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Rome et la conquête de l'Italie

Rome et la Conquête de l’Italie : Une montée progressive au pouvoir

Les Conséquences des Invasions Gauloises

Après avoir repoussé les Gaulois, Rome tire parti de cette crise en consolidant son autorité. L’invasion gauloise affaiblit durablement les Étrusques, déjà en déclin. La perte simultanée de leurs forteresses au nord (Melbum) et au sud (Véies) marque le début de la fin pour cette civilisation. Rome profite également du resserrement des liens avec ses alliés latins, galvanisés par le danger commun.

Cependant, à mesure que la menace gauloise s’estompe, Rome doit affronter de nouvelles tensions internes et des ennemis locaux, notamment les Volsques, les Éques et les Herniques, avant de s’engager dans des guerres plus ambitieuses contre les Samnites.

Les Guerres Samnites : Une étape clé vers l’unification de l’Italie

Contexte des Guerres Samnites

Les Samnites, une confédération de tribus montagnardes d’Italie centrale, sont des adversaires redoutables. Leurs territoires, riches en ressources et stratégiquement situés entre la côte adriatique et le Latium, sont une cible naturelle pour l’expansion romaine. Cependant, les Samnites ont également des ambitions territoriales, notamment en Campanie et en Apulie, ce qui les place en conflit direct avec Rome.


La Première Guerre Samnite (-343 à -341)

La première guerre samnite éclate lorsque les Samnites attaquent les Sidicins de Teanum. Les Sidicins appellent à l’aide les Campaniens, qui à leur tour sollicitent Rome. Après une hésitation initiale, Rome intervient lorsque Capoue offre de se soumettre totalement à son autorité par la "deditio". Cette offre pousse le Sénat à envoyer des légions.

Les grandes batailles de la Première Guerre Samnite

  1. Mont Gaurus (-342) : Sous le commandement de Marcus Valerius Corvus, les Romains remportent une victoire difficile contre les Samnites.
  2. Suessula (-341) : Le consul Cornelius Cossus parvient à briser un siège samnite et inflige de lourdes pertes à l’ennemi.

Conséquences de la guerre

La guerre se termine rapidement en raison de crises internes chez les deux camps :

  • Rome doit faire face à un soulèvement général des Latins, exaspérés par la domination romaine.
  • Les Samnites détournent leurs forces pour lutter contre la menace de Tarente.

Un traité de paix est signé, et Rome conserve Capoue et le contrôle de la Campanie. Cependant, cette guerre est le prélude à des affrontements plus vastes.


Samnites


 


La Seconde Guerre Samnite (-327 à -304)

La seconde guerre samnite s’inscrit dans la lutte pour le contrôle de l’Italie méridionale. Rome s’allie avec les cités grecques de Campanie, tandis que les Samnites cherchent à contrer cette avancée en soutenant Paleopolis (l’ancienne Naples). Lorsque les Grecs de Naples chassent la garnison samnite, la ville tombe sous le contrôle romain en -327.

Les campagnes romaines en Apulie

En -325, Rome lance des expéditions militaires à travers le Samnium et atteint l’Apulie. Les cités locales, telles que Luceria et Arpi, font appel à Rome pour les protéger des Samnites. Cette avancée romaine fragilise les Samnites, qui tentent de négocier une paix. Cependant, le Sénat romain refuse et les hostilités se poursuivent.

Les Fourches Caudines (-321)

Cet épisode reste l’un des plus célèbres de l’histoire des guerres samnites. Pris au piège dans une vallée étroite près de Caudium, les légions romaines sont encerclées par l’armée samnite sous le commandement de Cavius Pontius. Après des tentatives infructueuses pour se frayer un chemin, les consuls romains capitulent.

Les conditions imposées par Cavius Pontius sont humiliantes :

  • Les légionnaires romains doivent passer sous le joug, une arche symbolisant la soumission.
  • Rome doit démanteler certaines de ses colonies stratégiques, notamment Frégelles et Calès.

Bien que les Romains acceptent ces conditions, le Sénat refuse de ratifier le traité et les hostilités reprennent.

