Après avoir repoussé les Gaulois, Rome tire parti de cette crise en consolidant son autorité. L’invasion gauloise affaiblit durablement les Étrusques, déjà en déclin. La perte simultanée de leurs forteresses au nord (Melbum) et au sud (Véies) marque le début de la fin pour cette civilisation. Rome profite également du resserrement des liens avec ses alliés latins, galvanisés par le danger commun.
Cependant, à mesure que la menace gauloise s’estompe, Rome doit affronter de nouvelles tensions internes et des ennemis locaux, notamment les Volsques, les Éques et les Herniques, avant de s’engager dans des guerres plus ambitieuses contre les Samnites.
Les Samnites, une confédération de tribus montagnardes d’Italie centrale, sont des adversaires redoutables. Leurs territoires, riches en ressources et stratégiquement situés entre la côte adriatique et le Latium, sont une cible naturelle pour l’expansion romaine. Cependant, les Samnites ont également des ambitions territoriales, notamment en Campanie et en Apulie, ce qui les place en conflit direct avec Rome.
La première guerre samnite éclate lorsque les Samnites attaquent les Sidicins de Teanum. Les Sidicins appellent à l’aide les Campaniens, qui à leur tour sollicitent Rome. Après une hésitation initiale, Rome intervient lorsque Capoue offre de se soumettre totalement à son autorité par la "deditio". Cette offre pousse le Sénat à envoyer des légions.
La guerre se termine rapidement en raison de crises internes chez les deux camps :
Un traité de paix est signé, et Rome conserve Capoue et le contrôle de la Campanie. Cependant, cette guerre est le prélude à des affrontements plus vastes.
La seconde guerre samnite s’inscrit dans la lutte pour le contrôle de l’Italie méridionale. Rome s’allie avec les cités grecques de Campanie, tandis que les Samnites cherchent à contrer cette avancée en soutenant Paleopolis (l’ancienne Naples). Lorsque les Grecs de Naples chassent la garnison samnite, la ville tombe sous le contrôle romain en -327.
En -325, Rome lance des expéditions militaires à travers le Samnium et atteint l’Apulie. Les cités locales, telles que Luceria et Arpi, font appel à Rome pour les protéger des Samnites. Cette avancée romaine fragilise les Samnites, qui tentent de négocier une paix. Cependant, le Sénat romain refuse et les hostilités se poursuivent.
Cet épisode reste l’un des plus célèbres de l’histoire des guerres samnites. Pris au piège dans une vallée étroite près de Caudium, les légions romaines sont encerclées par l’armée samnite sous le commandement de Cavius Pontius. Après des tentatives infructueuses pour se frayer un chemin, les consuls romains capitulent.
Les conditions imposées par Cavius Pontius sont humiliantes :
Bien que les Romains acceptent ces conditions, le Sénat refuse de ratifier le traité et les hostilités reprennent.
Après la débâcle des Fourches Caudines, Rome regagne progressivement du terrain. En -315, les Samnites remportent une autre victoire à Lautulae, mais Rome réorganise son armée et adopte de nouvelles stratégies. En -311, Rome établit des colonies à Interamna et Venusia, renforçant son contrôle sur le territoire samnite.
Après la conclusion de la Seconde Guerre Samnite, une paix fragile s’installe entre Rome et les Samnites. Cependant, pour ces derniers, cette trêve est insupportable car elle limite leur expansion et leur autonomie. En -299, les Samnites forment une grande coalition pour contester la domination romaine en Italie. Cette alliance comprend :
Rome, de son côté, cherche à prévenir toute insurrection en Italie centrale et méridionale, consolidant ses alliances avec les Lucaniens pour neutraliser les cités grecques comme Tarente.
La guerre commence lorsque les Samnites concluent une alliance avec les Lucaniens, menaçant directement l’équilibre des forces dans la région. En réponse, Rome déclare la guerre en -298. Les campagnes initiales sont marquées par des succès et des revers pour les deux camps.
La première bataille majeure se déroule près de Camerinum, où une coalition samnite et gauloise inflige une sévère défaite aux légions commandées par Lucius Cornelius Scipio Barbatus. Cette victoire donne temporairement l’avantage à la coalition.
Rome réagit en regroupant ses forces. Les consuls Quintus Fabius Rullianus et Publius Decius Mus remportent plusieurs victoires stratégiques :
Ces victoires affaiblissent les Samnites et perturbent la coordination de la coalition. En parallèle, certaines cités étrusques, effrayées par la puissance romaine, concluent des accords séparés avec Rome, affaiblissant encore davantage l'alliance ennemie.
