. Son fils, Xerxès Ier, hérite de cette ambition.
- Mobilisation massive : Xerxès rassemble une immense armée et une flotte impressionnante, selon Hérodote, comptant jusqu’à 2 millions d’hommes et 1 207 navires (chiffres exagérés, les historiens modernes estiment environ 200 000 soldats et 800 navires).
- Infrastructures et logistique : Pour faciliter l’invasion, Xerxès ordonne la construction de deux ponts flottants sur l’Hellespont (actuel détroit des Dardanelles) et fait creuser un canal à travers l’isthme du mont Athos, évitant ainsi la dangereuse navigation au large.
La stratégie grecque
- Division et tensions : Les cités grecques sont divisées entre celles prêtes à collaborer avec les Perses (comme Thèbes) et celles déterminées à résister (Athènes, Sparte).
- Le rôle de Thémistocle : À Athènes, Thémistocle convainc les citoyens d'investir les revenus des mines de Laurion dans une flotte de 200 trières, renforçant ainsi la puissance navale de la cité.
- L’alliance panhellénique : Sous l’égide de Sparte, les cités résistantes forment une coalition. Une réunion à Corinthe en 481 met fin aux conflits internes pour se concentrer sur la défense contre les Perses.
Les Grandes Étapes de la Guerre
L’Invasion de la Grèce (480 av. J.-C.)
- Le passage de l’Hellespont : Xerxès mène son armée à travers les ponts flottants en 480, marquant une démonstration de puissance.
- Soumission des cités du nord : La Thessalie et la Macédoine se soumettent sans résistance, offrant des bases logistiques aux Perses.
La Bataille des Thermopyles (480 av. J.-C.)
- Position stratégique : Les Thermopyles, un étroit défilé entre la montagne et la mer, offrent un point de passage idéal pour ralentir l’armée perse.
- La défense héroïque : Une force grecque de 7 000 hommes, dirigée par le roi spartiate Léonidas, tient le passage. Face à une trahison qui permet aux Perses de contourner le défilé, Léonidas et ses 300 Spartiates décident de combattre jusqu’à la mort pour couvrir la retraite des Grecs.
- Impact : Bien que les Perses remportent la bataille, cette résistance héroïque galvanise les Grecs et ralentit l’avancée perse.
La Bataille d’Artémision (480 av. J.-C.)
- Contexte : Pendant la bataille des Thermopyles, une flotte grecque de 271 navires engage la flotte perse au large du cap Artémision pour empêcher un débarquement derrière les lignes grecques.
- Bataille indécise : Les Grecs infligent des pertes importantes aux Perses mais, après avoir appris la défaite terrestre aux Thermopyles, se retirent vers le sud.
La Prise d’Athènes et la Bataille de Salamine (480 av. J.-C.)
- Évacuation d’Athènes : Les habitants se réfugient sur l’île de Salamine, laissant la ville aux mains des Perses, qui la pillent et incendient l’Acropole.
- La bataille navale décisive :Sous la direction de Thémistocle, les Grecs attirent la flotte perse dans le détroit de Salamine. La supériorité numérique des Perses se retourne contre eux dans cet espace confiné.
- Les trières grecques, plus maniables, détruisent une grande partie de la flotte perse.
- Xerxès, témoin de la défaite, décide de se replier en Asie, laissant son général Mardonios continuer la campagne avec une force terrestre.
La Bataille de Platées (479 av. J.-C.)
- Regroupement des forces grecques : Une armée de 40 000 hoplites, dirigée par le roi spartiate Pausanias, affronte les Perses restants.
- La victoire grecque : La discipline des phalanges grecques et la coordination entre les cités permettent d’écraser les forces de Mardonios, mettant fin à l’invasion perse.
Conséquences de la Seconde Guerre Médique
Conséquences Immédiates
- Fin des ambitions perses : La défaite à Salamine, puis à Platées, marque l’échec définitif de Xerxès à soumettre la Grèce.
- Montée en puissance d’Athènes : Grâce à son rôle déterminant dans la guerre, Athènes s’impose comme la puissance dominante en mer Égée.
Conséquences Stratégiques
- Consolidation des alliances : La guerre médique donne naissance à la Confédération de Délos, une alliance sous la direction d’Athènes pour poursuivre la lutte contre les Perses et protéger les cités grecques.
- Retrait perse : Les Perses abandonnent leurs ambitions en Grèce continentale, se concentrant sur la défense de leur empire en Asie Mineure.
Conséquences Culturelles
- Triomphe de la liberté grecque : Les Grecs perçoivent leur victoire comme la preuve de la supériorité de leur modèle politique (la cité-État) et de leur courage face à une puissance tyrannique.
- Inspiration artistique et littéraire : La victoire grecque inspire des œuvres majeures comme Les Perses d’Eschyle, célébrant le génie grec face à la démesure perse.
Conséquences des Guerres Médiques (490-479 av. J.-C.)
Les guerres médiques, opposant l’Empire perse achéménide aux cités grecques, eurent des répercussions profondes et durables sur la Grèce, l’Empire perse et l’ensemble du bassin méditerranéen. Ces conséquences, à la fois politiques, stratégiques, culturelles et économiques, façonnèrent l’histoire de la région pendant plusieurs siècles.
Conséquences Politiques
1. Affirmation de la puissance athénienne
- Hégémonie navale d’Athènes :
- Le rôle crucial de la flotte athénienne, notamment à Salamine, consacre Athènes comme la principale puissance maritime de Grèce.
