Origines et premiers déplacements des Slaves
Un peuple indo-européen
Les Slaves font partie de la vaste famille des peuples indo-européens. Leur langue, issue du slave commun, témoigne de liens anciens avec d'autres langues indo-européennes comme le sanskrit, le grec ou le latin. Ce peuple, ancré dans une tradition agricole, se distingue par une organisation tribale et une culture matérielle unique, basée sur des outils en bois et métal, des bijoux ornés et des poteries.
Le foyer originel des Slaves se situe entre la Vistule, le Dniepr et les Carpates, une région riche en ressources naturelles mais exposée aux migrations des peuples voisins. Les premières civilisations associées aux Slaves, telles que la culture de Lusace et celle des champs d’urnes funéraires, révèlent un peuple ancré dans des pratiques agricoles et funéraires complexes.
Les pressions externes
Les déplacements des Slaves, initiés au VIe siècle, résultent de pressions exercées par d’autres peuples :
- Les Huns et les Alains, qui envahissent l’Europe orientale au IVe siècle, désorganisent les communautés slaves.
- Les Goths, établis dans les Balkans, les utilisent comme auxiliaires militaires.
- Les Avars, un peuple d’Asie centrale, contrôlent temporairement les Slaves, favorisant leur dispersion.
L'accroissement démographique, combiné à des changements climatiques, pousse les Slaves à chercher de nouvelles terres. Leur adaptation à divers environnements (forêts, marécages, steppes) leur permet de s’établir durablement sur un vaste territoire.
Les Slaves occidentaux traversent l’Elbe et s’installent dans les terres qui deviendront la Pologne, la Bohême et la Moravie. Ils repoussent les Germains, mais se heurtent à la montée des Francs et des Saxons, initiant une longue rivalité entre Slaves et Germains.
Les Slaves méridionaux, accompagnés des Avars, descendent dans les Balkans au VIe siècle. Ils s’installent dans les territoires dévastés de l’Empire byzantin, fondant des communautés appelées sclavinies. Leur coexistence avec les Grecs et les Proto-Bulgares donne naissance à des entités politiques comme le royaume de Bulgarie.
Les Slaves orientaux s’établissent dans les vastes plaines de l’actuelle Ukraine et de la Russie occidentale. Influencés par les Khazars et les Varègues, ils forment les bases de ce qui deviendra la Rus’ de Kiev, premier État slave oriental.
Organisation tribale
Les Slaves se regroupent en tribus autonomes, souvent en guerre ou en alliance temporaire les unes avec les autres. Ces tribus, comme les Polanes, les Abodrites ou les Croates, développent des identités culturelles et politiques distinctes.
Les Slaves interagissent avec de nombreuses civilisations :
- Les Byzantins, qui influencent leur art et leur religion.
- Les Francs, qui introduisent le christianisme en Europe centrale.
- Les Khazars, qui jouent un rôle clé dans l’organisation des Slaves orientaux.
Face à des pressions constantes, les Slaves développent des structures sociales flexibles et des modes de vie adaptés aux environnements variés. Leur maîtrise de l’agriculture et leur capacité à s’intégrer dans les terres conquises assurent leur survie.
Malgré leur dispersion, les Slaves partagent une langue commune et des traditions culturelles similaires. Ces éléments permettent l’émergence d’une identité slave, unissant ces peuples dans un héritage commun.
Organisation sociale et culturelle
Les Slaves vivaient principalement dans des communautés tribales autonomes appelées rody. Ces unités sociales étaient basées sur des liens familiaux et un modèle collectif de subsistance. Chaque rod gérait ses terres, ses ressources et ses conflits internes.
- Mode de vie agricole : Les Slaves cultivaient des céréales (blé, orge, seigle), élevaient du bétail et maîtrisaient des techniques d’irrigation. Leur agriculture, bien que rudimentaire, était adaptée aux environnements variés qu’ils occupaient, des steppes de l’est aux forêts de l’ouest.
- Organisation collective : Les décisions importantes étaient prises de manière collective, souvent par des assemblées où les chefs de famille jouaient un rôle majeur. Ces assemblées garantissaient une certaine égalité sociale au sein des tribus.
