Les Huns, peuple nomade d’origine asiatique, sont souvent identifiés comme les descendants des Xiongnu (Hsiung-nu), une confédération de tribus mentionnée dans les chroniques chinoises dès le XIIe siècle av. J.-C. Les Xiongnu dominaient les steppes de l’Asie centrale et de la Mongolie, où ils constituaient une menace constante pour les dynasties chinoises. Ces derniers développèrent des tactiques militaires sophistiquées, basées sur la mobilité de leur cavalerie légère et l’utilisation de l’arc composite, un savoir-faire qui serait transmis à leurs descendants, dont les Huns.
Vers le IIe siècle av. J.-C., les Xiongnu furent chassés de leurs territoires par les campagnes militaires de la dynastie Han et par des rivalités internes. Une partie d’entre eux migra vers l’ouest, s’intégrant à d’autres tribus des steppes. Ces déplacements marquèrent l’émergence des Huns, qui commencèrent à établir leur propre identité culturelle et politique distincte.
Les Huns européens apparaissent dans les chroniques historiques et les vestiges archéologiques autour du IVe siècle apr. J.-C. Ils s’installèrent initialement dans la région du Caucase et des steppes de l’Ukraine, avant de traverser la Volga en 375. Ce passage marque le début de leur ascension comme puissance majeure dans l’histoire européenne.
Les archéologues ont découvert des traces de leur présence à travers l’Europe de l’Est, notamment des sépultures et des objets artisanaux caractérisés par un style nomade, souvent décorés de motifs géométriques et zoomorphes. Ces vestiges témoignent d’un mode de vie centré sur l’élevage pastoral, la chasse et une maîtrise avancée de l’équitation.
Les Huns se distinguèrent par leur maîtrise de la guerre nomade, héritée des traditions des steppes. Dès leur plus jeune âge, les enfants hunniques étaient formés à l’équitation et au tir à l’arc, leur permettant de devenir des cavaliers redoutables. Leur principal atout militaire résidait dans leur mobilité exceptionnelle, qui leur permettait de mener des raids rapides et destructeurs sur de vastes territoires.
L’utilisation de l’arc composite, un arc court et puissant capable de tirer des flèches avec une grande précision depuis le dos d’un cheval, leur conférait un avantage décisif contre les armées sédentaires. Ce style de combat s’avéra particulièrement efficace contre les lourdes légions romaines, qui peinaient à s’adapter à une guerre de harcèlement.
Le premier contact des Huns avec l’Europe est indirect. Dès le IIe siècle apr. J.-C., des groupes hunniques s’installèrent dans les steppes pontiques (Ukraine actuelle). Selon les récits de Ptolémée, les Huns étaient connus comme des barbares des marges orientales de l’Europe. Cependant, ce n’est qu’en 375 qu’ils firent une entrée spectaculaire sur la scène européenne en traversant la Volga et en attaquant les Alains, puis les Goths.
Leur avancée rapide et violente provoqua un effet domino parmi les peuples germaniques voisins, précipitant les Grandes Invasions. Les Ostrogoths furent vaincus, et leur roi Ermanaric se suicida. Les Wisigoths, quant à eux, franchirent le Danube pour demander asile à l’Empire romain. Ce mouvement de populations marqua un tournant dans l’histoire européenne, déstabilisant l’Empire romain et amorçant une période de bouleversements politiques.
L’organisation politique, sociale et militaire des Huns et leur capacité à forger des alliances stratégiques furent les clés de leur ascension en tant que puissance majeure en Europe et en Asie. Leur structure flexible leur permit d’exploiter à la fois les forces de leur culture nomade et celles des peuples qu’ils soumettaient, tout en manœuvrant habilement dans le contexte géopolitique complexe du Ve siècle.
Les Huns étaient initialement organisés en tribus indépendantes, unies par des liens familiaux et culturels. Cette structure tribale servait de base à une confédération plus large, dans laquelle chaque tribu conservait une certaine autonomie sous l’autorité d’un chef suprême. Cette organisation souple était particulièrement adaptée à leur mode de vie nomade et leur donnait la capacité de se mobiliser rapidement.
Le pouvoir était centralisé sous la direction d’un roi ou khan suprême, qui exerçait une autorité sur l’ensemble des tribus hunniques. Sous ce roi, les chefs de tribus jouissaient d’une autonomie relative et étaient responsables de la mobilisation militaire, du recrutement des guerriers et de la gestion des affaires internes.
Avec l’avènement d’Attila au pouvoir en 434, la structure tribale des Huns évolua pour adopter une organisation plus centralisée. Attila, en tant que roi unique, s’imposa comme l’autorité suprême et renforça le rôle de la capitale hunnique située en Pannonie. Cette centralisation permit aux Huns de coordonner des campagnes militaires de grande envergure et d’imposer leur domination sur une vaste zone allant de la mer Noire aux Alpes orientales.
