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Les Vikings et leurs exploits au Moyen Âge

La Scandinavie primitive et ses premiers royaumes

Les premières mentions historiques

La Scandinavie, bien que isolée géographiquement, est mentionnée dans plusieurs récits antiques. Pline l’Ancien décrit des « îles » telles que Scandia et Nerigon (probablement la Norvège) comme des terres éloignées et mystérieuses. Tacite, dans son ouvrage La Germanie, mentionne les Suiones, un peuple maritime aux traditions guerrières. Ces récits offrent un aperçu des premiers peuples germaniques de la région, comprenant les Guthes (Goths) et les Sitons, qui se distinguaient par leurs coutumes et leur organisation sociale.

Une civilisation comparable aux Germains continentaux

Pendant des siècles, les peuples scandinaves partageaient de nombreuses similitudes culturelles avec les Germains du continent. Ils vivaient dans des sociétés tribales organisées autour de clans familiaux, dépendant largement de l’agriculture et de l’élevage. Les structures sociales, basées sur la loyauté envers un chef, étaient renforcées par des traditions guerrières et une forte connexion avec leurs croyances païennes, notamment le culte d’Odin et de Thor.

Une transition progressive vers l’organisation politique

Vers le début de l’ère médiévale, les tribus scandinaves commencèrent à se regrouper, formant des alliances pour assurer leur survie face aux pressions internes et externes. Ce processus aboutit progressivement à la consolidation de petits royaumes, jetant les bases des futurs États scandinaves.




  

L’Émergence des Royaumes Scandinaves

La Norvège : Harald unifie les tribus

Au IXe siècle, la Norvège était divisée en petites communautés autonomes souvent en conflit les unes avec les autres. Harald à la Belle Chevelure (Harald Hårfagre), un chef ambitieux, entreprit d’unifier ces tribus sous son autorité. Sa victoire lors de la bataille navale du Hafrsfjord (872) marqua le début d’un royaume norvégien centralisé. Harald établit une monarchie héréditaire, créant ainsi le premier État unifié de Norvège.

Cependant, cette unification força de nombreux chefs dissidents à s’exiler, contribuant à l’expansion viking vers des territoires comme l’Islande, le Groenland, et même l’Amérique du Nord.

La Suède : Olaus Skotkonung et l’unification au XIIe siècle

La Suède, quant à elle, fut marquée par une évolution plus lente. Les Suiones, concentrés autour des grands lacs comme le Mälar et le Vättern, formèrent progressivement une monarchie dirigée depuis Upsalir (Uppsala), un centre religieux dédié au culte d’Odin.

C’est au début du XIIe siècle, sous le règne d’Olaus Skotkonung, que la Suède devint un royaume consolidé. Premier roi chrétien de Suède, Olaus marqua la transition vers une monarchie unifiée, intégrant les régions de la Gothie méridionale au sein du royaume suédois.


Les Royaumes, piliers de l’expansion viking

Un socle pour les expéditions vikings

L’unification des royaumes scandinaves coïncida avec le début des grandes expéditions vikings (VIIIe-XIe siècles). Ces royaumes fournirent la structure nécessaire pour soutenir les expéditions maritimes et les conquêtes. Les chefs vikings, souvent issus de lignées royales ou nobles, utilisaient les ressources de leur royaume pour financer et organiser des raids à travers l’Europe et au-delà.

Des bases pour la stabilité intérieure

La création de royaumes unifiés permit aussi une relative stabilité intérieure. Cela facilita l’administration des territoires, le maintien de l’ordre, et l’établissement de routes commerciales, reliant la Scandinavie aux grands centres économiques de l’époque, comme Constantinople et Bagdad.

L’influence culturelle et politique des royaumes

Grâce à l’expansion viking et au commerce, les royaumes scandinaves s’enrichirent et s’ouvrirent aux influences extérieures. Les relations avec les cultures chrétiennes conduisirent progressivement à la conversion des royaumes païens, préparant le terrain pour leur intégration dans l’Europe médiévale.



L’expansion viking : un phénomène global

Les causes de l’expansion viking

De 800 à 1100, les Vikings émergèrent comme une force redoutable, lançant des raids audacieux et établissant des colonies dans des régions éloignées. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène :

  1. Surpopulation : Les terres agricoles de Scandinavie, peu fertiles, ne pouvaient plus subvenir aux besoins d’une population croissante. Cela incita de nombreux Scandinaves à chercher de nouvelles terres.
  2. Querelles internes : Les luttes pour le pouvoir, notamment après l’unification des royaumes, poussèrent certains chefs et clans à l’exil.
  3. Recherche de richesses : Les pillages et le commerce étaient des moyens d’acquérir des biens précieux, tels que de l’or, de l’argent, et des esclaves.
  4. Compétence navale : Les Scandinaves maîtrisaient la construction de navires légers et rapides, comme les célèbres drakkars, leur permettant de naviguer sur les rivières et en haute mer.