Les sociétés slaves étaient relativement égalitaires dans leurs premières phases, avec peu de stratification sociale.
- Chefs tribaux : Les knyazi (princes) ou chefs tribaux apparaissaient lors des périodes de conflit ou pour représenter les tribus face à des puissances extérieures. Ils n’étaient pas des monarques absolus mais des figures d’autorité respectées pour leur sagesse ou leurs talents guerriers.
- Guerriers et artisans : À côté des agriculteurs, les guerriers et artisans formaient une classe importante. Les artisans excellaient dans la métallurgie, la fabrication de poterie et d’outils agricoles.
- Rôle des femmes : Les femmes occupaient une place centrale dans l’économie domestique et les pratiques rituelles, participant activement à la préservation des traditions et à la gestion des terres.
Les Slaves pratiquaient une religion polythéiste, centrée sur la nature et les cycles agricoles. Leurs dieux reflétaient les forces naturelles :
- Perun : Dieu de l’orage et chef du panthéon slave.
- Svarog : Dieu du feu et du ciel.
- Mokosh : Déesse de la fertilité et des moissons.
Les rites funéraires étaient particulièrement élaborés :
- Les morts étaient incinérés ou enterrés avec des objets personnels, symbolisant leur statut ou leur rôle dans la communauté.
- Les sites funéraires, souvent ornés de tumuli (kourganes), reflétaient l’importance des ancêtres dans la culture slave.
La créativité artistique des Slaves se manifestait dans plusieurs domaines :
- Broderie et textiles : Les motifs géométriques et floraux des vêtements brodés représentaient souvent des symboles religieux ou des éléments de la nature.
- Bijoux et ornements : Les artisans slaves produisaient des colliers, bracelets et pendentifs en argent ou en bronze, ornés de filigranes et d’incrustations.
- Peinture d’icônes : Après la christianisation, la peinture d’icônes devint une forme artistique majeure, avec des styles influencés par Byzance mais adaptés aux sensibilités slaves.
Le slave commun formait la base de leur communication, facilitant les interactions entre les tribus dispersées. Cette langue :
- Évolua en plusieurs dialectes, posant les bases des langues slaves modernes (russe, polonais, serbo-croate, tchèque, etc.).
- Se développa en langue écrite après l’introduction de l’alphabet glagolitique par Cyrille et Méthode au IXe siècle, permettant la traduction des textes religieux et la diffusion des traditions orales.
Les Slaves pratiquaient des fêtes saisonnières marquant les cycles agricoles et les solstices :
- Kupala : Célébration du solstice d’été, dédiée au feu et à l’eau.
- Maslenitsa : Fête de la fin de l’hiver, marquée par des repas copieux et des rites pour accueillir le printemps.
Ces festivités renforçaient la cohésion sociale et reflétaient leur attachement à la nature.
Division et expansion
Au IXe siècle, les Slaves, dispersés sur un immense territoire allant de la Baltique à la mer Noire et de l’Elbe au Dniepr, se scindent en trois grands groupes. Ces divisions sont le résultat de facteurs géographiques, culturels, et religieux, ainsi que des interactions avec des peuples voisins. Chaque groupe évolue en réponse aux influences extérieures, posant les bases des futures nations slaves.
Les Slaves occidentaux
Ce groupe inclut les Polonais, Tchèques, et Sorabes, vivant principalement entre l’Elbe, l’Oder, et la Vistule.
- Influence germanique : Les Slaves occidentaux sont fortement exposés à l’expansion des Francs et des Saxons. Ces derniers les soumettent progressivement, intégrant leurs territoires dans le Saint-Empire romain germanique. Cette domination entraîne une germanisation partielle et une pression militaire constante.
- Christianisation : Sous l’influence missionnaire germanique, les Slaves occidentaux adoptent le christianisme occidental. L’évangélisation se fait notamment par l’action de missionnaires bénédictins et sous l’impulsion de puissances germaniques, ancrant ces peuples dans la sphère culturelle de l’Église catholique romaine.
