Conquête de Charlemagne (774)
En 774, Charlemagne intervient en Italie à la demande du pape Étienne II, inquiet face aux ambitions expansionnistes du dernier roi lombard, Didier. Après avoir assiégé et pris Pavie, la capitale lombarde, Charlemagne dépose Didier, mettant ainsi fin au royaume lombard. Il se proclame « roi des Lombards », ajoutant ce titre à celui de roi des Francs, et annexe l’Italie du Nord à son empire. Cette conquête représente une continuité dans l’organisation politique de la région : Charlemagne s’appuie sur les structures lombardes existantes, tout en installant des comtes francs pour superviser l’administration locale. Cette intégration marque le début d’une ère où le nord de l’Italie devient une composante du vaste Empire carolingien, servant de pont entre l’Europe occidentale et la péninsule.
Donation au pape
Parallèlement à l’annexion du royaume lombard, Charlemagne confirme et élargit la donation territoriale réalisée par son père, Pépin le Bref, à la papauté. Ces territoires comprennent une partie de l’Italie centrale, dont Rome, Ravenne et des régions environnantes, constituant les bases des États pontificaux. Bien que cette donation apparaisse comme un geste d’émancipation du pape, ces territoires demeurent en réalité sous une suzeraineté carolingienne indirecte. Charlemagne, en contrôlant l’Italie, garantit une alliance étroite entre le trône et l’autel, consolidant ainsi son pouvoir en tant que défenseur de la chrétienté tout en offrant une protection militaire au pape. Cette alliance entre les Carolingiens et la papauté joue un rôle central dans le développement politique et religieux de l’Europe médiévale.
Vice-royauté italienne
Après l’annexion de l’Italie, Charlemagne institue une administration structurée pour gouverner ce territoire stratégique. Il place son fils Pépin à la tête du royaume d’Italie, faisant de celui-ci une vice-royauté sous l’autorité globale de l’empereur carolingien. Cette gestion permet de maintenir un contrôle direct tout en accordant une certaine autonomie locale. Pépin est entouré de nobles francs chargés de superviser l’administration et d’assurer la loyauté des comtes et des ducs italiens. Cette centralisation administrative marque un effort pour intégrer l’Italie dans le cadre plus large de l’Empire carolingien, tout en garantissant la continuité du pouvoir à travers une gestion dynastique.
Assemblées annuelles
Pour renforcer la cohésion entre les Francs conquérants et les Lombards soumis, Charlemagne instaure des assemblées annuelles, un dispositif déjà en usage dans le monde franc. Ces réunions permettent aux représentants des deux groupes de participer à la gestion locale et aux décisions administratives. Les Lombards conservent ainsi certains aspects de leur organisation traditionnelle, notamment en matière juridique, tout en s’intégrant au système carolingien. Ces assemblées favorisent un équilibre entre les cultures, limitant les tensions sociales et politiques dans un territoire marqué par la diversité ethnique et institutionnelle. Cette dualité entre continuité lombarde et centralisation franque illustre l’habileté politique de Charlemagne dans la gestion de son empire
Conflits avec Byzance
L’intégration de l’Italie dans l’Empire carolingien ne signifie pas la fin des tensions avec l’Empire byzantin, qui conserve des territoires stratégiques dans la péninsule. L’Italie centrale, notamment la Dalmatie et la Vénétie, devient un point de friction entre les deux empires. Bien que Charlemagne conclue des traités avec Byzance, comme celui de 803, pour obtenir une reconnaissance mutuelle, ces accords ne résolvent pas complètement les conflits territoriaux. La Dalmatie reste une région disputée, tandis que Venise, sous une suzeraineté nominale byzantine, commence à affirmer son autonomie. Son rôle croissant dans le commerce maritime et sa position stratégique en font un acteur incontournable, mais son double jeu entre Francs et Byzantins complique la stabilisation de la région.
Invasions musulmanes
Les attaques des Sarrasins à partir de 826 constituent une menace majeure pour l’Italie. Ces derniers s’emparent rapidement de la Sicile, faisant de l’île une base stratégique pour lancer des incursions contre la péninsule. Bari et Tarente tombent également sous leur contrôle, et leurs raids dévastent les côtes italiennes, s’étendant parfois jusqu’à l’intérieur des terres. Les Sarrasins menacent même Rome, ce qui pousse les cités maritimes, comme Amalfi, Gaète et Naples, à s’allier avec la papauté. Ces coalitions permettent quelques victoires notables, comme celle d’Ostie en 849, où les forces combinées du pape et des cités maritimes repoussent une flotte sarrasine. Malgré ces efforts, la présence sarrasine reste un défi constant, affaiblissant davantage la cohésion et la sécurité du royaume carolingien d’Italie.
Partages carolingiens
La stabilité de l’Italie carolingienne est constamment mise en péril par les divisions dynastiques au sein de l’Empire. À chaque partage impérial, l’Italie est attribuée à différents héritiers, fragmentant son unité politique. Le traité de Verdun en 843 en est un exemple frappant : l’Italie revient à Lothaire, qui hérite également du titre d’empereur, mais ce partage affaiblit la cohésion impériale. Les successeurs de Lothaire, moins compétents et souvent confrontés à des pressions internes et externes, ne parviennent pas à imposer une autorité centrale forte. Cette faiblesse favorise l’émergence de factions locales et intensifie l’anarchie dans la péninsule, où l’autorité royale devient de plus en plus symbolique.