À l’Ouest : Colonisation des îles britanniques et fondation de la Normandie

Les premières cibles des Vikings furent les îles britanniques et leurs monastères isolés, riches en trésors. Dès la fin du VIIIe siècle, ils lancèrent des raids sur des monastères tels que Lindisfarne (793). À partir du IXe siècle, ces incursions se transformèrent en occupations permanentes.

  1. En Angleterre : Les Vikings établirent le Danelaw, une région sous leur contrôle dans le nord et l’est de l’Angleterre. Ils fondèrent également des villes prospères, comme York (Jórvík).
  2. En Irlande : Ils fondèrent des colonies telles que Dublin, qui devint un centre commercial important, ainsi que Waterford et Limerick.
  3. En France : Après avoir pillé la vallée de la Seine, les Vikings s’installèrent en Normandie, où le roi franc Charles le Simple concéda à Rollon le titre de duc en 911, en échange de sa fidélité et de la protection contre d'autres raids.

Au nord de l’Atlantique : Colonisation de l’Islande, du Groenland et découverte de l’Amérique du Nord

Les Vikings furent également des explorateurs remarquables, s’aventurant dans des terres isolées au nord de l’Atlantique.

  1. Les îles septentrionales : Les Shetland, Orcades, et Féroé furent colonisées au IXe siècle, devenant des bases stratégiques pour les expéditions ultérieures.
  2. L’Islande : Découverte en 861 et colonisée dès 874, elle devint un centre culturel viking avec l’établissement de l’Althing, un des premiers parlements au monde.
  3. Le Groenland : Éric le Rouge fonda une colonie au Groenland en 983, attirant des colons malgré les conditions hostiles.
  4. Le Vinland : Aux environs de 1000, Leif Erikson, fils d’Éric, atteignit les côtes de l’Amérique du Nord, qu’il nomma Vinland en raison de ses ressources naturelles, marquant ainsi le premier contact européen avec le continent américain.

À l’Est : Les Varègues et l’établissement de routes commerciales

Les Vikings suédois, ou Varègues, orientèrent leurs explorations vers l’est, jouant un rôle clé dans la création de réseaux commerciaux reliant la Scandinavie à l’Asie.

  1. Routes fluviales : Les Varègues empruntèrent les grandes rivières russes, comme le Dniepr et la Volga, pour atteindre la mer Caspienne et la mer Noire.
  2. Novgorod et Kiev : Ils fondèrent des villes importantes comme Novgorod et Kiev, qui devinrent des centres du commerce scandinave et donnèrent naissance à l’État russe médiéval.
  3. La garde varègue : À Constantinople, les Vikings servaient comme mercenaires pour l’Empire byzantin, formant la prestigieuse garde varègue, connue pour sa loyauté et sa bravoure.

La Vie Culturelle et Sociale des Vikings

Une civilisation sophistiquée malgré une réputation brutale

Les Vikings sont souvent associés aux images de pillages et de raids dévastateurs, mais leur culture révèle une société bien plus complexe. Les fouilles archéologiques ont mis en lumière une richesse matérielle et culturelle, témoignant de leurs interactions avec des civilisations variées. Entre le VIe et le Xe siècle, les tombes scandinaves contenaient non seulement des artefacts locaux, mais aussi des objets importés de régions aussi lointaines que l’Empire byzantin, le califat abbasside, et l’Europe occidentale.

Ces biens incluaient des bijoux, des armes finement décorées, et des pièces de monnaie. Ils reflétaient non seulement la richesse accumulée par le commerce ou les expéditions, mais aussi la capacité des Vikings à assimiler des influences culturelles tout en conservant leurs traditions propres.


Une société structurée autour des clans et des lois

La société viking était hiérarchisée, avec une structure sociale divisée en trois classes principales :

  1. Les jarls : Nobles et chefs de clans, ils possédaient de vastes terres et dirigeaient les expéditions.
  2. Les karls : Fermiers libres et artisans, ils formaient la majorité de la population, participant aux raids et aux assemblées législatives locales (things).
  3. Les thralls : Esclaves ou captifs de guerre, ils occupaient les échelons les plus bas et étaient souvent vendus sur les marchés vikings.

Malgré cette stratification, les Vikings mettaient un point d’honneur à respecter les décisions collectives. Les assemblées locales, ou things, jouaient un rôle essentiel dans le règlement des conflits et l’administration des lois.


Un lien spirituel avec les forces naturelles et mythologiques

Les Vikings étaient profondément religieux, avec une mythologie complexe centrée sur les dieux Odin, Thor, Freyja, et Loki, parmi d’autres. Ces divinités incarnaient des forces naturelles et spirituelles qui régissaient leur vie quotidienne et leur vision du monde.

  1. Odin, dieu de la sagesse et de la guerre, symbolisait le chef idéal, rusé et courageux.
  2. Thor, armé de son marteau Mjöllnir, représentait la protection et la force face aux ennemis, humains ou surnaturels.
  3. Freyja, déesse de l’amour et de la fertilité, était vénérée pour assurer la prospérité des récoltes et des familles.