- Émergence d’États : Des entités politiques émergent, comme le royaume de Pologne et le duché de Bohême, qui deviendront des acteurs majeurs en Europe centrale.
Les Slaves orientaux
Les Russes, Biélorusses, et Ukrainiens occupent un territoire s’étendant de la Vistule orientale aux rives de la mer Noire et de la mer Caspienne.
- Influence byzantine : Leur proximité avec l’Empire byzantin les expose à une forte influence culturelle et religieuse. La christianisation des Slaves orientaux débute avec la conversion de la principauté de Kiev au christianisme orthodoxe en 988 sous Vladimir le Grand.
- Interaction avec d'autres cultures : Les Slaves orientaux subissent également des influences des peuples steppiques (Khazars, Petchenègues, Tatares) et des Varègues scandinaves, qui jouent un rôle clé dans la formation de l’État kiévien.
- Unité autour de Kiev : La Russie kiévienne devient le centre politique et spirituel des Slaves orientaux, fusionnant traditions slaves et orthodoxie byzantine.
Les Slaves méridionaux
Les Serbes, Croates, et Bulgares habitent les Balkans, une région stratégique entre l’Empire byzantin et l’Église romaine.
- Influence partagée : Situés à la croisée des mondes byzantin et romain, les Slaves méridionaux subissent des influences culturelles et religieuses variées. Les Croates et Slovènes, situés à l’ouest, adoptent le christianisme latin, tandis que les Serbes et Bulgares, à l’est, se tournent vers Byzance et l’orthodoxie.
- Formation des États : La Bulgarie devient un puissant État slave, adoptant le christianisme orthodoxe en 864 sous Boris Ier, tandis que les Serbes et Croates établissent des royaumes influencés respectivement par Byzance et Rome.
- Contexte balkanique : Les Slaves méridionaux sont également confrontés à des incursions des Avars, Magyars et Byzantins, qui façonnent leur histoire et leurs alliances.
Impact de la division
La scission des Slaves en trois grands groupes est déterminée en grande partie par leurs interactions avec leurs voisins et leurs choix religieux :
- Culture et religion : Les Slaves occidentaux s’ancrent dans le catholicisme romain, tandis que les Slaves orientaux et une partie des méridionaux adoptent l’orthodoxie byzantine, créant une fracture durable.
- Émergence des États : Cette division géographique et religieuse prépare la formation des grands États slaves médiévaux, comme la Pologne, la Russie kiévienne, et la Bulgarie.
- Fragmentation linguistique : Les langues slaves se diversifient, évoluant en branches distinctes (occidentale, orientale, méridionale), tout en conservant des racines communes.
Ainsi, au IXe siècle, les Slaves s’inscrivent dans des dynamiques régionales complexes qui influencent durablement leurs identités culturelles, religieuses et politiques. Ces divisions posent les bases de l’histoire médiévale des peuples slaves et leur rôle dans l’équilibre des puissances européennes.
Les premiers États slaves
L’expansion territoriale des Slaves, combinée à des influences extérieures variées et à leur évangélisation progressive, conduit à la formation de structures politiques stables. Ces premiers États, situés à des points stratégiques de l’Europe, jouent un rôle clé dans la consolidation de l’identité slave et leur intégration dans les sphères culturelles occidentale et orientale.
La Grande-Moravie (IXe siècle)
La Grande-Moravie, premier royaume slave occidental, apparaît vers la moitié du IXe siècle. Elle occupe une position stratégique dans l’Europe centrale, couvrant des territoires correspondant à l’actuelle République tchèque, la Slovaquie, et des parties de la Hongrie et de l’Autriche.
- Fondation et expansion : Fondée par Mojmir Ier, la Grande-Moravie atteint son apogée sous Svatopluk Ier (871-894), qui unifie plusieurs tribus slaves sous son autorité.
- Christianisation : Sous l’impulsion de Rostislav, les missionnaires Cyrille et Méthode sont invités en 863 pour évangéliser les Slaves en langue vernaculaire. Leur alphabet glagolitique et leur liturgie slavonne renforcent l’identité culturelle des Slaves occidentaux.
