Les guerres serviles furent trois révoltes majeures d’esclaves dans le monde romain entre le IIᵉ et le Iᵉ siècle av. J.-C. Ces soulèvements, particulièrement violents, mirent en lumière les tensions sociales et économiques de la République romaine, exacerbées par l’accroissement du nombre d’esclaves suite aux conquêtes militaires.
L’expansion romaine, notamment après les guerres puniques et les conquêtes en Orient, entraîna un afflux massif d’esclaves. Ceux-ci provenaient des territoires conquis et étaient souvent utilisés dans les latifundia (grandes exploitations agricoles) ou comme bergers, mineurs, ouvriers et gladiateurs. Leur condition variait de serviteurs domestiques relativement bien traités aux travailleurs épuisés par des tâches harassantes, particulièrement en Sicile et en Italie méridionale.
Des révoltes isolées d’esclaves éclatèrent régulièrement, mais trois conflits majeurs — les guerres serviles — furent particulièrement marquants.
La première guerre servile éclata en Sicile, un territoire où les latifundia étaient omniprésents. La cruauté des maîtres envers leurs esclaves, notamment celle de Damophile à Enna, provoqua une rébellion. Eunus, un berger syrien prétendant posséder des pouvoirs prophétiques, tua son maître et galvanisa ses compagnons.
Sous la direction d’Eunus, autoproclamé roi sous le nom d’Antiochus, et de Cléon, un chef militaire cilicien, les esclaves s’emparèrent de villes importantes comme Enna et Taormina. Leur armée atteignit 60 000 hommes. Pendant plusieurs années, les forces romaines envoyées pour réprimer la révolte subirent de lourdes défaites.
En -132, le consul Publius Rupilius reprit les villes fortifiées, notamment Taormina et Enna, grâce à un siège prolongé qui affama les rebelles. Cléon mourut au combat, et Eunus fut capturé avant de mourir en prison. Les survivants furent crucifiés, marquant la fin de cette révolte.
La deuxième guerre servile éclata alors que Rome était engagée dans une guerre contre les Cimbres et les Teutons. Une décision sénatoriale d’affranchir les hommes libres injustement réduits en esclavage provoqua des tensions, car cette mesure fut rarement appliquée. Les esclaves, frustrés par leur situation, se soulevèrent.
Salvius, un ancien chef de brigands, se proclama roi sous le nom de Tryphon et rassembla 20 000 esclaves. Athenion, un autre chef, dirigea une armée de 10 000 hommes. Ensemble, ils établirent un semblant de royaume en Sicile, avec une monnaie et une organisation militaire.
Lucullus, puis Servilius, échouèrent à écraser la révolte. Ce fut le consul Marius Aquilius Nepos qui mit fin à la rébellion en -101. Il tua Athenion en combat singulier et dispersa les derniers insurgés. Les survivants furent envoyés à Rome pour être exécutés, mais ils se suicidèrent avant d’être livrés aux fauves.
La troisième guerre servile débuta dans l’école de gladiateurs de Lentulus Batiatus à Capoue. Spartacus, un Thrace ayant déserté l’armée romaine, s’évada avec 73 compagnons, dont Crixus et Oenomaus, deux Gaulois. Le groupe s’établit sur le mont Vésuve et, après avoir vaincu une petite force envoyée par Rome, leur armée grossit rapidement.
Avec plusieurs dizaines de milliers d’hommes, Spartacus ravagea l’Italie du Sud. Cependant, des divisions internes émergèrent : Crixus et d’autres cherchaient vengeance et pillage, tandis que Spartacus visait un retour dans leurs patries d’origine.
Les prêteurs Claudius Glaber et Publius Varinus, puis les consuls Gellius Publicola et Lentulus, furent successivement défaits. Spartacus battit même le proconsul Caius Cassius Longinus près de Modène. Cependant, ses hommes refusèrent de quitter l’Italie, le contraignant à redescendre vers le Sud.
En -71, le Sénat confia la répression à Marcus Licinius Crassus. Après avoir rétabli la discipline dans ses légions, notamment par la décimation, Crassus infligea plusieurs défaites à Spartacus. Bloqué dans le sud de l’Italie, Spartacus tenta de s’échapper mais fut trahi par les pirates ciliciens.
Crassus construisit une ligne de fortifications pour piéger Spartacus dans le Bruttium. Après un hiver difficile, Spartacus franchit les lignes mais fut contraint de livrer bataille sur le Silaros. La bataille fut un massacre : 60 000 esclaves moururent, Spartacus parmi eux. Crassus fit crucifier 6 000 survivants le long de la Via Appia.
Répression Renforcée : Ces révoltes menèrent à une surveillance accrue des esclaves, à l’interdiction pour eux de porter des armes et à des châtiments encore plus sévères en cas de rébellion.
Modifications Socio-Économiques : Bien que les révoltes n’aient pas mené à des réformes immédiates, elles mirent en lumière les tensions sociales entre esclaves, affranchis et citoyens pauvres.
Légitimation de Crassus et Pompée : La victoire contre Spartacus permit à Crassus et Pompée de renforcer leur position politique, jetant les bases de leur ascension dans le triumvirat avec Jules César.
Les guerres serviles révélèrent les failles du système esclavagiste romain, montrant que les esclaves, bien que privés de droits, pouvaient constituer une force redoutable. Ces conflits préfigurèrent les tensions sociales et politiques qui mèneraient à la fin de la République romaine.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Juillet 2009