Les Hérules sont un peuple germanique du groupe ostique (Germains orientaux), originaires de Scandinavie, comme les Goths et les Vandales. Leur nom apparaît pour la première fois dans les sources romaines au IIIe siècle. Leur culture guerrière et leurs activités de piraterie leur valent une réputation redoutable. Ils participent notamment à des raids le long de la mer Noire, souvent en collaboration avec des Goths et des Gépides. Ces incursions touchent les provinces romaines danubiennes et même des régions plus éloignées.
En 268-269, ils s’allient à une coalition barbare pour attaquer l’Empire romain, mais subissent une sévère défaite face à l’empereur Claude II le Gothique lors de la bataille de Naissus. Cette défaite marque un coup d’arrêt temporaire à leur expansion.
Au IVe siècle, les Hérules, établis autour du Danube, deviennent des vassaux ou des alliés de peuples plus puissants, notamment les Goths et les Lombards. Cependant, leur mobilité et leur spécialisation dans les raids maritimes les distinguent. Certains Hérules se tournent vers la piraterie en mer du Nord et le long des côtes de l’Empire romain d’Occident, notamment en Armorique et en Galice. Ces activités perturbent les défenses romaines dans ces régions, et des Hérules sont signalés dans des bandes armées de Saxons et de Frisons.
Un des événements les plus marquants de l’histoire des Hérules est l’ascension d’Odoacre, un de leurs chefs. En 476, Odoacre dépose Romulus Augustule, le dernier empereur romain d’Occident, et se proclame « Roi d’Italie ». Cet événement symbolise souvent la fin officielle de l’Empire romain d’Occident. Odoacre et ses Hérules dominent l’Italie jusqu’à ce que Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths, les défasse en 493.
Après la chute d’Odoacre, les Hérules restants se replient sur leurs territoires danubiens sous la conduite de leur roi Rodulf. En 510, ils subissent une défaite écrasante face aux Lombards. Cette défaite affaiblit considérablement leur population et leur structure sociale. Certains Hérules retournent en Scandinavie, tandis que d’autres s’assimilent à d’autres groupes germaniques, notamment les Lombards et les Ostrogoths.
Des contingents de mercenaires hérules continuent de servir dans les armées byzantines au VIe siècle, notamment sous le commandement du général Bélisaire lors de ses campagnes contre les Vandales et les Ostrogoths. Cependant, leur identité en tant que peuple distinct disparaît progressivement au cours du VIIe siècle.
Les Hérules laissent peu de traces matérielles, mais leur présence est attestée par des récits historiques et quelques découvertes archéologiques. Leur retour partiel en Scandinavie au VIe siècle est un exemple rare de repli migratoire, témoignant de l’importance des liens culturels avec leur région d’origine. Ils contribuent également à la culture militaire et mercenaire de leur époque, jouant un rôle dans la transition entre l’Antiquité tardive et le début du Moyen Âge.
Les Hérules, bien qu’un peuple relativement mineur en termes de population, ont joué un rôle notable dans les Grandes Invasions et dans les événements marquant la fin de l’Empire romain d’Occident. Leur histoire illustre la complexité des interactions entre les peuples germaniques et les empires romains, ainsi que la fluidité des identités culturelles et politiques à cette époque.
Les Ruges (ou Rugiens) sont un peuple germanique oriental (ostique), originaires des régions de la Baltique, plus précisément de l'île de Rügen et des terres situées près de l'embouchure de l'Oder. Leur nom semble lié à leur région d’origine, bien qu’il puisse également être associé à des termes signifiant « rugueux » ou « robustes » dans les langues germaniques.
Dès le IVe siècle, ils entament une migration vers le sud, traversant la Silésie et s'établissant en Moravie. Ils s’intègrent progressivement dans les dynamiques des migrations et conflits liés à l’effondrement progressif de l'Empire romain.