La reconquête

Après la débâcle des Fourches Caudines, Rome regagne progressivement du terrain. En -315, les Samnites remportent une autre victoire à Lautulae, mais Rome réorganise son armée et adopte de nouvelles stratégies. En -311, Rome établit des colonies à Interamna et Venusia, renforçant son contrôle sur le territoire samnite.

 


La Troisième Guerre Samnite (298-290 avant J.-C.)

Contexte et Causes du Conflit

Après la conclusion de la Seconde Guerre Samnite, une paix fragile s’installe entre Rome et les Samnites. Cependant, pour ces derniers, cette trêve est insupportable car elle limite leur expansion et leur autonomie. En -299, les Samnites forment une grande coalition pour contester la domination romaine en Italie. Cette alliance comprend :

  • Les Étrusques, affaiblis mais cherchant à repousser l’influence romaine.
  • Les Ombriens, habitants des Apennins du nord-est.
  • Les Gaulois Sénons, attirés par la promesse de pillages.
  • Les Samnites, qui orchestrent cette vaste union militaire.

Rome, de son côté, cherche à prévenir toute insurrection en Italie centrale et méridionale, consolidant ses alliances avec les Lucaniens pour neutraliser les cités grecques comme Tarente.



Le Début des Hostilités (298-296 avant J.-C.)

La guerre commence lorsque les Samnites concluent une alliance avec les Lucaniens, menaçant directement l’équilibre des forces dans la région. En réponse, Rome déclare la guerre en -298. Les campagnes initiales sont marquées par des succès et des revers pour les deux camps.

Bataille de Camerinum (-298)

La première bataille majeure se déroule près de Camerinum, où une coalition samnite et gauloise inflige une sévère défaite aux légions commandées par Lucius Cornelius Scipio Barbatus. Cette victoire donne temporairement l’avantage à la coalition.

Réaction romaine

Rome réagit en regroupant ses forces. Les consuls Quintus Fabius Rullianus et Publius Decius Mus remportent plusieurs victoires stratégiques :

  • À Tifernum, où Quintus Fabius écrase les Samnites.
  • À Maleventum, où Publius Decius Mus défait les troupes samnites.

Ces victoires affaiblissent les Samnites et perturbent la coordination de la coalition. En parallèle, certaines cités étrusques, effrayées par la puissance romaine, concluent des accords séparés avec Rome, affaiblissant encore davantage l'alliance ennemie.


La Bataille de Sentinum (-295)

La bataille décisive de la guerre se déroule en -295 à Sentinum (actuelle Sassoferato). La coalition regroupe environ 50 000 hommes, comprenant des Gaulois, des Samnites, des Ombriens et des Étrusques. Les consuls romains Publius Decius Mus et Quintus Fabius Rullianus rassemblent une armée de 60 000 soldats.

Préparatifs et stratégies

  • Les Samnites, dirigés par Gellius Egnatius, concentrent leurs forces en Étrurie pour galvaniser leurs alliés.
  • Les Romains divisent leur armée en deux : une partie reste en Campanie pour protéger leurs alliés, tandis que le gros des troupes converge vers l’Ombrie pour affronter la coalition.

Déroulement de la bataille

  1. Début de la bataille : Sur le flanc droit, Fabius Rullianus affronte les Samnites dans un combat acharné. Pendant ce temps, sur le flanc gauche, Publius Decius Mus fait face aux Gaulois, qui utilisent leurs chariots de guerre pour semer la confusion dans les rangs romains.

  2. Le sacrifice de Decius Mus : Voyant ses troupes reculer, Publius Decius Mus accomplit un rituel religieux appelé la devotio, se dévouant aux dieux infernaux pour obtenir la victoire. Il charge seul les lignes gauloises et est tué, mais son sacrifice inspire ses soldats à contre-attaquer.

  3. Intervention décisive : Fabius Rullianus envoie sa cavalerie campanienne prendre les Gaulois à revers. L'armée gauloise s’effondre, suivie par les Samnites. Leur général, Gellius Egnatius, est tué, mettant fin à toute résistance coordonnée.