- Chute de la Grande-Moravie : L’État morave ne survit pas aux invasions magyares du début du Xe siècle, mais son héritage culturel et religieux influence durablement la région.
La Rus’ de Kiev (IXe-XIe siècles)
La Rus’ de Kiev est fondée au IXe siècle par les Varègues, des Scandinaves qui établissent une autorité sur les tribus slaves orientales. Kiev devient rapidement un centre politique et culturel majeur.
- Formation de l’État : Sous Oleg (882-912), Kiev est unifiée avec Novgorod, formant un puissant État slave oriental.
- Christianisation : En 988, Vladimir le Grand adopte le christianisme orthodoxe, marquant une alliance spirituelle et culturelle avec Byzance. Cette conversion fait de Kiev un foyer de la culture orthodoxe dans le monde slave.
- Apogée et déclin : Sous Yaroslav le Sage (1019-1054), la Rus’ atteint son apogée économique et politique. Cependant, des divisions internes et des invasions steppiques (notamment mongoles) entraînent son déclin au XIIIe siècle.
Le royaume de Bulgarie
Le royaume de Bulgarie naît de la fusion entre les Proto-Bulgares d’origine turco-tatare et les Slaves méridionaux.
- Fondation : En 681, Asparoukh, chef des Proto-Bulgares, fonde le premier État bulgare dans les Balkans, qui devient un foyer de culture slave méridionale.
- Christianisation et culture : Sous Boris Ier (852-889), le christianisme orthodoxe est adopté en 864, renforçant les liens avec Byzance. La création de l’alphabet cyrillique par les disciples de Cyrille et Méthode au IXe siècle est un tournant majeur pour la culture slave.
- Puissance régionale : Sous Siméon Ier (893-927), la Bulgarie connaît un âge d’or culturel et militaire, rivalisant avec Byzance pour la domination des Balkans.
Impact des premiers États
Les premiers États slaves, bien que distincts dans leurs formes et leurs influences, partagent des traits communs qui façonnent leur identité collective :
- Christianisation : La conversion au christianisme occidental ou orthodoxe est un facteur central de leur développement politique et culturel.
- Langue et écriture : L’adoption de l’alphabet glagolitique ou cyrillique pose les bases d’une riche tradition littéraire slave.
- Diplomatie et échanges : Ces États agissent comme des ponts entre les cultures occidentales, orientales et steppiques.
Les premiers États slaves sont le reflet des diversités et des influences qui traversent le monde slave. Ils marquent une étape décisive dans l’histoire de l’Europe médiévale, contribuant à l’émergence d’identités nationales et à la structuration de l’espace européen.
5. Conflits et influences externes
Pressions à l’Ouest : Germains et Francs
Les Slaves occidentaux, notamment les Polonais, Tchèques et Sorabes, subissent des pressions constantes des Germains et des Francs, qui cherchent à repousser ou assimiler ces populations.
- Conflits avec les Germains : Dès le VIIIe siècle, les Slaves occidentaux entrent en conflit avec les Francs de Charlemagne, qui étendent leur influence à l’est de l’Elbe. Les campagnes militaires carolingiennes, comme celles contre les Abodrites et les Sorabes, visent à imposer le christianisme et à soumettre les tribus slaves.
- Les chevaliers teutoniques : Au XIIIe siècle, les ordres militaires allemands, notamment les chevaliers Teutoniques et Porte-Glaives, mènent des croisades contre les Slaves païens de la Baltique. Ces campagnes, connues sous le nom de "Drang nach Osten" (marche vers l’est), aboutissent à l’assimilation ou à la disparition de plusieurs tribus slaves, notamment les Wendes et les Prussiens baltes.
- Résistance slave : Malgré ces pressions, des entités politiques comme la Pologne et la Bohême émergent et s’affirment face à leurs voisins germaniques, notamment grâce à leur adoption du christianisme occidental et à des alliances stratégiques.
Fragmentation au Sud-Est : Byzantins, Magyars et Ottomans
Les Slaves méridionaux, établis dans les Balkans, se retrouvent sous l’influence de puissances régionales qui fragmentent leur unité.