Les Vikings croyaient en un destin fixé, ou wyrd, et aspiraient à une mort héroïque pour accéder au Valhalla, le grand hall d’Odin, où les guerriers défunts se préparaient au combat final de Ragnarök.


La transition vers le christianisme

Malgré leur attachement à leurs croyances païennes, les Vikings commencèrent à adopter le christianisme à partir du IXe siècle. Cette transition fut principalement motivée par leurs contacts avec les cultures chrétiennes, à travers le commerce, les raids, et les mariages.

  1. La mission d’Anskar en Suède : Le moine Anskar, envoyé par l’empereur carolingien Louis le Pieux, joua un rôle clé dans l’introduction du christianisme en Scandinavie. Bien que son influence fut limitée à ses débuts, elle ouvrit la voie à des conversions plus larges au XIe siècle.
  2. Le rôle des chefs vikings : De nombreux chefs adoptèrent le christianisme pour faciliter les alliances et le commerce avec les royaumes chrétiens. Olaus Skotkonung, roi de Suède, fut baptisé en 1008, marquant une étape majeure dans la christianisation de la région.
  3. L’adoption progressive : Le christianisme s’étendit lentement mais sûrement, remplaçant les anciens rites païens par des églises et des monastères. Cependant, certaines traditions païennes persistèrent longtemps dans les coutumes locales.

Un héritage culturel durable

La culture viking, riche et diversifiée, continue d’influencer le monde moderne. Les sagas et poèmes, tels que l’Edda poétique, ont préservé leur mythologie et leurs exploits pour les générations futures. Leur organisation sociale, leur art, et leur esprit aventureux ont laissé une empreinte indélébile sur les régions qu’ils ont explorées ou colonisées.


La Fin de l’Ère Viking et l’Intégration des Royaumes Scandinaves

Déclin de l’expansion viking

À partir du XIe siècle, l’expansion viking connut un ralentissement significatif. Plusieurs facteurs expliquent ce déclin :

  1. La consolidation des royaumes scandinaves : L’unification des territoires sous des monarchies stables en Suède, en Norvège, et au Danemark réduisit les querelles internes qui avaient poussé de nombreux chefs à chercher fortune à l’étranger.
  2. La christianisation : Avec l’adoption du christianisme, les Scandinaves délaissèrent progressivement leurs traditions de raids et de pillages, considérées comme incompatibles avec les valeurs chrétiennes. L’établissement d’une Église organisée rapprocha la Scandinavie des royaumes européens chrétiens.
  3. La résistance des pays européens : Les régions naguère vulnérables aux incursions vikings s’étaient fortifiées. En Angleterre, par exemple, les réformes militaires sous Alfred le Grand avaient rendu les côtes moins accessibles. En France, les concessions territoriales, comme la Normandie, intégrèrent les Vikings dans le système féodal.
  4. La mutation des routes commerciales : Avec la montée en puissance de nouvelles routes commerciales terrestres et maritimes en Europe centrale et méridionale, l’importance des réseaux vikings diminua.

L'émergence de puissances unifiées

La transition de sociétés tribales à des royaumes centralisés fut un tournant majeur pour la Scandinavie. Ces royaumes consolidés remplacèrent progressivement les structures sociales basées sur les clans et les alliances temporaires.

  1. Le Danemark : Sous des rois tels que Knud le Grand (Canut), le Danemark devint un empire nordique influent, incluant l’Angleterre et la Norvège à son apogée. Cependant, après la mort de Knud en 1035, le royaume se recentra sur la péninsule danoise.
  2. La Norvège : Après des périodes d’instabilité, la Norvège trouva une unité durable sous Olav II Haraldsson (Saint Olav), qui renforça le christianisme dans le royaume. Cependant, la Norvège perdit de son influence face à ses voisins danois et suédois.
  3. La Suède : Sous des rois tels qu’Olaus Skotkonung, la Suède acheva son unification et devint un acteur majeur dans le commerce balte. Elle resta cependant longtemps en marge des luttes pour la suprématie nordique.

La fin d'une ère et l'entrée dans l'histoire européenne

Avec la consolidation des royaumes de Suède, de Norvège et du Danemark, les Scandinaves achevèrent leur transition d’une société guerrière à des États organisés. L’Union de Kalmar symbolisa cette unité, bien que fragile. La fin de l’expansion viking marqua non pas une disparition, mais une intégration des peuples nordiques dans l’Europe médiévale, où ils jouèrent un rôle politique, économique, et culturel significatif.

Sources et références

  1. Gwyn Jones, A History of the Vikings.
  2. Else Roesdahl, The Vikings.
  3. P.H. Sawyer, Kings and Vikings: Scandinavia and Europe, AD 700-1100.
  4. Snorri Sturluson, Heimskringla: The Chronicle of the Kings of Norway.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Juin 2011