Après avoir construit un empire durable, Auguste dut se préoccuper de sa succession pour assurer la pérennité de sa dynastie. Cependant, la plupart de ses héritiers adoptés moururent avant lui. À la mort d'Auguste, en 14 apr. J.-C., son beau-fils Tibère restait le seul candidat viable pour lui succéder.
Tiberius Claudius Nero Caesar, connu sous le nom de Tibère, naquit en 42 av. J.-C. Bien qu’il fût d’abord considéré comme un choix secondaire, Tibère accéda finalement au pouvoir, en grande partie par défaut. Auguste préférait initialement les fils de Julie, sa fille issue de son mariage avec Scribonia. Julie, mariée à Marcellus, neveu d'Auguste, devint veuve rapidement. Elle épousa ensuite Marcus Agrippa, fidèle allié d’Auguste, avec qui elle eut trois fils : Caius, Lucius et Agrippa Postumus. Caius et Lucius furent désignés comme héritiers présomptifs, tandis qu'Agrippa Postumus fut mis à l’écart en raison de son comportement violent.
Le mariage d'Auguste avec Livia Drusilla amena deux beaux-fils dans sa famille : Tibère et Drusus. Ces derniers démontrèrent leur valeur militaire lors de campagnes en Germanie et dans les Balkans, bien que leur intérêt pour la politique fût limité, au grand désarroi de leur mère. Après la mort de Drusus et les décès prématurés de Caius et Lucius, Tibère se retrouva malgré lui en première ligne pour succéder à Auguste.
En 4 apr. J.-C., Auguste adopta officiellement Tibère et lui imposa d'adopter à son tour Germanicus, fils de son frère Drusus. Germanicus, descendant direct de Jules César par sa mère, était perçu comme un candidat idéal pour la succession future. Suétone décrit Germanicus comme un homme « beau, courageux et inspirant », qualités qui contrastaient fortement avec celles attribuées à Tibère.
Selon certaines rumeurs rapportées par les auteurs antiques, notamment Suétone, Livia aurait joué un rôle dans les morts successives des héritiers pour favoriser l’accession de son fils Tibère. Ces rumeurs, bien que sensationnalistes, ne sont pas étayées par des preuves solides et semblent plutôt relever de propagandes postérieures.
Tibère accéda au trône à l'âge de 54 ans, héritant d’un empire florissant mais aussi d'une lourde responsabilité. Bien qu'il fût un administrateur compétent, son règne fut marqué par un manque de charisme et une relation difficile avec le Sénat. L’une de ses premières actions fut l’assassinat d’Agrippa Postumus, dernier fils adopté d’Auguste, ce qui renforça sa réputation de dirigeant impitoyable.
Au début de son règne, Tibère dut également faire face à des mutineries dans les provinces militaires, les soldats exigeant une augmentation de leur solde. Bien que la situation fût maîtrisée, cet épisode révéla la fragilité de son autorité auprès de l'armée.
Tibère se montra distant vis-à-vis du peuple romain, évitant les jeux et spectacles qui faisaient la joie des citoyens. Sa réticence à participer à la vie publique contribua à l'impopularité croissante de son gouvernement. Il augmenta les impôts pour renflouer les caisses de l'État, ce qui suscita encore davantage de mécontentement.
Germanicus, neveu et fils adoptif de Tibère, jouissait d’une immense popularité. Après avoir vengé la défaite romaine à Teutoburg (9 apr. J.-C.), il entreprit une campagne en Orient où il mourut mystérieusement en 19 apr. J.-C. Des soupçons d’empoisonnement planèrent, alimentés par la rivalité entre Germanicus et Tibère. La veuve de Germanicus, Agrippine, accusa ouvertement Tibère, lançant une vendetta qui allait ternir son règne.
Agrippine et ses fils furent exilés et périrent dans des conditions tragiques. Seul son plus jeune fils, Caius (plus tard connu sous le nom de Caligula), fut épargné.
En 26 apr. J.-C., Tibère se retira sur l’île de Capri, abandonnant la gestion quotidienne de l’empire à son ministre Séjan, préfet de la garde prétorienne. Séjan profita de cette position pour centraliser le pouvoir et éliminer ses rivaux, allant jusqu’à organiser l’assassinat du fils de Tibère, Drusus. Finalement, Séjan fut démasqué et exécuté en 31 apr. J.-C., mais cette période de méfiance et de répression laissa une marque indélébile sur le règne de Tibère.