La société hunnique était divisée en plusieurs strates :
La mobilité sociale était favorisée par la guerre : un guerrier talentueux pouvait gravir les échelons sociaux grâce à ses exploits militaires, ce qui renforçait la cohésion et la motivation au sein des tribus.
Les Huns étaient réputés pour leur cavalerie légère, qui constituait le pilier de leur puissance militaire. Chaque guerrier hunnique était un cavalier accompli dès l’enfance, entraîné au combat avec l’arc composite, une arme à la fois légère et puissante.
Les formations hunniques étaient caractérisées par :
Attila mit en place une chaîne de commandement efficace, assurant une coordination sans précédent pour une société nomade. Le pillage des territoires conquis fournissait les ressources nécessaires pour entretenir les troupes, tandis que les tributs imposés aux Romains alimentaient le trésor hunnique.
Les camps hunniques, souvent temporaires, étaient stratégiquement situés à proximité des routes commerciales ou des points de passage clés, ce qui facilitait le ravitaillement et les déplacements rapides.
Les Huns développèrent une relation complexe avec l’Empire romain d’Orient. Pendant la première moitié du Ve siècle, ils imposèrent des tributs réguliers à Constantinople, renforçant leur puissance économique. Parallèlement, ils signèrent des traités leur garantissant un statut de partenaires commerciaux privilégiés.
Cependant, cette alliance fut ponctuée de tensions, comme en 447, lorsque Attila lança une campagne dévastatrice contre l’Empire d’Orient, forçant l’empereur Théodose II à céder de vastes territoires et à tripler le montant des tributs.
Avec l’Empire romain d’Occident, les Huns adoptèrent une stratégie différente. Ils se positionnèrent comme alliés militaires, offrant leurs services à Rome pour combattre d’autres peuples barbares tels que les Wisigoths, les Francs et les Burgondes. Cette alliance fut largement facilitée par la relation personnelle entre Attila et le général romain Flavius Aetius, qui avait été otage chez les Huns durant son enfance.
Les Huns soumirent plusieurs peuples barbares, dont les Ostrogoths, les Alains et les Gépides, qui devinrent leurs vassaux. Ces peuples fournirent des contingents militaires et contribuèrent à l’expansion de l’empire hunnique.
Les alliances avec ces peuples furent souvent scellées par des mariages dynastiques ou des accords mutuels de protection. Par exemple, les Ostrogoths combattirent aux côtés des Huns lors de la bataille des Champs Catalauniques, même si cette coalition ne fut pas suffisante pour vaincre la coalition romaine et barbare dirigée par Aetius.
Attila, souvent surnommé le "Fléau de Dieu", fut l'un des dirigeants les plus célèbres et redoutés de l'histoire barbare. Son règne (434–453) marque l'apogée de la puissance hunnique, avec un empire qui s’étendait de la mer Noire jusqu’au centre de l’Europe. Grâce à ses talents militaires, diplomatiques et politiques, Attila transforma les Huns en une force capable de menacer aussi bien l’Empire romain d’Orient que celui d’Occident.
Attila accéda au pouvoir en 434, succédant à son oncle Rua. Initialement, il partagea le pouvoir avec son frère Bléda, mais il élimina ce dernier en 445, consolidant ainsi son autorité sur l’ensemble des tribus hunniques. Sous son règne, l’empire hunnique atteignit son apogée, grâce à une centralisation politique sans précédent et à une stratégie de domination basée sur la terreur et l’exploitation.
Attila établit une capitale en Pannonie, près du Danube, qui devint le centre de son empire. Bien que nomades par tradition, les Huns sous Attila développèrent une administration rudimentaire et un réseau de communication efficace. Cette capitale, bien qu’éphémère, symbolisait l’évolution des Huns d’une société tribale à un empire organisé.
Peu après son accession au pouvoir, Attila négocia le traité de Margus avec l’Empire romain d’Orient, par lequel Constantinople s’engagea à payer un tribut annuel de 700 livres d’or (environ 230 kg). Ce traité marquait une reconnaissance officielle de la puissance hunnique.
Attila profita des divisions internes de l’Empire romain d’Orient pour accroître ses exigences. En 447, il lança une campagne dévastatrice dans les Balkans après que l'empereur Théodose II refusa de payer un tribut accru. Les armées hunniques s’emparèrent de villes stratégiques comme Naissus (Nis) et pillèrent la Macédoine et la Thrace.
Les raids hunniques forcèrent Théodose II à négocier un traité humiliant, triplant le tribut annuel à 2 100 livres d’or (environ 700 kg). Ce paiement consolidait la domination économique d’Attila sur l’Empire romain d’Orient.
