Au début de la Première guerre punique (264-241 av. J.-C.), Carthage est la puissance maritime dominante en Méditerranée occidentale. Sa flotte, bien établie et expérimentée, lui permet de maintenir une supériorité stratégique sur Rome, dont les forces se concentrent traditionnellement sur des campagnes terrestres. Les Romains, après leur succès à la bataille d’Agrigente en 261 av. J.-C., réalisent qu’un affrontement prolongé avec Carthage nécessite une flotte capable de rivaliser sur mer.
En réponse à la menace carthaginoise, Rome entreprend de construire une flotte ambitieuse de 100 quinquérèmes et 20 trirèmes. Bien que les Romains manquent d’expérience en navigation, ils copient le design d’un navire carthaginois capturé, intégrant les techniques de construction avancées de leurs adversaires. Les premiers navires de cette nouvelle flotte sont prêts en 260 av. J.-C., et le consul Cnaeus Cornelius Scipion reçoit le commandement de 17 navires pour mener des opérations initiales en Sicile.
Situées au nord de la Sicile, les îles Lipari constituent un point stratégique dans les eaux tyrrhéniennes. Scipion reçoit des informations selon lesquelles la garnison des îles Lipari souhaite faire défection et rejoindre le camp romain. Voyant là une opportunité d’établir un contrôle précoce sur cette région clé, il se dirige vers les îles avec son escadre, espérant une transition pacifique.
Les Carthaginois, informés des mouvements romains, élaborent un stratagème. Hannibal Gisco, stationné à Palerme, envoie Boodes, un commandant expérimenté, avec une flotte de 20 navires pour tendre une embuscade à Scipion. Lorsque ce dernier entre dans le port des îles Lipari, il se retrouve encerclé par la flotte punique, incapable de manœuvrer dans l’espace confiné.
Pris par surprise, Scipion et ses hommes ne tentent pas de résister. Les équipages romains, encore inexpérimentés dans les combats navals, paniquent et abandonnent leurs navires pour fuir à l’intérieur de l’île. Scipion lui-même est capturé par les Carthaginois, marquant un revers humiliant pour Rome dans ses débuts sur la mer.
La bataille des îles Lipari est davantage une embuscade réussie qu’une véritable bataille. Elle démontre l’habileté des Carthaginois à exploiter leur supériorité navale et leur connaissance des eaux siciliennes. Cependant, en dépit de leur victoire, les Carthaginois ne parviennent pas à exploiter pleinement cet avantage stratégique.
La capture de Scipion, surnommé par dérision Scipion Asina (l’âne), est une humiliation pour Rome. Cependant, cet incident n’ébranle pas la détermination des Romains. Ils tirent des enseignements de cet échec, renforcent leur flotte, et adoptent des innovations tactiques qui aboutiront peu après à la victoire de Mylae, la première grande victoire navale de Rome.
En somme, la bataille des îles Lipari, bien que défavorable aux Romains, marque le début de leur apprentissage des combats en mer et pose les bases de leur montée en puissance maritime.
Après l’humiliation subie par Rome à la bataille des îles Lipari plus tôt en 260 av. J.-C., où le consul Cnaeus Cornelius Scipion fut capturé, les Romains redoublent d’efforts pour s’imposer sur mer. Conscient de leur manque d’expérience navale face à Carthage, Rome accélère la construction de sa flotte, composée de 100 quinquérèmes et 20 trirèmes, tout en cherchant à compenser son désavantage par des innovations tactiques. Le consul Caius Duilius Nepos, désormais à la tête de la flotte romaine, se prépare à affronter les Carthaginois en Sicile, où ces derniers continuent de dominer les mers.
Pour pallier leur manque d’expertise en manœuvres navales, les Romains conçoivent une machine de guerre appelée le corbeau. Ce dispositif, une passerelle munie de crocs, permet aux navires romains de s’accrocher aux bateaux ennemis et de les aborder. Cette tactique transforme les combats navals, généralement dominés par la mobilité et l’agilité des navires, en des affrontements de mêlée où les légionnaires romains, supérieurs en combat rapproché, excellent. Cet outil novateur joue un rôle déterminant dans la bataille à venir.