Tibère mourut en 37 apr. J.-C., détesté par le peuple et les élites. Selon Tacite, à sa mort, le peuple manifesta sa joie en souhaitant que son corps soit jeté dans le Tibre comme celui d’un criminel ordinaire. Pourtant, Tibère laissa derrière lui un empire économiquement stable, avec des finances en meilleur état que celles qu’il avait héritées.
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Caligula, né Gaius Julius Caesar Augustus Germanicus, régna sur l’Empire romain de 37 à 41 apr. J.-C. Ce règne, bien que court, demeure tristement célèbre pour sa cruauté, son extravagance et ses excès qui ont marqué durablement l’histoire romaine.
Caligula, surnommé "Caligula" (petite chaussure) en raison des bottines qu’il portait enfant dans les camps militaires de son père Germanicus, semblait destiné à un avenir brillant. Après avoir passé ses jeunes années sous la surveillance de Tibère à Capri, il succéda à ce dernier grâce au soutien du préfet de la garde prétorienne, Naevius Sutorius Macro. En effet, malgré une rivalité potentielle avec Tiberius Gemellus, petit-fils de Tibère, Caligula bénéficia d'une ascendance prestigieuse : il était le fils de l’illustre Germanicus et le descendant des grandes familles d’Antoine et Octavie.
Lorsqu’il monta sur le trône, Caligula fut accueilli comme une bouffée d’air frais. Parmi ses premières mesures populaires figurent l’abolition des taxes sur les ventes et la réhabilitation des personnes exilées ou condamnées sous le règne de Tibère. Il organisa également des festivités publiques somptueuses, ravivant l’amour du peuple pour son souverain.
Quelques mois seulement après le début de son règne, Caligula tomba gravement malade. Les causes de cette maladie restent un mystère, mais Suétone et Dion Cassius suggèrent qu’elle marqua un tournant décisif dans son comportement. À son rétablissement, l’empereur semblait transformé : ses actions devinrent de plus en plus erratiques, violentes et extravagantes. Suétone le qualifia de « monstre », tandis que Sénèque évoque son règne comme une période de folie et de terreur.
Les excès de Caligula ruinèrent rapidement l’Empire. Après avoir dilapidé la fortune accumulée par Tibère, il augmenta considérablement les impôts et confisqua les biens des élites romaines. Ses persécutions frappèrent les sénateurs et les aristocrates, qu’il faisait exécuter ou exiler pour des raisons souvent arbitraires. Son mépris pour le Sénat atteignit son paroxysme lorsqu’il nomma consul son cheval favori, Incitatus, une provocation qui symbolisait son mépris total pour les institutions romaines.
Parmi ses actions les plus absurdes figurent son expédition en Bretagne : arrivé sur les côtes de la Gaule, il ordonna à ses légionnaires de ramasser des coquillages en guise de trophées de guerre et proclama une victoire imaginaire. Sur le plan personnel, Caligula affichait un comportement encore plus choquant. Il portait des vêtements de femme, se présentait comme un dieu vivant et aurait entretenu une relation incestueuse avec sa sœur Drusilla, qu’il fit diviniser après sa mort en 38 apr. J.-C.
Le règne de Caligula s’acheva brutalement après seulement quatre ans. Le 24 janvier 41 apr. J.-C., lors des Jeux palatins, il fut poignardé par des membres de la Garde prétorienne, dirigés par Cassius Chaerea, excédés par ses humiliations et son autoritarisme. Sa femme, Milonia Caesonia, et leur jeune fille, également nommée Drusilla, furent assassinées peu après lui.
Après sa mort, son nom fut effacé des monuments et des archives officielles dans un acte de damnatio memoriae. Cette période de vacance du pouvoir permit à la Garde prétorienne de jouer un rôle crucial dans la désignation de son successeur, Claude, oncle de Caligula.
Le règne de Caligula est souvent perçu comme l’un des exemples les plus extrêmes de la tyrannie dans l’histoire romaine. Sa folie et son absence de retenue illustrent les dangers du pouvoir absolu sans contrôle institutionnel. Pourtant, certains historiens modernes tempèrent cette vision en suggérant que de nombreux récits à son sujet ont été amplifiés par ses ennemis politiques et les auteurs postérieurs, tels que Suétone et Tacite, qui s’appuyaient sur des sources hostiles.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Mars 2010