La conquête romaine des îles Britanniques, initiée en 43 apr. J.-C., transforma durablement le paysage politique, culturel et économique de la région. En moins de deux décennies, Rome établit un contrôle sur le sud de l’île, malgré une résistance féroce des tribus celtes et des révoltes majeures comme celle de Boudicca.
Le roi Vérica des Atrébates appela Rome à l’aide contre la tribu des Catuvellauni, offrant à l’empereur Claude une occasion idéale d’acquérir un prestige militaire. En réponse, une armée de quatre légions sous le commandement d’Aulus Plautius débarqua dans le Kent. Après une série de victoires le long de la Medway et de la Tamise, les Romains s'établirent fermement dans le sud-est de l'île. En août, Claude rejoignit son armée pour recevoir la reddition des chefs tribaux à Camulodunum (Colchester), scellant le début de la domination romaine.
Les Romains exploitèrent les divisions tribales pour avancer leur contrôle :
D'ici 47 apr. J.-C., Rome contrôlait le sud de l’île, de la Severn à l’Humber.
Les tribus celtes du pays de Galles, notamment les Silures et les Ordovices, opposèrent une résistance acharnée. Sous le gouverneur Suetonius Paulinus, des campagnes majeures furent menées pour réduire ces bastions celtes. L'assaut final sur Anglesey (Mona) en 59 apr. J.-C., un centre spirituel des druides, marqua un coup dur pour la culture celte. Les druides furent massacrés et leurs sanctuaires détruits.
La révolte de Boudicca, survenue entre 60 et 61 apr. J.-C., fut l’un des soulèvements les plus violents et significatifs contre la domination romaine dans la province de Bretagne. Menée par la reine des Icéniens, cette rébellion incarne la résistance désespérée des Brittons face aux abus et à l’autorité impériale romaine.
Les Icéniens étaient une tribu celte située dans l’est de l’île de Bretagne, principalement dans l’actuel Norfolk et Suffolk. À la suite de l’invasion romaine de 43 apr. J.-C., leur roi, Antedios, avait fait le choix de collaborer avec Rome, assurant une relative autonomie à son peuple. Après son éviction, son successeur, Prasutagos, adopta une politique plus distante envers les Romains tout en maintenant une alliance fragile.
À la mort de Prasutagos en 60 apr. J.-C., les Romains annexèrent brutalement le territoire des Icéniens. Le gouverneur Suetonius Paulinus, désireux d’étendre la domination romaine, envoya des administrateurs pour imposer de lourdes taxes et désarmer la population. Ces mesures provoquèrent un profond ressentiment parmi les Icéniens.
L’humiliation culmina avec le traitement infligé à la famille royale :
Ces abus scandaleux déclenchèrent une vague de colère parmi les Icéniens et d'autres tribus opprimées.
Boudicca rassembla les Icéniens et obtint le soutien des Trinovantes, une autre tribu celte du sud-est de l’île. Leur alliance se fondait sur un objectif commun : chasser les Romains et restaurer l’indépendance des Brittons. L’armée rebelle aurait compté entre 100 000 et 230 000 guerriers, selon les sources antiques.
La première cible des rebelles fut la colonie romaine de Colchester, une ville symbolique pour Rome, car elle abritait un temple dédié à l’empereur Claude. Mal défendue, la ville tomba rapidement :
Ce massacre envoya un signal fort aux autres tribus celtes et sema la terreur parmi les populations romaines de la province.
Après leur victoire à Colchester, les forces de Boudicca marchèrent vers Londres. Bien que Suetonius Paulinus, gouverneur de la province, ait pu intervenir, il jugea préférable de sacrifier la ville pour sauver son armée. Il ordonna l’évacuation de la population et se retira vers le nord.
Après Londres, les rebelles attaquèrent Verulamium (aujourd’hui St Albans), une autre ville romaine prospère. Là encore, la ville fut mise à sac, et ses habitants massacrés. Tacite estime que près de 70 000 Romains et alliés périrent dans ces attaques.
Suetonius Paulinus regroupa ses forces à Watling Street, un axe routier majeur près de Lichfield. Il disposait d’environ 10 000 soldats, composés de légionnaires des légions XIV Germina, XX Valeria Victrix, et d’auxiliaires germaniques et gaulois. Bien qu’inférieurs en nombre, les Romains possédaient un avantage stratégique : un terrain propice à la défense.
La défaite scella le sort de la rébellion. Boudicca, incapable de se relever de cette défaite, se suicida, selon Tacite, pour éviter la capture.
Pendant près de quatre siècles, Rome maintint son contrôle sur la province de Bretagne, introduisant :
Les régions reculées comme le nord de l'Écosse, occupées par les Calédoniens et les Pictes, restèrent hors de portée. Les Romains construisirent des défenses telles que le mur d’Hadrien (122 apr. J.-C.) pour contenir les incursions depuis ces territoires non soumis.
Après la révolte de Boudicca, la province se stabilisa, devenant un maillon important dans le réseau économique et militaire de l’Empire. Cependant, les Celtes conservèrent une part de leur identité culturelle, notamment dans des zones moins romanisées comme le pays de Galles et la Cornouailles.
La conquête romaine des îles Britanniques fut une opération complexe, mêlant puissance militaire et diplomatie stratégique. Si elle permit d’intégrer une grande partie de l’île dans l’Empire, elle suscita également des révoltes violentes, témoins de la résilience des Celtes. Cette période laissa un héritage durable, marquant un tournant dans l'histoire de la Grande-Bretagne, entre transformation culturelle et préservation de traditions locales.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Avril 2010