Au début du Ve siècle, les Ruges tombent sous l’influence de l’empire des Huns d’Attila. Comme de nombreux peuples germaniques, ils deviennent des vassaux hunniques, contribuant à leurs campagnes militaires. Leur rôle dans les armées d’Attila est mal documenté, mais ils participent probablement à des batailles comme celle des Champs Catalauniques en 451, où une large coalition de peuples barbares et romains affronte les forces d’Attila.
L’effondrement de l’empire hunnique après la mort d’Attila en 453 marque un tournant. Les Ruges se regroupent et s’installent sur un territoire situé au nord du Danube, entre la Basse-Autriche et la Moravie.
Après la chute des Huns, les Ruges établissent une sorte de royaume semi-indépendant dans la région danubienne, centré autour de la Basse-Autriche et de la Moravie. Leur roi Flaccitheus prend la tête du royaume, qui s’étend également sur une partie du Norique. À cette époque, les Ruges exploitent la faiblesse des Ostrogoths, eux-mêmes récemment libérés de la domination hunnique.
Cependant, les relations entre les Ruges et les Ostrogoths restent conflictuelles. Flaccitheus s’allie à d’autres peuples germaniques dans une coalition anti-ostrogothique, mais cette tentative échoue lors de la bataille de la Bolia en 469. Malgré cette défaite, les Ruges maintiennent leur influence dans la région pendant quelques années.
Après la mort de Flaccitheus, son fils Feletheus (ou Feva) lui succède. Feletheus consolide le royaume rugien et étend son influence sur le Norique danubien. Cependant, il doit faire face à la pression croissante des Ostrogoths et des Lombards. Sous son règne, les Ruges sont confrontés à des défis liés à la montée en puissance des Byzantins et à la désorganisation des peuples germaniques après les Grandes Invasions.
Le royaume des Ruges montre une organisation structurée, mêlant des éléments germaniques et romains. Feletheus épouse Giso, une femme romaine chrétienne, ce qui reflète une tentative d’intégration aux traditions romaines. Néanmoins, ce rapprochement n’empêche pas la désintégration progressive du royaume.
Les tensions avec les Ostrogoths culminent dans les années 470-480. Les Ostrogoths, dirigés par Théodoric le Grand, commencent à s’établir en Pannonie et exercent une pression militaire sur les Ruges. Feletheus tente de résister, mais les Ostrogoths, soutenus par les Byzantins, finissent par écraser le royaume rugien en 487. Feletheus est capturé et exécuté.
Après la chute de leur royaume, une partie des Ruges est intégrée dans les armées ostrogothiques, tandis qu’une autre partie s’installe dans l’Empire byzantin comme mercenaires ou se disperse dans la région danubienne. Leur identité distincte disparaît progressivement, absorbée par d'autres peuples comme les Ostrogoths, les Lombards et les Byzantins.
Le rôle des Ruges dans l’histoire européenne est souvent négligé en raison de leur taille relativement modeste et de leur disparition rapide en tant qu’entité politique. Cependant, leur contribution aux conflits danubiens et leur participation aux armées barbares montrent leur importance dans le contexte des Grandes Invasions.
Des traces archéologiques de la présence rugienne ont été découvertes en Moravie et dans la Basse-Autriche, notamment des vestiges de leur culture matérielle et des sépultures. Leur mémoire survit également dans les récits historiques tardifs, comme ceux de Jordanès et d’Eugippe, qui documentent leur interaction avec les Ostrogoths et les Byzantins.
Les Ruges, bien qu’éclipsés par des peuples plus puissants comme les Ostrogoths ou les Huns, ont joué un rôle significatif dans la transition entre l’Antiquité tardive et le début du Moyen Âge. Leur royaume, bien que bref, témoigne des dynamiques complexes des relations germano-romaines et des luttes de pouvoir dans la région danubienne. Leur disparition illustre les défis auxquels étaient confrontés les petits peuples barbares dans un monde en pleine transformation.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Septembre 2010