La bataille décisive de la guerre se déroule en -295 à Sentinum (actuelle Sassoferato). La coalition regroupe environ 50 000 hommes, comprenant des Gaulois, des Samnites, des Ombriens et des Étrusques. Les consuls romains Publius Decius Mus et Quintus Fabius Rullianus rassemblent une armée de 60 000 soldats.
Début de la bataille : Sur le flanc droit, Fabius Rullianus affronte les Samnites dans un combat acharné. Pendant ce temps, sur le flanc gauche, Publius Decius Mus fait face aux Gaulois, qui utilisent leurs chariots de guerre pour semer la confusion dans les rangs romains.
Le sacrifice de Decius Mus : Voyant ses troupes reculer, Publius Decius Mus accomplit un rituel religieux appelé la devotio, se dévouant aux dieux infernaux pour obtenir la victoire. Il charge seul les lignes gauloises et est tué, mais son sacrifice inspire ses soldats à contre-attaquer.
Intervention décisive : Fabius Rullianus envoie sa cavalerie campanienne prendre les Gaulois à revers. L'armée gauloise s’effondre, suivie par les Samnites. Leur général, Gellius Egnatius, est tué, mettant fin à toute résistance coordonnée.
Après Sentinum, Rome porte le combat directement sur le territoire samnite. Sous les consuls Lucius Papirius Cursor et Spurius Carvilius Maximus, les légions envahissent le Samnium en -293. La bataille décisive a lieu près d’Aquilonia, où les Samnites rassemblent leurs dernières forces.
Les Samnites adoptent une stratégie défensive, construisant un camp fortifié. Cependant, les Romains, bien organisés, brisent leurs lignes et s'emparent du camp. La défaite est totale, marquant la fin de la résistance samnite.
La victoire romaine a des répercussions profondes sur l’Italie centrale et méridionale :
En -290, la troisième guerre samnite marque la fin de près de cinquante ans de conflit intermittent entre Rome et les Samnites. Cette victoire établit Rome comme la puissance hégémonique en Italie, posant les bases de son expansion future contre les cités grecques et, plus tard, contre Carthage.
À la fin des guerres samnites en -290, Rome contrôle désormais la majeure partie de l’Italie centrale et une partie de l’Italie méridionale. La soumission des Samnites, des Picéniens et des Sabins laisse Rome avec les mains libres pour se tourner vers le sud et les cités de la Grande Grèce (Magna Graecia), un ensemble de colonies grecques autrefois puissantes mais désormais affaiblies par des luttes internes et des conflits avec les tribus locales.
Rome profite des tensions entre les cités grecques et les attaques des Lucaniens pour asseoir son influence. En -282, la garnison romaine installée à Thurii, sur demande de la cité, marque une violation des accords passés avec Tarente en -302. Cette intervention précipite les hostilités avec la puissante cité grecque.
Face à l’agressivité romaine, Tarente appelle à l’aide Pyrrhus, roi d’Épire, connu pour ses talents de stratège et ses ambitions. En -280, Pyrrhus débarque en Italie avec une armée impressionnante, renforcée par des éléphants de guerre, une nouveauté terrifiante pour les Romains.
Après Héraclée, Pyrrhus envoie son conseiller Cinéas proposer une paix à Rome : un retour des prisonniers et une alliance à condition que Rome renonce à ses annexions dans le sud de l’Italie. Le Sénat, influencé par Appius Claudius Caecus, rejette ces propositions.
Au printemps -279, Pyrrhus poursuit sa campagne en Apulie. Une grande bataille a lieu près d’Ausculum, où les Romains introduisent des catapultes montées sur des chariots pour contrer les éléphants. Malgré ces innovations, les forces de Pyrrhus remportent une autre victoire coûteuse.
En -278, Pyrrhus débarque en Sicile avec l’ambition de devenir le champion des cités grecques contre Carthage. Initialement, il remporte plusieurs succès :
Rome met à profit le départ de Pyrrhus pour s’attaquer à ses alliés restants :
La conquête du sud de l’Italie est un tournant majeur dans l’histoire de Rome. En soumettant les cités grecques et en repoussant Pyrrhus, Rome achève l’unification de la péninsule italienne. Cette victoire marque également le début de son expansion en Méditerranée, prélude aux guerres puniques contre Carthage.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Avril 2008