Bilan

  • Pertes romaines : environ 9 000 soldats.
  • Pertes ennemies : environ 25 000 hommes, selon Tite-Live.
  • Conséquences : La coalition est brisée. Les Étrusques et les Ombriens se retirent du conflit, tandis que les Gaulois retournent au nord.

La Bataille d’Aquilonia (-293)

Après Sentinum, Rome porte le combat directement sur le territoire samnite. Sous les consuls Lucius Papirius Cursor et Spurius Carvilius Maximus, les légions envahissent le Samnium en -293. La bataille décisive a lieu près d’Aquilonia, où les Samnites rassemblent leurs dernières forces.

Déroulement

Les Samnites adoptent une stratégie défensive, construisant un camp fortifié. Cependant, les Romains, bien organisés, brisent leurs lignes et s'emparent du camp. La défaite est totale, marquant la fin de la résistance samnite.


Conséquences de la Troisième Guerre Samnite

La victoire romaine a des répercussions profondes sur l’Italie centrale et méridionale :

  1. Soumission des Samnites : Bien qu’ils conservent une certaine autonomie locale, les Samnites sont intégrés au système romain d’alliances.
  2. Expansion territoriale : Rome annexe de vastes portions du Samnium et établit des colonies stratégiques, notamment en Apulie.
  3. Domination de l’Italie centrale : Avec la soumission des Étrusques, des Ombriens et des Samnites, Rome devient la puissance dominante en Italie.
  4. Préparation pour les conflits grecs : La victoire contre les Samnites ouvre la voie aux guerres contre les cités grecques du sud, notamment Tarente.

La fin des Guerres Samnites

En -290, la troisième guerre samnite marque la fin de près de cinquante ans de conflit intermittent entre Rome et les Samnites. Cette victoire établit Rome comme la puissance hégémonique en Italie, posant les bases de son expansion future contre les cités grecques et, plus tard, contre Carthage.


 



La Conquête du Sud de l’Italie : Rome face à la Grande Grèce

Contexte et Premières Avancées

À la fin des guerres samnites en -290, Rome contrôle désormais la majeure partie de l’Italie centrale et une partie de l’Italie méridionale. La soumission des Samnites, des Picéniens et des Sabins laisse Rome avec les mains libres pour se tourner vers le sud et les cités de la Grande Grèce (Magna Graecia), un ensemble de colonies grecques autrefois puissantes mais désormais affaiblies par des luttes internes et des conflits avec les tribus locales.

Rome profite des tensions entre les cités grecques et les attaques des Lucaniens pour asseoir son influence. En -282, la garnison romaine installée à Thurii, sur demande de la cité, marque une violation des accords passés avec Tarente en -302. Cette intervention précipite les hostilités avec la puissante cité grecque.

L'Affrontement avec Tarente et l’Appel à Pyrrhus

Face à l’agressivité romaine, Tarente appelle à l’aide Pyrrhus, roi d’Épire, connu pour ses talents de stratège et ses ambitions. En -280, Pyrrhus débarque en Italie avec une armée impressionnante, renforcée par des éléphants de guerre, une nouveauté terrifiante pour les Romains.

La Bataille d'Héraclée (-280)

  • Pyrrhus affronte l’armée romaine commandée par Valerius Laevinus près d’Héraclée.
  • Bien que la phalange grecque et les éléphants de guerre assurent la victoire, Pyrrhus subit des pertes considérables, en particulier parmi ses officiers.
  • La victoire lui permet de rallier les Samnites, mais les Étrusques et d’autres alliés potentiels restent fidèles à Rome.

Tentative de négociation

Après Héraclée, Pyrrhus envoie son conseiller Cinéas proposer une paix à Rome : un retour des prisonniers et une alliance à condition que Rome renonce à ses annexions dans le sud de l’Italie. Le Sénat, influencé par Appius Claudius Caecus, rejette ces propositions.


