Avec la chute de l’Empire romain d’Occident en 476, des fragments de civilisation romaine subsistèrent dans des enclaves isolées, chacune reflétant des efforts pour préserver la culture, l’administration et les traditions romaines au milieu des bouleversements barbares. Ces vestiges jouèrent un rôle crucial dans la transition entre l’Antiquité tardive et le Moyen Âge.
1. L’Italie : Dernier bastion de la Romanité
- Résilience de Rome : Malgré les pillages d’Alaric en 410 et de Genséric en 455, Rome resta un symbole de la civilisation romaine. Le pape Léon Ier incarna cette résistance en détournant Attila de la ville en 452, renforçant le rôle de l’Église dans la préservation de l’héritage romain.
- Royaume d’Odoacre (476-493) : Odoacre, le roi des Skires, romain d’adoption, refusa le titre impérial mais administra l’Italie en respectant les institutions romaines. Il coopéra avec le Sénat et maintint la paix intérieure tout en évitant de diluer l’identité romaine.
- Le Règne de Théodoric le Grand (493-526) : Théodoric, roi des Ostrogoths, mit en place un système dualiste où Romains et Ostrogoths coexistaient sous des lois et des administrations distinctes. Il promut une renaissance culturelle en s’appuyant sur des érudits romains comme Boèce et Cassiodore.
- Reconquête byzantine (535-554) : Justinien Ier, empereur d’Orient, entreprit de restaurer l’autorité impériale sur l’Italie. La guerre destructrice menée par Bélisaire et Narsès affaiblit la région, préparant le terrain pour l’invasion des Lombards en 568, qui marqua la fin de l’Italie romaine.
2. La Dalmatie Illyrienne : Un réduit militaire
- Base militaire romaine : Après la défaite de l’armée romaine sur le Danube en 454, les légions se replièrent en Dalmatie, où elles maintinrent une structure militaire autonome jusqu’en 481.
- Partage entre Odoacre et Zénon : Une partie de la Dalmatie fut intégrée au royaume d’Odoacre, tandis que l’autre resta sous l’autorité de l’empereur d’Orient Zénon. Cette dualité affaiblit la région, facilitant son absorption dans l’empire byzantin.
3. La Provence : Le refuge administratif
- Un bastion intact : La Provence conserva ses structures administratives romaines, même après la chute de l’Empire. Cette continuité fut permise par la relative tranquillité de la région et la faiblesse des incursions barbares.
- Cessions successives : En 477, Odoacre céda la Provence aux Wisigoths, qui furent eux-mêmes remplacés par les Ostrogoths après la bataille de Vouillé en 507.
- Héritage administratif : La Provence servit de modèle pour la transmission des pratiques administratives romaines aux royaumes barbares.
4. Le Royaume de Soissons : La dernière enclave romaine
- Fondation et résistance : En 461, Aegidius, maître de la milice romaine en Gaule, établit un réduit autour de Soissons pour résister aux invasions barbares. Ce royaume, dirigé successivement par Aegidius et son fils Syagrius, maintint la romanité militaire et administrative.
- Relations avec les Francs : Les rois francs, comme Childéric Ier, collaborèrent parfois avec le royaume de Soissons pour contrer les Wisigoths. Cependant, Clovis détruisit ce dernier bastion en 486 après une bataille décisive.
- Fin de la romanité en Gaule : La capture et l’exécution de Syagrius par Clovis marquèrent la disparition du dernier territoire exclusivement romain en Gaule.
Synthèse : Une fusion des cultures
Si ces vestiges romains furent progressivement absorbés ou détruits par les royaumes barbares, leur influence persista. Les structures administratives, les lois et les traditions romaines furent adoptées par les nouveaux souverains barbares, particulièrement les Ostrogoths, les Wisigoths et les Francs. Cette fusion donna naissance à une nouvelle civilisation romano-barbare, où coexistaient des éléments des cultures romaine et germanique, formant les fondations de l’Europe médiévale.
Sources utilisées :
- Procopius de Césarée, Histoire des Guerres : Témoignage sur la reconquête de Justinien.
- Cassiodore, Variae : Documents administratifs du royaume ostrogoth.
- Grégoire de Tours, Histoire des Francs : Relation des luttes en Gaule.
- Jordanès, Getica : Description de la politique gothique en Italie.
- Edward Gibbon, The Decline and Fall of the Roman Empire : Analyse des vestiges romains post-chute.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Septembre 2010