Héritage ostrogothique
Les Lombards apparaissent sur la scène italienne après la chute des Ostrogoths, victimes de la reconquête byzantine sous l’empereur Justinien. Entre 535 et 554, les guerres gothiques, longues et dévastatrices, opposent les Byzantins aux Ostrogoths et laissent l’Italie exsangue. Les Ostrogoths sont finalement anéantis, mais le coût de cette victoire affaiblit également Byzance, qui peine à administrer et défendre ses territoires reconquis. L’Italie se retrouve en proie à l’instabilité politique, à la désorganisation économique et à une démographie en déclin, offrant un terrain favorable à une nouvelle invasion. C’est dans ce contexte que les Lombards, profitant de la faiblesse byzantine, entament leur migration vers la péninsule italienne.
Installation des Lombards
En 568, sous la direction de leur roi Alboïn, les Lombards franchissent les Alpes juliennes et envahissent l’Italie du Nord. Ce peuple germanique, originaire des régions nord-européennes et précédemment installé en Pannonie, arrive avec une organisation tribale et une aristocratie guerrière. Ils s’établissent principalement en Italie septentrionale, où ils fondent un royaume avec Pavie comme capitale. Ce choix stratégique leur permet de contrôler les plaines fertiles de la Lombardie actuelle et de fortifier leur position face aux Byzantins, encore présents dans des enclaves comme Ravenne et Rome. L’installation des Lombards marque le début d’un nouveau chapitre pour l’Italie, caractérisé par une fragmentation politique et culturelle. Leur arrivée bouleverse l’équilibre du pouvoir, introduisant une nouvelle dynamique dans les relations entre Rome, Byzance, et les peuples germaniques.
Structure politique
Le royaume lombard repose sur une structure politique décentralisée, caractérisée par la division du territoire en duchés. Chaque duché est dirigé par un duc, généralement issu de l’aristocratie guerrière lombarde, qui exerce une autorité militaire et administrative. Ces ducs, tout en étant théoriquement subordonnés au roi, jouissent d’une large autonomie, notamment dans les duchés éloignés comme Spolète et Bénévent, où l’autorité centrale peine à s’imposer. Ce système décentralisé reflète les traditions germaniques des Lombards, mais il limite également la cohésion politique du royaume, rendant difficile toute entreprise d’unification face aux menaces extérieures, comme celles des Byzantins ou, plus tard, des Francs.
L’Édit de Rothari (643)
L’un des fondements juridiques du royaume lombard est l’Édit de Rothari, promulgué en 643 par le roi éponyme. Ce code juridique consacre la coexistence des lois lombardes, fondées sur des coutumes germaniques, et du droit romain, toujours appliqué aux populations autochtones. Rédigé en latin, l’Édit marque une étape dans la romanisation des Lombards et reflète une tentative d’intégration des différentes composantes de la société. Il couvre des domaines variés, notamment les relations féodales, la gestion des terres et la résolution des conflits, tout en préservant certains principes du droit germanique, comme le wergeld (compensation pour des dommages).
Religion et intégration
À leur arrivée en Italie, les Lombards sont majoritairement ariens ou encore païens, ce qui les place en opposition avec les populations romaines catholiques et la papauté. Cette divergence religieuse constitue un obstacle majeur à leur intégration et exacerbe les tensions avec l’Église romaine. Cependant, au fil des siècles, les rois lombards amorcent une conversion au catholicisme, notamment sous le règne d’Agilulf (591-616) et de son successeur Perctarith, qui adopte l’orthodoxie romaine. Cette évolution religieuse contribue à apaiser les relations avec Rome et favorise une intégration plus étroite des Lombards dans la culture et les institutions de la péninsule italienne.
Conquêtes territoriales
Après leur arrivée en Italie en 568, les Lombards entreprennent une série de conquêtes qui redessinent le paysage politique de la péninsule. Sous le règne d’Alboïn et de ses successeurs, ils s’emparent de territoires stratégiques, dont Spolète et Bénévent, où sont établis des duchés semi-autonomes. Ces conquêtes permettent aux Lombards de consolider leur présence en Italie centrale et méridionale. En 751, sous le règne du roi Aistulf, les Lombards s’emparent de Ravenne, dernier bastion important de l’autorité byzantine en Italie. Cette victoire marque la fin de l’exarchat de Ravenne, une enclave qui symbolisait la continuité de l’Empire romain en Occident. Avec la prise de Ravenne, les Lombards menacent directement Rome, exacerbant les tensions avec la papauté.
Conflits avec le pape
L’expansion lombarde en Italie les place inévitablement en conflit avec la papauté, dont les terres et l’autorité spirituelle sont menacées. Le pape Étienne II, voyant Rome encerclée par les forces lombardes, cherche une protection extérieure. Face à l’incapacité de Byzance à défendre efficacement ses intérêts en Italie, la papauté se tourne vers les Francs, alors dirigés par Pépin le Bref. Cette alliance, scellée en 754 lors du couronnement de Pépin par le pape, marque un tournant décisif. Les expéditions militaires de Pépin en 754 et 756 repoussent les Lombards et mettent fin à leur siège de Rome. De plus, Pépin cède à la papauté une partie des territoires lombards, dont Ravenne, posant ainsi les bases des États pontificaux.