- Byzance et la culture orthodoxe : Les Slaves méridionaux, comme les Serbes et les Bulgares, subissent une forte influence byzantine. Le christianisme orthodoxe devient un facteur central de leur culture, mais les ambitions expansionnistes byzantines provoquent également des conflits.
- Pression magyare : À partir du Xe siècle, les Magyars s’installent dans le bassin des Carpates, isolant les Slaves de l’Ouest de ceux des Balkans. Les Magyars menacent les Slaves méridionaux, notamment en Croatie et en Serbie, et imposent leur domination sur certaines régions.
- Invasions ottomanes : Au XIVe siècle, les Ottomans progressent dans les Balkans, conquérant la Bulgarie, la Serbie et d’autres territoires slaves méridionaux. La bataille de Kosovo (1389) symbolise la perte d’indépendance des Slaves face à l’Empire ottoman, qui domine la région pendant plusieurs siècles.
Dévastation à l’Est : Mongols et Tatares
Les Slaves orientaux, regroupés autour de la Rus’ de Kiev, font face à des invasions massives provenant des steppes d’Asie.
- Invasions mongoles : En 1237, les Mongols de Batu Khan envahissent la Rus’ de Kiev, détruisant des cités majeures comme Kiev et Riazan. La domination mongole, sous la forme de la Horde d’Or, dure plus de deux siècles, imposant des tributs et limitant le développement des États slaves orientaux.
- Résistance et reconquête : Des principautés russes, comme celle de Moscou, émergent pour résister à la domination mongole. Ivan III, grand-prince de Moscou, met fin à la domination tatare en 1480, consolidant les bases de l’État russe.
- Influences culturelles : Les contacts avec les Mongols laissent des traces dans l’organisation militaire et administrative des États slaves orientaux. Cependant, la domination étrangère ralentit leur développement politique et économique.
Impact des conflits et influences externes
Les multiples pressions subies par les Slaves façonnent durablement leur histoire et leur identité :
- Fragmentation politique : Les Slaves se divisent en trois grandes branches (occidentale, orientale et méridionale), chacune influencée par des cultures et des puissances différentes.
- Émergence d’États résilients : Malgré les invasions et les dominations, des États comme la Pologne, la Russie et la Serbie parviennent à se développer et à préserver leurs identités culturelles.
- Diversité culturelle : Ces conflits et influences extérieures contribuent à la richesse et à la diversité des traditions slaves, tout en accentuant les divergences entre les différents groupes.
Les Slaves, bien que constamment soumis à des pressions externes, démontrent une capacité remarquable à s’adapter et à résister, jetant les bases des nations modernes qui constituent aujourd’hui le cœur de l’Europe centrale et orientale.
6. Héritage et rôle historique
Un rôle de bouclier pour l’Europe
Les Slaves, situés entre l’Europe occidentale et les vastes steppes asiatiques, jouent un rôle défensif crucial face aux vagues d’invasions nomades.
- Confrontation avec les Huns et les Avars : Dès le Ve siècle, les Slaves subissent la pression des Huns et des Avars, participant souvent aux batailles ou servant d’intermédiaires entre ces envahisseurs et les empires voisins. Leur résistance contribue à freiner la progression de ces peuples.
- Arrêt des Mongols et des Ottomans : En Russie, la principauté de Moscou finit par repousser les Mongols en 1480, mettant fin à plus de deux siècles de domination. Plus tard, les Polonais, sous Jean III Sobieski, jouent un rôle déterminant en stoppant l’avancée ottomane à Vienne en 1683, marquant un tournant dans l’histoire européenne.
- Une zone tampon : Situés sur des axes stratégiques, les Slaves absorbent les premières vagues d’invasions venues d’Asie, protégeant indirectement l’Europe occidentale, tout en intégrant certains éléments culturels et militaires des peuples nomades.
Un pont culturel entre Orient et Occident
Les Slaves ont également joué un rôle de passeurs culturels, reliant l’héritage gréco-romain de Byzance aux royaumes d’Europe occidentale.