Émergence des duchés lombards
En parallèle, les anciens duchés lombards, comme Bénévent, Capoue et Salerne, s’affirment comme des puissances semi-indépendantes. Ces territoires, bien que nominalement soumis à l’autorité carolingienne, opèrent de plus en plus librement, profitant de la faiblesse du pouvoir central pour renforcer leur autonomie. Dans le sud, le duché de Bénévent se divise, entraînant la création des principautés de Capoue et Salerne, qui deviennent des centres de pouvoir rivaux. Pendant ce temps, les cités maritimes comme Amalfi et Naples prospèrent grâce à leur autonomie et à leur rôle croissant dans le commerce méditerranéen. Ces entités développent des structures de gouvernement local qui préfigurent l’émergence des républiques maritimes, tout en contribuant à la fragmentation politique de la péninsule.
Effondrement de l’autorité centrale
La mort de Louis II en 875 marque un tournant dans l’histoire de l’Italie carolingienne. Avec la disparition de ce dernier souverain capable de maintenir une relative cohésion, la péninsule plonge dans une période de désordre et d’anarchie. Les prétendants au trône se multiplient, alimentant des luttes incessantes entre princes locaux, factions nobles et autorités religieuses. Les papes eux-mêmes, tout en cherchant à consolider leurs territoires, s’impliquent dans ces conflits, compliquant davantage la situation. Les villes italiennes commencent également à se renforcer, se dotant d’autonomies accrues, un signe avant-coureur de l’émergence des communes.
Invasions magyares et arabes
Alors que l’autorité royale s’effondre, l’Italie est prise en étau par des invasions extérieures. Les Magyars (Hongrois), après avoir ravagé l’Europe centrale, s’attaquent au nord de l’Italie, pillant les régions autour du Pô, la Toscane, et pénétrant jusqu’en Italie centrale. Leur capacité de mobilité et leur brutalité mettent en évidence la faiblesse militaire des pouvoirs locaux. Pendant ce temps, au sud, les Arabes, installés depuis plusieurs décennies en Sicile, continuent leurs incursions sur le continent, établissant des bases à Bari et Tarente. Ces invasions ajoutent à la désorganisation générale, renforçant la fragmentation politique et militaire de la péninsule.
Autonomie des cités et des évêques
Avec l’effondrement de la monarchie carolingienne et les menaces extérieures (Magyars, Arabes), les cités italiennes émergent comme des pôles d’autorité locale. Fortifiées pour se défendre contre les raids et pillages, elles attirent les populations rurales en quête de sécurité, favorisant leur expansion économique et démographique. Les évêques, souvent investis de pouvoirs temporels, jouent un rôle clé dans l’organisation et la défense de ces villes. Ils administrent les territoires urbains et ruraux environnants, constituant des alliances avec les nobles locaux ou les cités voisines. Cette montée en puissance des villes marque le début d’un système qui évoluera vers les communes médiévales.
Rôle d’Otton Ier (961)
Face au chaos politique et à l’appel du pape pour contrer les menaces internes et externes, Otton Ier, roi de Germanie, mène une campagne en Italie en 961. Il prend le titre de roi d’Italie à Pavie et est couronné empereur à Rome en 962, marquant la restauration du Saint-Empire romain germanique. Cette intervention consolide l’autorité impériale en Italie, même si elle est principalement symbolique dans le contexte des autonomies locales émergentes. En intégrant l’Italie dans la sphère germanique, Otton Ier amorce une nouvelle phase d’interactions entre le nord et le sud de l’Europe, tout en initiant des conflits futurs entre l’Empire et la papauté.
Fragmentation politique
L’Italie carolingienne inaugure une période de division durable. Le nord s’oriente vers une influence germanique, notamment après l’intervention d’Otton Ier et la restauration du Saint-Empire romain germanique. Le centre, avec les États pontificaux, devient une entité indépendante sous la suzeraineté spirituelle et temporelle de la papauté. Le sud, quant à lui, demeure sous l’influence byzantine ou arabe, renforçant la diversité politique et culturelle de la péninsule. Cette fragmentation marque une étape décisive dans l’histoire italienne, où l’unité nationale reste une idée lointaine.
Autonomie urbaine
La montée en puissance des cités-États italiennes trouve ses racines dans l’époque carolingienne. Face à l’effondrement de l’autorité centrale et aux invasions extérieures, les villes se fortifient et deviennent des centres économiques, administratifs et culturels. Ce contexte pose les bases des futures républiques médiévales, telles que Venise, Florence ou Gênes, qui joueront un rôle crucial dans l’essor économique et politique de l’Italie au Moyen Âge.
Schisme géographique et culturel
La division entre le nord et le sud de l’Italie s’accentue durant cette période. Le nord, sous influence germanique, adopte des structures féodales et une organisation politique tournée vers l’Europe centrale. Le sud, quant à lui, reste profondément marqué par les cultures grecque et arabe, notamment dans son organisation sociale et ses pratiques administratives. Ce schisme géographique et culturel perdurera, contribuant à une identité italienne fragmentée jusqu’à l’unification au XIXe siècle.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Septembre 2011