Un conflit d’intérêts religieux et politiques
Les relations tendues entre les Lombards et la papauté sont également alimentées par des divergences religieuses. Bien que les Lombards se convertissent progressivement au catholicisme, leurs premières décennies en Italie sont marquées par leur adhésion à l’arianisme, perçu comme une hérésie par l’Église romaine. Même après leur conversion, les ambitions territoriales des Lombards continuent de les opposer à Rome, dont la papauté cherche à préserver son autonomie face à une menace lombarde persistante. Ce conflit entre expansion lombarde et défense des intérêts pontificaux crée une dynamique qui influence durablement l’histoire politique de l’Italie médiévale.
Intervention carolingienne
Le déclin du royaume lombard s’accélère au VIIIe siècle avec l'intervention décisive des Carolingiens. En 772, Didier, dernier roi des Lombards, tente de consolider son pouvoir en menaçant les territoires pontificaux. Le pape Adrien Ier, voyant la papauté en danger, appelle à l’aide Charlemagne, roi des Francs. En 773, Charlemagne mène une expédition militaire en Italie, franchissant les Alpes avec une puissante armée. Après un siège éprouvant, Pavie, la capitale lombarde, tombe en 774. Didier est capturé et déposé, marquant ainsi la fin de l’indépendance du royaume lombard. Charlemagne se proclame « roi des Lombards », une rareté dans l’histoire médiévale, puisqu’il est à la fois roi des Francs et des Lombards. Cette conquête intègre l’Italie du Nord dans l’Empire carolingien et renforce l’alliance entre les Francs et la papauté.
Héritage
Bien que leur royaume disparaisse, les Lombards laissent un héritage durable en Italie. Leur intégration dans l’administration carolingienne contribue à l’évolution des institutions locales. Leurs lois, notamment l’édit de Rothari, continuent d’être appliquées et influencent les pratiques juridiques. Les Lombards s’assimilent progressivement à la population italienne, tout en conservant certaines de leurs particularités culturelles. Leur nom survit à travers la région de Lombardie, qui reste un centre économique et politique important en Italie. Les monastères fondés sous leur règne, tels que Bobbio, jouent un rôle clé dans la transmission culturelle et la renaissance carolingienne. La chute du royaume lombard marque une étape essentielle dans la construction de l’Italie médiévale et l’ascension du pouvoir carolingien en Europe.
Les Lombards, un peuple germanique, s'installèrent en Italie en 568, profitant de l’affaiblissement byzantin après les campagnes de Justinien. Ils fondèrent un royaume basé à Pavie, marqué par une administration décentralisée en duchés et l’introduction de leur propre code juridique, l’édit de Rothari (643). Leur relation tumultueuse avec Byzance et Rome, marquée par des conquêtes territoriales comme Ravenne et Spolète, les opposa fréquemment à la papauté. Finalement, en 774, Charlemagne intégra leur royaume à l’empire carolingien après avoir déposé leur dernier roi, Didier. L’héritage lombard perdure à travers leurs lois, l’influence culturelle sur l’Italie du Nord et le nom de la région Lombardie.
ROIS LOMBARDS D'ITALIE
Période | Nom |
---|---|
561 - 572 | Alboïn (assassiné) |
572 - 574 | Cleph (assassiné après 18 mois de règne) |
574 - 584 | suppression de la royauté ; anarchie |
584 - 590 | Authari (arien ; rétablit la royauté) |
590 - 616 | Agilulf (catholique en 603) |
616 - 626 | Adaloald (baptisé en 603 ; renversé, exilé et assassiné {?}) |
626 - 636 | Arioald (arien) |
636 - 652 | Rothari (arien) |
652 - 653 | Rodoald (arien ; assassiné) |
653 - 661 | Aripert (catholique) |
661 - 662 | Pertharite (catholique ; renversé et exilé) et Godepert (arien ; assassiné) |
662 - 671 | Grimoald (usurpateur ; arien {?}, pas très catholique en tout cas) |
671 - 671 | Garibald (arien ; exilé et/ou assassiné après trois mois de règne) |
671 - 688 | Pertharite (restauré ; catholicisme religion officielle du royaume lombard en 671 ; assassiné) |
688 - 700 | Cunipert (associé au trône depuis 678) |
700 - 700 | Liutpert |
700 - 701 | Raghinpert |
701 - 701 | Aripert II |
701 - 702 | Liutpert (second règne ; meurt noyé de force) |
703 - 712 | Aripert II (second règne ; meurt noyé après sa défaite) |
712 - 712 | Ansprand |
712 - 744 | Liutprand |
744 - 744 | Hildeprand (règne 6 mois ; associé au trône depuis 737) |
744 - 749 | Ratchis (abdique ; s'exile avec sa famille au Mont-Cassin) |
749 - 756 | Aistolf (ou Aistulf) |
756 - 757 | Ratchis (second règne) |
757 - 774 | Didier (meurt cloîtré) |
759 | Adalgis (co-roi) |
774 | Charles Ier le Grand (« Charlemagne »), roi des Francs et des Lombards |