- Transmission des savoirs gréco-romains : Grâce à leur proximité avec Byzance, les Slaves orientaux et méridionaux adoptent et diffusent des éléments essentiels de la culture et de la science gréco-romaines, notamment à travers l’évangélisation et l’utilisation du vieux-slave comme langue liturgique.
- L’apport de Cyrille et Méthode : Ces missionnaires byzantins créent l’alphabet glagolitique, ancêtre du cyrillique, pour traduire les textes religieux en langue slave. Leur œuvre favorise l’unification culturelle et religieuse des peuples slaves orientaux et méridionaux.
- Lien avec l’Orient : Les échanges avec les Perses, les Scythes, et plus tard les Mongols, enrichissent les traditions slaves en intégrant des influences orientales dans leur art, leurs techniques agricoles et leurs pratiques militaires.
Un riche patrimoine culturel
Les Slaves apportent une contribution unique à la culture européenne, notamment dans les arts, les langues et les traditions.
- Arts et artisanat : Les Slaves excellent dans des disciplines comme la broderie, la peinture d’icônes, la sculpture sur bois et la joaillerie, influençant durablement l’esthétique de l’Europe orientale.
- Musique et folklore : Les chants polyphoniques, les danses rituelles et les contes populaires slaves enrichissent le patrimoine immatériel européen, tout en reflétant des thèmes universels liés à la nature et à la communauté.
- Langues : Les langues slaves, nées du "slave commun", jouent un rôle essentiel dans la communication entre les peuples d’Europe centrale et orientale, tout en conservant une structure linguistique synthétique qui témoigne de leur héritage indo-européen.
Divisions religieuses et identités nationales
Les Slaves subissent une fracture durable entre catholicisme et orthodoxie, reflétant les tensions historiques entre Rome et Byzance.
- Christianisation duale : Les Slaves occidentaux, influencés par Rome, adoptent le catholicisme, tandis que les Slaves orientaux et méridionaux, sous l’influence byzantine, s’orientent vers l’orthodoxie. Cette division façonne les identités culturelles et politiques de ces peuples.
- Impact sur les nations modernes : Cette séparation religieuse contribue à la formation de blocs culturels distincts, préfigurant les divisions entre Europe centrale, orientale et balkanique. Les différences linguistiques et religieuses, bien que issues d’un tronc commun, deviennent des marqueurs identitaires profonds.
- Tensions et solidarités : Les Slaves partagent un fonds commun de traditions et de langues, mais les divisions religieuses et politiques les mènent parfois à des conflits internes, tout en conservant une conscience d’unité historique.
Une empreinte durable
L’héritage slave ne se limite pas à l’histoire, mais continue de modeler le présent :
- Influence géopolitique : Les pays slaves constituent une part essentielle de l’Europe moderne, jouant un rôle clé dans l’équilibre des relations internationales, notamment à travers la Russie, la Pologne et les Balkans.
- Diversité culturelle : La richesse des traditions slaves contribue à la diversité culturelle de l’Europe, tout en rappelant l’importance des échanges historiques entre les civilisations.
- Conservation des valeurs : L’attachement des Slaves à leurs racines, qu’elles soient religieuses, linguistiques ou culturelles, illustre leur rôle comme gardiens de traditions face aux bouleversements historiques.
Les Slaves, par leur résilience et leur diversité, ont laissé une empreinte indélébile sur l’histoire européenne, jouant un rôle clé dans la défense, la transmission et l’enrichissement des cultures qui composent le continent.
Références
- Curta, Florin. The Making of the Slavs: History and Archaeology of the Lower Danube Region, c. 500–700. Cambridge University Press, 2001.
- Heather, Peter. Empires and Barbarians: Migration, Development and the Birth of Europe. Oxford University Press, 2010.
- Fine, John V.A. The Early Medieval Balkans: A Critical Survey from the Sixth to the Late Twelfth Century. University of Michigan Press, 1991.
- Pospíšil, Ivo. Slavonic Languages and Literatures: Their Historical and Cultural Role in Europe. Routledge, 1999.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Octobre 2011