La Campagne en Apulie et la Bataille d’Ausculum (-279)

Au printemps -279, Pyrrhus poursuit sa campagne en Apulie. Une grande bataille a lieu près d’Ausculum, où les Romains introduisent des catapultes montées sur des chariots pour contrer les éléphants. Malgré ces innovations, les forces de Pyrrhus remportent une autre victoire coûteuse.

Conséquences

  • Pyrrhus, épuisé par les lourdes pertes, célèbre une victoire dite "à la Pyrrhus" : il gagne la bataille mais subit des pertes humaines si importantes qu’il est incapable de poursuivre efficacement ses offensives.
  • Rome refuse toujours de céder, tandis que Pyrrhus reçoit une invitation des Grecs de Sicile pour combattre Carthage.

L’Intervention de Pyrrhus en Sicile (278-276)

En -278, Pyrrhus débarque en Sicile avec l’ambition de devenir le champion des cités grecques contre Carthage. Initialement, il remporte plusieurs succès :

  • Les Carthaginois sont repoussés de leurs positions en Sicile, sauf à Lilybée, qu’ils défendent avec acharnement.

Un tournant défavorable

  • Pyrrhus adopte un comportement autoritaire envers les cités grecques, suscitant leur hostilité.
  • Incapable de maintenir son emprise sur la Sicile, il décide de retourner en Italie en -276.

Le Retour en Italie et la Défaite Finale

Bénévent : La bataille décisive (-275)

  • En -275, Pyrrhus affronte l’armée du consul Manius Curius Dentatus près de Malévent.
  • Dans un terrain défavorable, ses éléphants deviennent inefficaces face aux nouvelles tactiques romaines.
  • La défaite force Pyrrhus à abandonner ses ambitions en Italie. Il laisse une garnison à Tarente avant de repartir pour l’Épire.

La Chute de Tarente (-272)

Rome met à profit le départ de Pyrrhus pour s’attaquer à ses alliés restants :

  1. Les Lucaniens et les Samnites, isolés, sont vaincus par le consul Lucius Cornelius Lentulus en -274.
  2. En -272, Rome assiège Tarente. La garnison grecque, dirigée par Milon, résiste mais finit par capituler. La chute de Tarente marque la fin de l’indépendance grecque en Italie.

Conséquences de la Conquête

Domination de l’Italie

  • Avec la soumission de Tarente, Rome contrôle toute l’Italie jusqu’au Bruttium.
  • Les colonies grecques de Reghion, Locres et Crotone passent également sous influence romaine.

Alliance avec Carthage

  • Rome renforce son alliance avec Carthage contre les ambitions de Pyrrhus, posant les bases des conflits futurs entre les deux puissances.

Émergence d’une hégémonie méditerranéenne

  • La victoire contre Pyrrhus établit la réputation de Rome comme une puissance militaire capable de rivaliser avec les tacticiens les plus expérimentés du monde grec.
  • En -272, un pacte d’amitié est signé avec l’Égypte ptolémaïque, renforçant l’influence romaine en Méditerranée.

La conquête du sud de l’Italie est un tournant majeur dans l’histoire de Rome. En soumettant les cités grecques et en repoussant Pyrrhus, Rome achève l’unification de la péninsule italienne. Cette victoire marque également le début de son expansion en Méditerranée, prélude aux guerres puniques contre Carthage.



Références et Sources

  1. Tite-Live, Ab Urbe Condita, Livres IX-X.
  2. Polybe, Histoires, Livre II.
  3. Cornell, T.J. (1995). The Beginnings of Rome. Routledge.
  4. Salmon, E.T. (1967). Samnium and the Samnites. Cambridge University Press.
  5. Bradley, G. (2000). Early Rome to 290 BC. Oxford University Press.
  6. Grant, M. (1980). The Rise of the Romans. Phoenix Press.
  7. Plutarque, Vie de Pyrrhus.
  8. Green, P. (1990). Alexander to Actium: The Historical Evolution of the Hellenistic Age. University of California Press.
  9. Lancel, S. (1995). Carthage: A History. Blackwell.

Auteur : Stéphane Jeanneteau

Avril 2008