La bataille se déroule au large de Mylae (aujourd’hui Milazzo), sur la côte nord de la Sicile. La flotte carthaginoise, forte de 130 navires, est commandée par Hannibal Gisco. Les Romains alignent un nombre similaire de navires, tous équipés du corbeau. Lorsque les deux flottes se rencontrent, les Carthaginois, confiants dans leur supériorité maritime, lancent une offensive.
Phase initiale : Les Carthaginois cherchent à exploiter leur mobilité pour encercler les navires romains. Cependant, le corbeau, utilisé pour la première fois en combat, surprend les Carthaginois. Les navires romains immobilisent leurs adversaires, permettant aux légionnaires d’aborder et de capturer plusieurs navires ennemis.
Déroulement principal : Tandis que les Carthaginois tentent de réorganiser leurs lignes, les Romains continuent d’exploiter leur avantage tactique. L’abordage répété des navires carthaginois désorganise leur flotte, qui n’est pas préparée à faire face à cette méthode de combat.
Fin de la bataille : La flotte carthaginoise subit de lourdes pertes, avec 45 navires perdus, dont 30 capturés. Hannibal Gisco parvient à se retirer avec le reste de sa flotte, mais la victoire romaine est nette.
Une première victoire navale pour Rome : La bataille de Mylae est la première victoire maritime majeure de Rome. Elle prouve que, malgré son inexpérience initiale, Rome est capable de s’adapter rapidement et de rivaliser avec Carthage sur mer. Cette victoire marque le début de la montée en puissance maritime romaine.
Impact stratégique : Bien que la bataille ne soit pas décisive dans la Première guerre punique, elle donne aux Romains un avantage psychologique et renforce leur position en Sicile. Cette victoire ouvre la voie à des campagnes futures, notamment en Sardaigne et dans d’autres zones contrôlées par Carthage.
Célébration et reconnaissance : Le consul Caius Duilius Nepos reçoit un triomphe pour sa victoire. Pour commémorer cet événement, des colonnes rostrales, ornées des éperons des navires capturés, sont érigées dans le Forum romain, devenant un symbole de la capacité de Rome à triompher sur mer.
La bataille de Mylae représente un tournant dans la Première guerre punique. Elle illustre l’ingéniosité tactique de Rome avec l’utilisation du corbeau et la capacité des Romains à dépasser leurs adversaires par leur discipline et leur adaptabilité. Cette victoire met en lumière l’émergence de Rome en tant que puissance navale, posant les bases de son hégémonie future en Méditerranée.
Polybe, Histoires, Livre I :
Polybe fournit un récit détaillé de la bataille, expliquant l'innovation du corbeau et son rôle déterminant dans la victoire romaine. Il décrit également le contexte stratégique de la Première guerre punique et la montée en puissance maritime de Rome.
Appien, Histoire romaine, Les Guerres puniques :
Appien relate les affrontements navals entre Rome et Carthage, en insistant sur l’importance de la victoire de Mylae dans le développement des capacités maritimes de Rome.
Florus, Épitomé de l’Histoire romaine :
Florus aborde brièvement la bataille, soulignant l’humiliation des Carthaginois et la transformation de Rome en puissance maritime.
Tite-Live (résumé dans les périocques) :
Les résumés de Tite-Live mentionnent la victoire romaine comme un événement marquant dans la guerre.
Adrian Goldsworthy, The Punic Wars :
Goldsworthy analyse la bataille de Mylae comme une étape clé de la Première guerre punique, mettant en lumière l’importance de l’innovation du corbeau et le rôle de Caius Duilius.
Pierre Grimal, Histoire de la Rome antique :
Grimal fournit un contexte historique détaillé, expliquant comment la victoire de Mylae a permis à Rome de contester la suprématie maritime de Carthage.
Marcel Le Glay, Jean-Louis Voisin, Yann Le Bohec, Histoire romaine :
Cet ouvrage met en perspective la bataille de Mylae dans le cadre plus large de l’expansion romaine, tout en détaillant l’évolution de la stratégie navale romaine.
Michael Grant, The History of Rome :
Grant analyse l’impact stratégique et psychologique de la victoire de Mylae sur la guerre et sur la perception de Rome comme puissance émergente.
Howard Scullard, A History of the Roman World 753-146 BC :
Scullard explore les innovations tactiques des Romains pendant la Première guerre punique, notamment l’utilisation du corbeau à Mylae.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Janvier 2011