Avant de devenir un ennemi redoutable de l’Empire romain d’Occident, Attila fut un allié précieux. Le général romain Flavius Aetius, qui avait été otage chez les Huns dans sa jeunesse, utilisa cette relation pour conclure des alliances militaires. En échange de tributs et de faveurs, Attila fournissait des mercenaires hunniques pour combattre les Francs et les Wisigoths.
Un tournant majeur dans les relations entre Attila et l’Empire romain d’Occident fut l’intervention de Justa Grata Honoria, sœur de l’empereur Valentinien III. Honoria, souhaitant se libérer d’un mariage arrangé, envoya une bague à Attila, lui demandant son aide. Attila interpréta ce geste comme une demande en mariage et revendiqua la moitié de l’Empire d’Occident comme dot.
En 451, Attila lança une campagne massive contre l’Empire romain d’Occident. Traversant le Rhin à la tête d’une armée estimée à 30 000 à 50 000 hommes, il dévasta les villes de la Gaule, notamment Metz, Reims et Trèves. Son objectif principal était Orléans, mais il fut contraint de lever le siège face à l’arrivée de l’armée romaine menée par Aetius.
La confrontation culmina lors de la bataille des Champs Catalauniques, près de Châlons-en-Champagne, en juin 451. Cette bataille opposa une coalition romaine et barbare, incluant Wisigoths, Francs et Burgondes, à l’armée hunnique. Bien qu’Attila ne subît pas une défaite décisive, cette bataille mit un terme à son avancée en Gaule et brisa le mythe de l’invincibilité hunnique.
L’année suivante, Attila tourna son attention vers l’Italie. Ses forces ravagèrent les villes de Milan, Vérone et Aquilée, semant la terreur sur leur passage. Cependant, il fut confronté à des problèmes logistiques et à une résistance accrue. Une rencontre avec le pape Léon Ier aurait joué un rôle dans son retrait, bien que les causes réelles de sa décision restent débattues. Certaines sources évoquent des épidémies et des difficultés de ravitaillement.
Attila mourut subitement en 453, apparemment d’un saignement nasal lors de sa nuit de noces avec une nouvelle épouse, Ildico. Sa mort provoqua une lutte de pouvoir entre ses fils et affaiblit l’empire hunnique.
L’année suivante, une coalition de peuples vassaux des Huns, menée par les Gépides, se révolta contre eux. Lors de la bataille de Nedao, la coalition écrasa les forces hunniques, mettant fin à leur domination en Europe centrale.
Attila transforma les Huns en une puissance majeure, mais sa politique de pillage et d’extraction de tributs affaiblit à la fois ses ennemis et ses alliés. Il joua un rôle clé dans l’accélération de la chute de l’Empire romain d’Occident.
Attila devint une figure mythique dans l’imaginaire européen, souvent décrit comme un destructeur cruel mais également respecté pour ses compétences militaires et son leadership.
Les Huns à la bataille de Chalons. Illustration de A. De Neuville (1836-1885) pour A Popular History of France From The Earliest Times Volume I of VI (P 135) |
Après l'apogée de leur puissance sous Attila, les Huns entrèrent rapidement dans une phase de déclin. L'empire qu'ils avaient bâti, étendu de la Volga à la Gaule et des steppes russes à la Pannonie, ne survécut pas à la mort de leur grand chef en 453. En quelques années, les luttes internes, les révoltes des peuples vassaux et l'absence d'une administration stable provoquèrent leur désintégration.
Attila mourut de manière soudaine lors de sa nuit de noces avec Ildico, une jeune épouse germanique. Les récits historiques suggèrent qu’il aurait succombé à une hémorragie interne causée par un saignement nasal, bien que certains évoquent un possible empoisonnement ou complot. Sa mort marqua un tournant décisif pour les Huns, car Attila avait concentré tous les pouvoirs en sa personne, sans laisser de structure durable pour assurer la continuité de son empire.
La disparition d’Attila ouvrit une période de conflits entre ses fils. Les trois principaux prétendants au trône – Ellac, Ernac et Dengizik – revendiquèrent chacun la succession. Incapables de maintenir l’unité de l’empire, ils plongèrent les Huns dans une guerre fratricide. Ces divisions affaiblirent considérablement leur position face aux peuples soumis.
Profitant de l’affaiblissement des Huns, les peuples vassaux, notamment les Ostrogoths, les Gépides, les Hérules et les Ruges, se rebellèrent contre leurs anciens maîtres. Ces peuples, longtemps opprimés et exploités par les Huns, s’unirent pour renverser leur domination.
La bataille décisive se déroula en 454 sur le fleuve Nedao (probablement en Pannonie). Une coalition dirigée par Ardaric, roi des Gépides, infligea une défaite écrasante aux Huns. Ellac, le fils aîné d’Attila et son successeur désigné, fut tué lors de la bataille. Cette défaite brisa définitivement la puissance hunnique en Europe centrale.