- Cette supériorité se traduit par la création de la Confédération de Délos en 478, une alliance militaire et économique dominée par Athènes. Les membres contribuent en tributs ou en navires, renforçant la puissance athénienne.
- Début de l’Empire athénien :
- Athènes exploite cette confédération pour asseoir son influence sur les cités grecques de l’Égée et d’Ionie, jetant les bases de son empire maritime.
2. Ascension de Sparte comme puissance terrestre
- Sparte, grâce à son rôle déterminant aux Thermopyles et à Platées, renforce son prestige en tant que défenseur de la Grèce continentale.
- Cependant, son influence reste limitée par sa réticence à s'engager dans des alliances maritimes comme celle de Délos.
3. Consolidation de l'indépendance des cités grecques
- La victoire des Grecs garantit l’indépendance des cités-États contre l’impérialisme perse.
- La résistance victorieuse, malgré les alliances pro-perses de certaines cités comme Thèbes, renforce l’idée d’une autonomie collective face à une menace commune.
4. Division du monde grec
- Malgré la victoire, des tensions internes apparaissent, notamment entre Sparte et Athènes.
- Ces rivalités se creusent dans les décennies suivantes, menant finalement à la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.), un conflit fratricide.
Conséquences Stratégiques
1. Recul de l’Empire perse
- Les guerres médiques marquent le premier grand revers de l’Empire perse, qui abandonne ses ambitions sur la Grèce continentale.
- La domination perse sur l’Ionie est contestée : plusieurs cités ioniennes rejoignent la Confédération de Délos, affaiblissant l’emprise perse en Asie Mineure.
2. Émergence de nouvelles alliances
- La Confédération de Délos devient un outil majeur pour les Grecs dans leur lutte contre les Perses, prolongeant le conflit au-delà de 479. La victoire navale de Mycale (479) symbolise cette continuité.
3. Renforcement des fortifications grecques
- Athènes, sous l’impulsion de Thémistocle, entreprend de fortifier le Pirée, transformant ce port en une base navale majeure.
- Les "Longs Murs" reliant Athènes au Pirée garantissent une protection contre d’éventuelles invasions terrestres.
Conséquences Culturelles
1. Sentiment de supériorité grecque
- Les Grecs développent une perception de supériorité culturelle face aux "barbares". La victoire est attribuée à leur courage, leur discipline et leur organisation politique (la cité-État).
- Cette vision est célébrée dans la littérature et l’art, comme dans Les Perses d’Eschyle, qui magnifie la victoire grecque tout en dénonçant la démesure perse.
2. Épanouissement de la démocratie athénienne
- À Athènes, la victoire militaire favorise l’essor de la démocratie :
- Les rameurs, issus des classes populaires (les Thètes), ayant joué un rôle crucial dans la flotte, réclament davantage de droits politiques.
- Thémistocle et ses successeurs encouragent une politique démocratique et expansionniste, qui devient un modèle pour d’autres cités.
3. Influence durable sur la pensée stratégique
- Les guerres médiques offrent des leçons stratégiques majeures, notamment l’importance de la coordination entre forces terrestres et navales.
- La ruse et la stratégie, incarnées par des figures comme Thémistocle et Miltiade, deviennent des thèmes centraux dans la pensée militaire grecque.
Conséquences Économiques
1. Essor du commerce maritime
- La sécurisation des routes maritimes en mer Égée permet un essor du commerce entre les cités grecques et les colonies.
- Athènes, grâce à sa flotte, devient un centre économique majeur.
2. Redistribution des richesses
- La Confédération de Délos impose des tributs aux cités membres, centralisant les richesses à Athènes. Cela permet des projets architecturaux ambitieux, comme la construction du Parthénon sous Périclès.
3. Reprise économique des cités grecques
- Les régions ravagées par les guerres, comme l’Attique et certaines cités ioniennes, entament leur reconstruction grâce à une économie stimulée par la victoire.
Conséquences Géopolitiques
1. Tensions avec l’Empire perse
- Malgré la victoire grecque, les tensions avec l’Empire perse persistent. Les Perses continuent de soutenir les cités grecques opposées à Athènes, alimentant les conflits internes en Grèce.
- La paix de Callias, signée en 449, met officiellement fin aux hostilités entre la Grèce et l’Empire perse.
2. Diffusion de l’influence grecque
- Les cités grecques d’Ionie, libérées de la domination perse, réintègrent pleinement la sphère culturelle hellénique.
- Cette expansion de l’influence grecque annonce la future domination hellénistique sous Alexandre le Grand.
Portée Historique
Les guerres médiques ne furent pas seulement un affrontement militaire, mais aussi une confrontation idéologique entre deux visions du monde :
- L’autonomie des cités grecques, incarnée par la démocratie et la liberté individuelle.
- La centralisation impériale perse, symbolisant l’autorité et la puissance étatique.
La victoire grecque garantit l'indépendance de la Grèce pour les siècles à venir et pose les bases de l’âge d’or d’Athènes, durant lequel naissent des avancées majeures dans les arts, la philosophie et la science.
Sources et Références :
- Hérodote, Histoires (Livres V-IX).
- Plutarque, Vie de Thémistocle.
- Eschyle, Les Perses.
- Claude Orrieux et Pauline Schmitt Pantel, Histoire grecque, 1995.
- Lysias, Oraison funèbre.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Décembre 2010