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Les Doriens

Les Doriens, peuple d’origine grecque venu du nord, sont associés dans la mythologie grecque à la descendance d’Héraclès. Selon la légende, Zeus aurait voulu qu’Héraclès règne sur les terres de Persée à Mycènes et Tirynthe, mais, après la mort du héros, ces terres tombèrent sous la domination des descendants de Pélops. Lors de la Guerre de Troie, Agamemnon régnait sur Mycènes. Cependant, deux générations après cette guerre, vers 1100 av. J.-C., les Doriens, accompagnant les descendants d’Héraclès, les Héraclides, seraient descendus du nord pour conquérir le Péloponnèse et revendiquer leur héritage.

Origines et Migration des Doriens

Les Doriens seraient venus du nord-ouest de la Grèce, peut-être de l’Épire ou du sud-ouest de la Macédoine. Leur dialecte, le dorique, partage des similitudes avec le grec parlé dans ces régions, ce qui suggère une migration depuis le nord. La route des Doriens aurait traversé la Thessalie et la Béotie, s’établissant d’abord dans une petite région centrale nommée Doride. De là, ils seraient partis vers le sud, traversant Delphes et Naupactos, pour finalement envahir le Péloponnèse. Selon la tradition, la conquête de Corinthe serait l’une de leurs dernières grandes victoires.

Cette migration dorienne aurait eu pour conséquence de transformer le paysage linguistique et politique de la Grèce. Le dialecte dorique remplaça progressivement les dialectes antérieurs dans les régions conquises, tandis que certaines régions plus isolées, comme l’Arcadie, conservèrent leur dialecte grec prédorien, témoignant d'une résistance aux invasions.


Organisation Sociale des États Doriens

Une particularité des États doriens réside dans leur division sociale en trois tribus principales : les Hyllées, les Dymanes, et les Pamphyliens. Cette structure, présente dans de nombreux États doriens, reflète un fort sentiment d’identité communautaire et peut-être une origine ethnique commune. Les Doriens forment ainsi des sociétés très organisées, où la culture guerrière et le contrôle territorial sont primordiaux.

Ces sociétés sont marquées par des hiérarchies strictes, comme dans les cas d’Argos et de Sparte, où les Doriens dominent une population de Grecs non-doriens. Cette population, parfois réduite à un statut servile (comme les Hilotes à Sparte), est maintenue sous contrôle par les Doriens, qui imposent leur culture et leur organisation sociale.

L’Impact sur la Civilisation Mycénienne et l’Émergence de l’Âge Obscur

L’invasion dorienne est l’un des éléments souvent avancés pour expliquer la chute de la civilisation mycénienne au XIIe siècle av. J.-C. Les destructions successives de cités et la désintégration de l’organisation mycénienne sont suivies par une période de pénuries et de migrations vers l’Asie Mineure entre 1050 et 950 av. J.-C. Les Grecs eux-mêmes, bien que peu soucieux de cette période sombre, avaient conscience de l’effondrement de la Grèce mycénienne et des migrations massives qui suivirent.

Cependant, aucune preuve archéologique tangible ne permet d’identifier les Doriens comme responsables directs de la destruction mycénienne. Les fouilles ne révèlent pas de signes clairs d’influence culturelle dorienne immédiate. Cela s’expliquerait par le fait que les Doriens sont eux-mêmes des Grecs, issus d’une souche étroitement liée au monde mycénien, rendant difficile de distinguer leur passage au sein des vestiges matériels.

Une Invasion Mythique ou Réalité Historique ?

Certaines hypothèses alternatives remettent en question l’invasion dorienne telle que décrite par les légendes. D’après ces théories, les destructions en Grèce au XIIe siècle pourraient être dues à des révoltes internes ou à des raids sporadiques d’autres peuples grecs, plutôt qu’à une invasion organisée. Ces groupes de Grecs seraient présents depuis longtemps en Grèce et auraient simplement profité des troubles pour s’imposer dans des régions nouvelles.

Néanmoins, les ruptures culturelles et sociales introduites à cette époque, ainsi que la persistance des récits mythologiques, soutiennent l’idée d’une invasion dorienne. Les sources anciennes, bien que légendaires, offrent un cadre explicatif pour comprendre le remplacement culturel et les transformations géopolitiques du début de l’âge du fer en Grèce.

Références

  1. Cartledge, Paul. Ancient Greece: A History in Eleven Cities, Oxford University Press, 2009.

  2. Hall, Jonathan M. A History of the Archaic Greek World, ca. 1200-479 BCE, Blackwell Publishing, 2006.

  3. Snodgrass, Anthony M. The Dark Age of Greece, Edinburgh University Press, 1971.

  4. Osborne, RobinGreece in the Making, 1200–479 BC, Routledge, 1996.

  5. HérodoteHistoires, trad. François Hartog, Éditions Gallimard, 1994.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Mai 2006