Après leur défaite à Nedao, les Huns perdirent le contrôle de leurs territoires européens. Les Ostrogoths et les Gépides s’emparèrent des terres en Pannonie et en Europe centrale. Les restes des Huns furent chassés de ces régions, et leur empire se morcela en de petites tribus nomades.
Les querelles internes se poursuivirent après Nedao. Dengizik, l’un des fils d’Attila, tenta de reconstituer une partie de l’empire mais échoua. Il mourut en 469 lors d’un affrontement avec les Romains et leurs alliés. Ernac, le dernier fils d’Attila, s’installa en Scythie et fut probablement assimilé par d’autres peuples nomades.
Les groupes hunniques restants se dispersèrent dans plusieurs directions :
Contrairement à d’autres peuples barbares, les Huns ne réussirent pas à créer un État durable ou une structure administrative. Leur empire reposait principalement sur le charisme et les talents militaires d’Attila, et non sur des institutions solides. Après sa mort, leur modèle de domination basé sur la terreur et le tribut s’effondra rapidement.
Malgré leur disparition en tant qu’entité politique, les Huns laissèrent une empreinte durable sur l’Europe et l’Asie centrale :
Les Huns furent progressivement assimilés par d’autres groupes nomades. En Europe orientale, ils fusionnèrent avec des populations slaves, germaniques et turco-mongoles. Dans les steppes, ils participèrent à l’émergence d’autres confédérations nomades, comme les Khazars.
CHRONOLOGIE
73-91 : guerre des Huns en Chine.
316 : les Hsiung-nu envahissent le nord de la Chine.
350 : les Huns envahissent la Perse et l’Inde.
352-354 : guerre des Huns contre les Alains.
357 : les Alains rallient l’armée des Huns en Asie occidentale.
371 : l’empire des Ostrogoths est aux mains des Huns.
375 : forte poussée des Huns qui détruisent le royaume ostrogoth en Russie du Sud.
376 : les Wisigoths qui occupent une partie de la Dacie depuis 150 ans, demandent aux Romains sous la pression des Huns, l’autorisation de traverser le bas Danube. La permission est accordée.
378 : invasion de la Thrace, avec de nombreux autres peuples (dont les Taifales)
410 : naissance d’Attila, roi des Huns.
422 : l’empereur Théodose II accepte de payer un tribut aux Huns en échange de la paix.
423 : 40 000 Huns sont incorporés comme mercenaires dans l’armée romaine.
423 : Rome cède aux Huns la province de Savie.
430 : les Huns hephtalites, établis en Asie centrale, attaquent la Perse.
430 : Byzance paie un tribut annuel de 113 kg d’or aux Huns.
434 : début du règne d’Attila, roi des Huns (fin en 453).
434 : Ruga partage l’empire des Huns entre ses deux neveux Attila et son frère Bleda avant de mourrir.
434 : les Huns doublent le tribut de Rome (226 kg d’or).
434 : les armées de Théodose II sont défaites par les Huns en Thrace.
436 : les Burgondes sont battus à Worms par les Huns mercenaires de l’empire romain.
441 : Attila écarte son frère Bléda et devient le seul monarque des Huns.
447 : les Huns conduits par Attila traversent le Danube, envahissent la Thrace.
447 : les Huns forcent les Romains à payer un lourd tribut (le triple du précédent)
447 : les Huns obligent les Romains à se retirer d’une large bande de terre sur les bords du fleuve.
451 : Attila, roi des Huns, envahit la Gaule. Il est battu aux champs Catalauniques (près de Troyes) par le général romain Aetius, aidé par les Francs et les Wisigoths.
451 : les Huns contournent Paris. Ce miracle est attribué à sainte Geneviève.
452 : la ville de Venise est fondée par des réfugiés de Padoue et d’Aquilée qui fuient les Huns.
452 : les Huns envahissent l’Italie et mettent à sac plusieurs villes du Nord de l’Italie, dont Padoue et Vérone.
455 : fin de l’Empire des Huns en Europe.
455 : Skandagupta défait l’invasion des Huns et devient empereur des Indes.
465 : les Huns conquièrent la plaine de Gandhara en Inde du Nord.
475 : les Huns battent les armées de l’Empire Gupta et mettent fin à cet empire.
477 : Sakala devient la capitale des Huns dans l’Inde du Nord.
484 : les Huns défont les Perses commandés par le roi Pérôz.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Septembre 2010
565 : les Perses et les Turcs combattent ensemble contre les Huns Hephtalites et se partagent la Bactriane conquise en commun.
800 : l’étrier, déjà connu des Huns, apparaît en Occident.